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L'estimation de la fonction de disparité

Chapitre 5 L'alignement géométrique des données

3.5 L'estimation de la fonction de disparité

L'estimation de la fonction de disparité à l'itération courante est faite à partir de la donnée des couples de points homologues de l'ensemble EC ; il s'agit d'évaluer une fonction mathématique

à partir de la donnée des disparités {dpC,r→t,k}

k∈[1,NC] mesurées au niveau des points de

construction dans l'image de référence {pC,r,k}

k∈[1,NC] :

∀ k ∈ [1,NT], dpC,r→t,k = pC,t,k - pC,r,k [5-15]

Puisque les disparités mesurées dprC→t,k appartiennent à I, R 2

, l'estimation de la fonction de disparité implique l'évaluation de deux surfaces reconstruites à partir de la donnée en des points répartis de manière quelconque dans un plan respectivement de la disparité en ligne et de la disparité en colonne mesurée sur les couples de points homologues.

Il existe plusieurs méthodes de reconstruction de surface permettant l'estimation du champ de disparité à partir des données de EC. Le choix d'une méthode ou d'une autre revient

généralement à choisir une forme paramétrique pour la fonction de disparité et ensuite à choisir ses paramètres pour qu'elle s'adapte "le mieux possible" aux données suivant ses différents degrés de liberté. Le terme "le mieux possible" se définit à partir de critères portant sur la précision par rapport aux données avec, éventuellement, des contraintes sur la régularité de l'estimation résultante. La forme paramétrique qui est ajustée aux mesures est appelée modèle de la fonction de disparité.

Les différentes méthodes de reconstruction de surface utilisées font l'objet d'une présentation détaillée et d'une discussion dans l' annexe A.

Parmi ces différentes méthodes développées, on peut considérer, en premier lieu, les méthodes

globales. Ces méthodes se basent sur des modèles paramétriques dont le degré de liberté est

nettement plus petit que le nombre de points de données ; compte tenu du nombre généralement important de ces points, ces méthodes sont dites sur-contraintes. En conséquence, elles ne peuvent estimer que les basses fréquences spatiales de la fonction de disparité réelle. C'est ainsi que l'on constate généralement un écart entre les disparités aux points de construction et leur estimation par une méthode globale ; écart d'autant plus grand que le champ de disparité réel comporte des composantes non négligeables dans les hautes fréquences spatiales qui ne sont pas accessibles à la fonction d'estimatio n, à cause du faible degré de liberté des méthodes globales. En d'autres termes, lors de l'utilisation d'une méthode globale, un couple de points homologues n'intervient pas localement mais participe, en moyenne, à l'estimation de la fonction de disparité.

Une méthode utilisée de manière classique pour l'alignement géométrique est basée sur l'interpolation polynomiale à partir de polynômes de faibles degrés. Ainsi, une interpolation avec des polynômes de degré deux consiste à calculer leurs six paramètres selon la méthode des moindres carrés, à partir des disparités mesurées en un nombre de points de données généralement bien supérieur à six.

En second lieu, les méthodes locales offrent la possibilité de faire intervenir localement chaque disparité mesurée sur les couples de points homologues de construction : elles disposent, en effet, d'un degré de liberté ayant un ordre de grandeur équivalent aux nombres de couples de points homologues servant à leur construction. Contrairement aux méthodes globales, ces méthodes permettent une estimation plus fine de la fonction de disparité réelle avec, en contrepartie, une grande sensibilité locale à la qualité de l'appariement pour chacun des couples de points homologues de construction.

Les modèles de fonction de disparité correspondant aux méthodes locales peuvent être définis d'un seul tenant. C'est le cas des procédés de krigeage (Matheron 1965 ; 1971) ou de la méthode des plaques minces (Le Méhauté, 1989 ; Wahba, 1990) exposés en annexe A.

De manière synthétique, cette dernière méthode permet d'estimer la fonction de disparité par deux surfaces paramétriques de type C1(I, R2) avec une erreur proportionnelle au carré de la densité des points de données. Le degré de liberté de chacune de ces deux surfaces est légèrement supérieur au nombre total de couples de points homologues de construction. Ces

degrés de liberté supplémentaires permettent de disposer d'un paramètre, le facteur de régularité, réglant la "dureté" de l'interpolation vis-à-vis des données. La méthode de reconstruction de surface possède donc la possibilité d'un lissage des mesures de disparités ; lissage d'autant plus important que ce facteur est grand. A l'inverse, pour une valeur nulle de ce facteur, les deux surfaces interpolent exactement les données de disparités des couples de points homologues de construction. Dans un contexte de bruit de mesure des disparités gaussien indépendant, il est possible de déterminer le facteur de régularité optimal par un procédé de validation croisée. Enfin, cette méthode possède la caractéristique intéressante d'être stable loin des points de construction.

Cependant, lorsque le modèle de la fonction de disparité est défini d'un seul tenant, l'ensemble des couples de construction participe à l'estimation de la fonction de disparité puis à son évaluation sur des points particuliers. Ces types de méthodes sont donc généralement limitées par la complexité pour des nombres de couples trop importants. Ainsi, les méthodes de krigeage ou des plaques minces sont limitées en pratique à des nombres de couples de construction inférieurs à 1000. Lorsque le nombre de couples de points homologues dépasse largement cette limite, notamment dans le cas d'alignement géométrique sur des images de grandes tailles, il devient nécessaire d'avoir recours à des méthodes locales dont les paramètres sont définis localement et non plus d'un seul tenant.

