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6 MÉTHODES D’INVESTIGATION SUR LE TERRAIN

6.2 Levés hydrogéologiques et hydrologiques

6.2.4 Essais de traçage en eau souterraine

6.2.3.3 Mesure de débit des cours d’eau

Les objectifs de la mesure du débit des cours d’eau consistent à (1) évaluer de manière globale les volumes et l’importance des échanges entre les eaux de surface et les eaux souterraines; et (2) à cibler globalement les zones préférentielles d’échange entre les eaux de surface et les eaux souterraines.

La méthode consiste à mesurer d’une manière relativement précise le débit d’eau à divers endroits le long d’une rivière en contact avec un aquifère. On sait que dans les régions à climat tempéré, les cours d’eau sont généralement des exutoires des aquifères. Mais les échanges peuvent parfois se produire dans le sens inverse, notamment là où un puits de pompage est aménagé à proximité d’un plan d’eau. En effectuant des mesures de débit dans le cours d’eau avant et après son passage près du puits, on peut évaluer les quantités d’eau qui entrent ou qui sortent du cours d’eau.

L’avantage de cette méthode est qu’elle fournit de l’information à un coût relativement bas et que cette information concerne l’ensemble de l’aquifère plutôt que des points isolés. L’information peut être utile pour les bilans hydrologiques. Cette méthode n’est cependant pas applicable partout : il arrive par exemple que les variations dans les débits soient inférieures à la précision des résultats de mesure de débit.

6.2.3.4 Autres types de méthodes

Certaines autres méthodes peuvent être utilisées pour décrire l’interaction entre les eaux souterraines et les eaux de surface. Mentionnons la comparaison des signatures géochimiques et isotopiques des eaux, les essais de traçage et même l’observation des organismes vivants en bordure et dans le lit d’un plan d’eau.

6.2.4 Essais de traçage en eau souterraine

Un essai de traçage en eau souterraine consiste à injecter une substance (traceur) dans l’eau souterraine et à la suivre en différents points de l’aquifère. Parmi les principaux objectifs des essais de traçage en eau souterraine, mentionnons (1) la détermination de la vitesse d’écoulement de l’eau souterraine ou du temps de transfert; (2) l’évaluation des propriétés dispersives du milieu; et (3) la vérification des liens hydrauliques entre différents points déterminés d’un milieu aquifère.

Cette section sur le traçage souterrain traite en particulier d’essais dans un aquifère capté par un ouvrage d’alimentation en eau potable. Comme un traceur peut devenir un contaminant s’il est utilisé en trop grande quantité, les doses injectées doivent être faibles et doivent notamment tenir compte de l’objectif de l’essai et des caractéristiques hydrogéologiques du milieu. Cette section est donc divisée en trois parties : (1) les principes fondamentaux des essais de traçage; (2) le choix du traceur; et (3) l’estimation de la quantité de traceur à injecter. Le choix des traceurs ainsi que certaines méthodes d’injection de traceur, d’échantillonnage et d’analyse sont suggérées à l’annexe B. Un exemple d’essais de traçage en convergence vers un puits d’eau potable est documenté par Verreault et al. (2002). Une bonne caractérisation du milieu aquifère, une sélection judicieuse du traceur et une analyse adéquate de la quantité dans le puits de pompage, telles que celles décrites ci-après, permettent de conserver une eau de qualité. Lorsqu’il s’agit d’essais en convergence vers un puits d’eau potable, la prudence est de mise, mais une quantité faible de traceur permet tout de même de réaliser des essais concluants.

6.2.4.1 Principes des essais de traçage

Les essais de traçage peuvent être mis en œuvre selon diverses configurations.

