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Caractérisation des géostructures thermiques

I.3. Détermination de la conductivité thermique

I.3.1. Essais en laboratoire et in situ

La complémentarité des essais en laboratoire et in situ est essentielle dans la caractérisation de milieux hétérogènes comme peuvent l’être les formations géologiques. Dans un premier temps, les essais en laboratoire permettent d’effectuer des mesures en conditions contrôlées. Cependant, les échantillons testés sont de relativement petites dimensions et certains phénomènes sont complexes à gérer (e.g. déperdition thermique, écoulement, etc.). Dans un deuxième temps, les essais in situ permettent de tester le milieu réel à une échelle plus importante qu’en laboratoire. Cependant, la multiplication des paramètres à prendre en compte rend parfois l’interprétation complexe et le résultat sensible aux variations des conditions du milieu. Ainsi, l’utilisation de plusieurs techniques permet de fiabiliser les résultats obtenus en les comparant les unes aux autres (Mitchell et Kao, 1978 ; Farouki, 1981 ; Low et al, 2014).

Aiguille thermique et cellule chauffante

Dans un premier temps, les chercheurs se sont inspirés de la théorie de la source linéaire infinie (cf. I.2.2) afin de développer un essai en laboratoire permettant de mesurer la conductivité thermique. Cet essai, dénommé essai à l’aiguille thermique, permet ainsi de mesurer en régime transitoire la conductivité thermique d’un matériau lors d’une phase de chauffe suivie d’une phase de relaxation thermique (ASTM, 2008). L’aiguille respecte l’hypothèse de la SLI sur les dimensions avec un élancement de l’ordre de 100. Elle est composée de différents

compartiments permettant, notamment, de mesurer la température à l’aide de thermocouples et également d’un fil chauffant en tant que source d’énergie (Figure I - 44).

Figure I - 44 : Schéma d’une aiguille thermique (Hukselflux, 2011)

Le principe de l’essai est d’insérer l’aiguille dans l’échantillon puis de mesurer la variation de température lors d’une phase de chauffe à puissance constante et lors de la phase de relaxation thermique lorsque l’alimentation est coupée (Figure I - 45).

Figure I - 45 : Courbe de suivi de température lors d’un essai à l’aiguille chauffante (d’après Low et al, 2014) Lorsque le temps de l’expérience est suffisamment long, la solution de la SLI permet d’approcher la variation de température pour la phase de chauffe (Eq.54a) et la phase de relaxation thermique (Eq.54b).

∆𝑇 ≅ 𝑄𝑙 4×𝜋×𝜆× ln(𝑡) − 𝑄𝑙 4×𝜋×𝜆× [𝛾 + ln (𝑟𝑎𝑐2 4×𝛼)] 0 < t < theat (54a) ∆𝑇 ≅ 𝑄𝑙 4×𝜋×𝜆ln (𝑡−𝑡𝑡 ℎ𝑒𝑎𝑡) t > theat (54b)

où ∆𝑇 est la variation de température (K), 𝑄𝑙 la puissance linéaire de l’aiguille chauffante

(W/m), 𝜆 la conductivité thermique (W/m.K), 𝑡 le temps (s), 𝛾 la constante d’Euler (-), 𝑟𝑎𝑐 le

rayon de l’aiguille chauffante (m), 𝛼 la diffusivité thermique (m²/s) et 𝑡ℎ𝑒𝑎𝑡 le temps au bout

Lors de la réalisation de l’essai, la seule inconnue est la conductivité thermique. En représentant la variation de température en fonction du logarithme du temps, il est possible de déterminer la conductivité thermique sur la partie linéaire de la courbe (Figure I - 46). Cette dernière apparaît à partir d’un certain temps dont la valeur dépend de la qualité du contact entre le milieu et l’aiguille. La partie non linéaire correspond à la réponse capacitive du milieu et de l’aiguille qui ralentit la mise à l’équilibre du système. Plus le contact est bon, plus la partie non linéaire est courte.

Figure I - 46 : Variation de température en fonction du logarithme du temps lors d’un essai à l’aiguille chauffante : a) phase de chauffe ; b) phase de relaxation thermique (Low et al, 2014)

A l’aide de systèmes à double aiguille chauffante, il est également possible de mesurer la diffusivité thermique et de déterminer la chaleur spécifique des matériaux (Bristow et al, 1994). De plus, un des avantages de cet essai est sa rapidité d’exécution. Cela permet d’effectuer de nombreux essais et de créer des bases de données afin de construire des abaques selon le type de formation géologique et leur teneur en eau (Figure I - 47).

Figure I - 47 : Conductivité thermique en fonction de la teneur en eau pour différents types de sols (EPRI, 1989) Dans un deuxième temps, des cellules chauffantes ont été développées afin de s’affranchir des problématiques de contact entre l’aiguille et le matériau mais également pour tester un volume plus important (Clarke et al, 2008). Le principe de l’essai est de chauffer un échantillon par la

base à l’aide d’une résistance chauffante sous forme de plaque et de mesurer la température basale et sommitale à l’aide de thermocouples. Durant l’essai, l’échantillon est isolé thermiquement latéralement afin de réduire les déperditions thermiques et de n’obtenir qu’un flux axial (Figure I - 48).