C'est ainsi que Djamdji (1993) proposent une utilisation locale de la méthode de krigeage en interpolant un point à partir de la donnée du sous-ensemble de couples de points homologues se trouvant dans un voisinage de ce point. Typiquement, l'extension de ce voisinage est telle que, en moyenne, l'évaluation de la disparité en un point par le procédé de krigeage s'appuie sur une dizaine de mesures de disparité. Selon les conclusions de son étude, l'utilisation du procédé de krigeage locale pour l'interpolation des disparités donne de bons résultats, à condition d'une part de détenir un modèle paramétrique de variogramme adapté aux données de disparité et d'autre part de savoir optimiser ces paramètres de façon à ce que le variogramme théorique s'adapte au mieux au variogramme expérimental mesuré à partir des données éparses des disparités au niveau des points homologues.

C'est cette difficulté liée à l'obtention d'un variogramme théorique nécessitant implicitement des connaissances a priori et des hypothèses fortes sur les disparités à reconstruire, qui nous a amené à nous intéresser à d'autres méthodes locales dont les modèles sont définis par morceaux.

Dans le cas général où les points de construction de l'image de référence sont répartis de manière quelconque, la partition de l'image de référence en morceaux peut être faite à partir

d'une triangulation de Delaunay (Teillaud, 1993 ; Aurenhammer, 1991 ; Anglade, 1987 ; Watson, 1981). Le modèle de la fonction de disparité est alors défini sur chacun de ces morceaux avec des conditions particulières de continuité de raccordement.

Ainsi, pour une simple continuité des valeurs des disparités, une méthode simple consiste à définir, pour chaque triangle, les deux polynômes de degré un permettant d'interpoler exactement les disparités en ligne et en colonne en chaque sommet du triangle. Cette méthode, extrêmement simple et rapide présente l'inconvénient de ne pas assurer la dérivabilité de la fonction de disparité estimée. Ces discontinuités de pentes au niveau des jonctions de la triangulation, sans relation avec la réalité du champ de disparité réel, peuvent induire des artefacts, notamment lors du rééchantillonnage de l'image de travail dans la géométrie de l'image de référence. En outre, cette méthode ne permet qu'une interpolation avec une erreur (au sens de la norme N2) décroissant linéairement avec la densité des points

de donnée.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous nous sommes intéressés à une autre méthode de reconstruction de surface, toujours basée sur la triangulation de Delaunay mais plus précise que la précédente : la méthode de Hsieh-Clough-Tocher (Le Méhauté, 1989 ; C iarlet et Lions, 1991). Ces auteurs montrent que cette méthode de reconstruction est d'ordre deux car elle commet une erreur d'interpolation qui décroît avec le carré de la densité des points de donnée.

La reconstruction d'une surface selon cette méthode consiste à définir, pour chaque triangle de la triangulation de Delaunay, trois polynômes de degré trois. Les conditions de raccordement à l'intérieur de chaque triangle ainsi qu'aux jonctions entre eux sont telles que la surface reconstruite est de type C1(I, R2). Contrairement aux méthodes exposées précédemment, cette méthode n'utilise pas seulement la connaissance des valeurs à interpoler sur les sommets de chaque triangle. En effet, sont aussi indispensables la connaissance des valeurs des dérivées dans les deux directions pour chaque sommet ainsi que la connaissance des dérivées le long des bissectrices des arrêtes de la triangulation. Ces valeurs de dérivées n'étant pas, dans notre cas, directement accessibles, nous avons utilisé de manière locale la méthode des plaques minces. A chaque sommet, on évalue une plaque mince supportée par la donnée des disparités en ligne ou en colonne en ce sommet ainsi qu'en certains sommets appartenant à son voisinage dans la triangulation de Delaunay. Typiquement, le nombre de sommets participant à l'estimation de chaque plaque mince locale est, en moyenne, de trente. Ces différentes surfaces locales étant dérivables, elles sont alors utilisées pour l'estimation des valeurs de dérivées nécessaires à la méthode de Hsieh-Clough-Tocher.

Cette méthode présente d'excellentes caractéristiques d'interpolation, très similaires à la méthode des plaques minces avec, en plus, la capacité de gérer un grand nombre de couples de points homologues de construction.

Cependant, comme toute méthode basée sur des fonctions interpolatrices définies sur des triangles issus d'une triangulation de Delaunay, se pose le problème de l'évaluation de la fonction de disparité estimée hors de l'enveloppe convexe des points de construction de l'image de référence. Ce type de méthode ne permet donc pas, par défaut, l'extrapolation nécessaire pour évaluer la disparité en tout point de l'image de référence. Le moyen que nous avons choisi pour résoudre cette incapacité consiste à estimer une première fonction de disparité par une méthode polynomiale de faible degré, généralement de degré un. Cette première fonction de disparité est utilisée uniquement pour ajouter des points de construction en dehors de l'enveloppe convexe avec des disparités extrapolées par l'application de l'interpolation polynomiale. Cet ajout permet d'étendre "artificiellement" l'enveloppe convexe des points de construction. L'évaluation de la fonction de disparité par la méthode de Hsieh- Clough-Tocher est alors possible sur l'ensemble de l'image de référence. Ce principe est exposé plus en détail au paragraphe 4.5 de l' annexe A.

Dans la pratique, le choix de la méthode de reconstruction de surface dépend du niveau d'itération du processus : en effet, il doit permettre une gradation des capacités des estimations à reproduire de plus en plus fidèlement la fonction de disparité réelle à mesure que la résolution des images devient de plus en plus fine.

Cette gradation peut être obtenue en utilisant tout d'abord des méthodes polynomiales de faible degré (un ou deux) dans les premières itérations puis des méthodes locales avec un nombre croissant de couples de points homologues de construction.