Mentionnons entre autres les essais par gradient naturel, les essais convergents, les essais par recirculation et les essais divergents. Les essais par gradient naturel consistent en l’injection d’un faible volume de traceur et au suivi analytique en aval dans divers puits d’observation; le faible volume injecté permet de ne pas perturber l’écoulement souterrain. Les essais convergents consistent en l’injection d’un faible volume d’eau tracée en un point de l’aquifère et au captage du traceur dans un puits de pompage. Les essais par recirculation consistent en l’injection à débit constant du traceur accompagnée d’une récupération par pompage, les débits d’injection et de pompage étant comparables. Finalement, les essais divergents consistent en l’injection d’un traceur à un débit appréciable, dans le but de créer un écoulement divergent à partir du puits d’injection, et au suivi analytique en périphérie à l’aide de plusieurs piézomètres. Des combinaisons de ces types d’essais peuvent être réalisées. Par exemple, il est possible de coupler l’analyse par gradient naturel avec l’analyse en convergence vers un puits de pompage. Les essais de type convergent sont particulièrement intéressants pour préciser l’aire d’alimentation d’un ouvrage de captage.

Divers phénomènes physico-chimiques, tels la dispersion, l’adsorption et l’absorption, affectent les essais de traçage en eau souterraine. La dispersion est le résultat de l’étalement d’un traceur dans l’espace (figure 6.8). En général, la dispersion latérale représente environ 10 % de la dispersion longitudinale (Davis et al., 1985). L’adsorption se produit lorsque le traceur reste attaché aux parois d’une particule solide (figure 6.8).

Celle-ci est plus forte lorsque le traceur est un cation tel le sodium, car de façon générale les particules solides sont chargées négativement. L’absorption consiste en le transfert du traceur à l’intérieur des particules solides. Ce phénomène est beaucoup moins important que l’adsorption et se produit lorsque le temps de résidence du traceur est long. Comme l’adsorption et l’absorption se produisent souvent simultanément et

que les deux phénomènes sont difficiles à distinguer, le terme sorption est souvent utilisé dans l’analyse d’un essai de traçage pour représenter la sommation des deux phénomènes.

Différents degrés de quantification peuvent être appliqués dans l’analyse selon les résultats obtenus. Un essai à faible degré de quantification peut consister, par exemple, en la détection du traceur au point d’échantillonnage sans avoir pour objectif de mesurer précisément sa concentration dans le temps. Ces essais à faible degré de quantification se réalisent souvent à l’aide de l’uranine comme traceur et du charbon activé comme détecteur. Le charbon activé multiplie jusqu’à 400 fois la fluorescence de l’uranine (Aley, 1999). Cependant quelques études portant sur l’efficacité des essais à faible degré de quantification ont démontré que le charbon activé était peu fiable (Smart et al., 1986;

Lutz et Parriaux, 1988; Gunn et Lowe, 2000). De plus, ce type d’essai donne surtout de l’information sur l’interconnexion hydraulique. Les essais de traçage à haut degré de quantification consistent en l’analyse précise de la substance utilisée comme traceur aux points d’échantillonnage. L’analyse quantitative s’effectue à l’aide d’un graphique de la concentration du traceur en fonction du temps qui s’écoule après l’injection, ce qui forme une courbe appelée « courbe de restitution » (figure 6.9).

La courbe de restitution permet notamment de calculer le pourcentage de la masse du traceur récupéré à l’ouvrage de captage, d’évaluer la dispersivité et de calculer le temps de transfert ou la vitesse du traceur dans l’eau souterraine. Pour un essai convergent, le calcul de la récupération de la masse du traceur consiste en la multiplication de l’aire sous la courbe par le débit de pompage. Comme l’aire sous la courbe s’obtient par l’intégrale de la fonction et que la courbe de restitution est une fonction dont l’équation est inconnue, il s’agit d’intégrer numériquement la fonction. Parmi les méthodes d’intégration numérique, la méthode de Simpson 1/3 (équation 6.8) est relativement simple (Fortin, 1995). Cette méthode est basée sur la relation suivante :

( )

où h [L] est l’intervalle constant entre les points de la courbe. Pour que ce calcul soit valable, le débit de pompage doit être constant tout au long de l’essai. Une méthode est présentée par Field (1999) afin d’évaluer la quantité de traceur récupérée lorsque le débit est variable. Cette méthode, légèrement moins précise, consiste en la multiplication du débit de pompage par la concentration du traceur dans l’eau, et ce, par intervalles de temps finis. Dans un intervalle temporel, la concentration du traceur varie mais c’est la concentration moyenne qui est prise en considération (figure 6.10).