Figure I - 48 : Schéma d’une cellule chauffante pour la mesure de la conductivité thermique (Low et al, 2014) Lorsque le régime permanent est atteint, les transferts thermiques sont régis par la loi de Fourier (Eq.56). Si la puissance injectée est connue avec précision, la conductivité thermique est directement calculable à partir de la loi de Fourier (Eq.55) :

𝜆 =𝐿×(𝑇 𝑄

𝑏𝑎𝑠𝑒−𝑇𝑡𝑜𝑝) (55)

où 𝑄 est la puissance injectée (W), 𝐿 la longueur de l’échantillon (m) et 𝑇𝑏𝑎𝑠𝑒 et 𝑇𝑡𝑜𝑝

respectivement la température de la base de l’échantillon et du sommet (K) (Figure I - 49). Cependant, la puissance injectée n’est pas toujours connue. Afin de s’affranchir de ce problème, il est possible de déterminer le coefficient d’échange thermique par convection entre le sommet de l’échantillon et l’air lors de la phase de relaxation thermique et d’en déduire la conductivité thermique. Pour cela, la différence de température entre la surface de l’échantillon et l’air ambiant doit être faible (Incropera et al, 2007). Le critère suivant doit ainsi être respecté (Eq.56) :

𝑇𝑏𝑎𝑠𝑒−𝑇𝑡𝑜𝑝

𝑇𝑡𝑜𝑝−𝑇𝑎𝑚𝑏 = 𝐵𝑖 < 0,1 (56)

où 𝑇𝑎𝑚𝑏 est la température de l’air ambiant (K) et 𝐵𝑖 le nombre de Biot qui correspond au ratio

entre la résistance thermique par conduction et par advection (-). Une fois cette condition atteinte, la température de l’échantillon est régie par l’équation suivante (Eq.57) :

𝑇 = 𝑇𝑎𝑚𝑏 + (𝑇0− 𝑇𝑎𝑚𝑏) × 𝑒ℎ𝑐𝑜𝑛𝑣×𝐴𝑚×𝐶𝑣 ×𝑡

(57)

où 𝑇 est la température de l’échantillon (K), 𝑇0 la température de l’échantillon au moment où

le critère est atteint (K), ℎ𝑐𝑜𝑛𝑣 le coefficient d’échange thermique par convection (W/m².K), 𝐴

la surface de l’échantillon (m²), 𝑚 la masse de l’échantillon (kg), 𝐶𝑣 sa chaleur spécifique

température en fonction du temps. Le coefficient d’échange thermique par convection est ensuite calibré pour faire correspondre la courbe théorique et la courbe de décroissance réelle de l’essai. L’échantillon étant en régime permanent, l’équation de la chaleur implique que le flux entrant est égal au flux sortant. Cette égalité permet de déterminer la conductivité thermique de l’échantillon (Eq.58).

𝑄 = 𝜆 × 𝐴 ×𝑇𝑏𝑎𝑠𝑒−𝑇𝑡𝑜𝑝

𝐿 = ℎ𝑐𝑜𝑛𝑣× 𝐴(𝑇𝑡𝑜𝑝− 𝑇𝑎𝑚𝑏) (58)

Figure I - 49 : Mesure de la température lors d’un essai dans une cellule chauffante (Low et al, 2014) Cet essai n’est pas exempt de défauts. En effet, malgré l’isolation, les déperditions thermiques peuvent être importantes. Cela a pour effet de surestimer la conductivité thermique. De plus, contrairement aux méthodes transitoires, il n’est pas possible de déterminer la chaleur spécifique de l’échantillon. Cela implique qu’il faut considérer une valeur de référence qui génère ainsi une erreur sur le résultat final.

Les deux méthodes d’essais en laboratoire présentées dans cette section sont les plus couramment utilisées. Cependant, les conditions de prélèvement des échantillons et les conditions des expériences peuvent induire des biais importants. En effet, ces essais sont réalisés sans confinement, cela implique que les contraintes régnant au sein de l’échantillon sont plus faibles que celles in situ. Par conséquent, la densité du milieu diminue. De même, la teneur en eau de l’échantillon peut varier entre la phase de prélèvement et la phase d’essai, entrainant une erreur sur les résultats. En effet, des analyses paramétriques montrent l’influence de la teneur en eau et de la densité sur la conductivité thermique (cf. I.3.3).