L’imprécision est plus grande dans les zones de forte pente, comme en début de courbe, tel que l’illustre la figure 6.10. Afin d’évaluer le temps de transfert ou la vitesse de déplacement du traceur dans l’eau souterraine, il faut estimer le centre de gravité de la courbe de restitution. Celui-ci correspond au temps où la moitié de la quantité totale de traceur recueilli est récupérée.

Dans un essai par gradient naturel ou divergent, il est possible d’analyser les courbes de restitution de chaque point d’observation de façon indépendante, mais aussi d’estimer la masse circulant dans l’aquifère. Il s’agit d’interpoler les concentrations obtenues à certains points d’observation afin de générer un modèle en trois dimensions (figure 6.11), d’en évaluer le volume et de le multiplier par le flux d’eau circulant à travers une section normale à la direction principale de l’écoulement souterrain. Ce flux d’eau peut notamment être estimé à l’aide de la loi de Darcy (équation 2.4). Il est possible que le volume diminue avec l’avancement du traceur; il s’agira alors probablement d’une dégradation ou d’une sorption importante.

6.2.4.2 Estimation de la quantité de traceur à l’injection

Peu importe le type d’essai de traçage, il faut être en mesure de prévoir la concentration du traceur à injecter. Lorsqu’il s’agit d’essais en convergence vers un puits d’eau potable, la concentration recherchée au puits de captage doit préserver la bonne qualité de l’eau. Plusieurs chercheurs ont élaboré des relations mathématiques qui permettent de prévoir la concentration maximale au point d’échantillonnage (Bendel, 1948;

Leibundgut, 1974; Gaspar, 1987; Kass, 1998). La majorité des équations posées par ces auteurs sont empiriques et se basent presque uniquement sur le débit de pompage du puits d’exploitation (Field, 2002). La modélisation numérique peut être utilisée pour estimer la quantité de traceur à injecter. Cependant, l’estimation du coefficient de dispersivité rend souvent inexactes les simulations numériques. En milieux fracturés, les vitesses estimées avec un modèle conçu pour un milieu poreux sont souvent inférieures à la réalité. Le logiciel Efficient Hydrogeologic Tracer Test Design (EHTD), produit/élaboré par Field (2002) à partir de solutions analytiques, permet de planifier les essais de traçage. Ce logiciel tient compte de la dispersion hydrodynamique, du débit de pompage, de la porosité effective de l’aquifère et de la distance entre le puits de pompage et le puits d’injection. En milieu poreux, il néglige le gradient régional et il suppose un aquifère homogène et d’épaisseur constante. Ce logiciel permet aussi la planification en milieux rocheux fortement fracturés et dans les milieux karstiques.

À l’aide de ce logiciel, il est possible d’obtenir une estimation du temps nécessaire à l’arrivée du traceur au puits, du temps de résidence du traceur en fonction de la durée de l’injection et de la concentration maximale attendue au puits. Évidemment, ces estimations sont valides si le modèle conceptuel et la valeur des paramètres d’entrée sont corrects. Pour cette raison, il est suggéré d’effectuer quelques essais de traçage de courte durée afin de calibrer les paramètres d’entrée, avant de réaliser un essai de traçage qui pourra s’échelonner sur plusieurs semaines.

6.2.4.3 Mise en garde

Il est recommandé d’obtenir l’accord de la Régie régionale de la santé et des services sociaux (RRSSS) avant d’effectuer des essais de traçage, surtout lorsqu’il s’agit d’essais en convergence vers un puits d’eau potable. De plus, les experts-conseils doivent aviser leurs clients des risques inhérents à de tels essais.