Test de Réponse Thermique

Afin de s’affranchir des contraintes du prélèvement des échantillons et de caractériser thermiquement le milieu à échelle réelle, un essai in situ a été mis au point. Il s’agit du Test de Réponse Thermique (TRT) (Mogensen, 1983 ; Gehlin, 2002 ; Sanner et al, 2005 ; CEN 2015). Celui-ci consiste à réaliser une sonde géothermique et d’y injecter un fluide chauffé à puissance constante tout en mesurant les températures d’entrée et de sortie. En se basant sur le principe de l’ILS et des fonctions G (cf. I.2.2), il est possible d’interpréter les courbes de variation de température afin d’en déduire la conductivité thermique effective du terrain. Dans le cas d’une

sonde géothermique, la variation de température du fluide caloporteur suit la relation suivante (Eq.59) :

∆𝑇𝑓= 𝑄𝑙× 𝑅𝑏+ 𝑄𝑙

4×𝜋×𝜆[ln (4×𝛼×𝑡𝑟

𝑏2 ) − 𝛾] (59)

où ∆𝑇𝑓 est la variation de température du fluide caloporteur (K), 𝑄𝑙 la puissance linéaire

appliquée au fluide caloporteur (W/m), 𝜆 la conductivité thermique (W/m.K), 𝛼 la diffusivité

thermique (m²/s), 𝑡 le temps (s), 𝑟𝑏 le rayon de la sonde géothermique (m) et 𝛾 la constante

d’Euler (-). Pour l’interprétation de cet essai, les températures d’entrée, de sortie et de l’air ambiant, ainsi que la puissance injectée sont représentées sur un même graphique (Figure I - 50). De plus, la variation de température en fonction du logarithme du temps est tracée. De la même manière que pour les essais à l’aiguille chauffante, la première partie de la droite est non linéaire à cause des effets d’inertie de la sonde géothermique.

Figure I - 50 : Résultat et interprétation d’un TRT (Zarella et al, 2017)

L’objectif est de réussir à caler une courbe sur les résultats de l’essai afin d’en déduire la conductivité thermique. Cependant, les résultats sont très sensibles aux variations des conditions de l’expérience. C’est pourquoi une durée minimale est nécessaire afin d’améliorer le rapport signal sur bruit. Les préconisations varient selon les auteurs :

• 12-20 h (Smith et Perry, 1999) ; • > 30 h (Gehlin et Hellström, 2003) ; • 50 h (Austin et al, 2000) ;

• 60 h (Gehlin, 1998).

Une étude numérique paramétrique a permis d’évaluer l’erreur commise lors de l’interprétation d’un TRT en fonction de la durée du test, du début de l’interprétation et des variations de température au cours de l’essai (Signorelli et al, 2007). Cette étude montre que plus le test est long, plus la conductivité thermique estimée est proche de la conductivité thermique réelle. De même, en retardant le début de l’interprétation (i.e. en ne considérant pas le début de l’essai), l’erreur commise lors de l’interprétation est faible. Cependant, il convient de noter qu’une fluctuation thermique extérieure de l’ordre de 0,15 °C a un impact plus élevé sur la courbe d’interprétation à partir de 60 h que celle de 10 h. En effet, au début de l’essai, les variations de

température sont importantes, une fluctuation naturelle aura donc un effet plus faible que sur la fin d’un essai où la température est proche de l’équilibre (Figure I - 51).

Figure I - 51 : Etude paramétrique sur les résultats d’un TRT en fonction de la durée de l’essai, du début de l’interprétation (t0) et des fluctuations de température (ombrage gris) (Signorelli et al, 2007)

Les variations de température ne sont pas rares. En effet, sur une période de plusieurs jours, la température de l’air extérieur varie et l’isolation thermique du système de TRT ne permet pas d’atténuer ces variations. De même, les fluctuations de puissance injectée ont un impact sensible sur les résultats. Ces fluctuations peuvent être dues à une mauvaise qualité de réseau électrique. Comme l’interprétation de ces TRT est basée sur la SLI, une des hypothèses majeures repose sur le fait que les transferts thermiques se font de manière radiale. Or, cette hypothèse n’est pas respectée sur tout le linéaire de la sonde géothermique. En effet, le sol n’ayant pas une température homogène, le gradient de température a une composante verticale non négligeable. De plus, plus la sonde géothermique est courte, plus l’effet est important. Cela implique une erreur lors de l’interprétation des conductivités thermiques (Figure I - 52).

Figure I - 52 : Direction des gradients de température (a)) et influence de la longueur des sondes géothermiques sur le résultat de l’interprétation d’un TRT (Signorelli et al, 2007)

En effet, des sondes géothermiques très longues (> 150 m) vont avoir à tendance à sous-estimer la conductivité réelle du terrain contrairement aux sondes géothermiques courtes (< 80 m) qui vont la surestimer à cause des échanges axiaux. Cela pose un problème pour leur utilisation dans le cadre de géostructures thermiques dont la profondeur est généralement inférieure à 60 m. La solution la plus adaptée semble de modifier la formulation actuelle afin de prendre en compte les échanges axiaux. Il est également possible de comparer ces résultats aux valeurs des essais en laboratoire afin de déterminer la valeur qui semble la plus représentative du milieu. De plus, le résultat d’un TRT est sensible aux conditions hydrogéologiques du milieu testé. En effet, les méthodes d’interprétation sont purement conductives. Cela implique qu’elles ne considèrent pas explicitement le rôle de l’écoulement. En cas d’écoulement, la conductivité thermique interprétée est surestimée car l’écoulement participe au transfert thermique (cf. I.1.3.3). L’essai doit ainsi être réinterprété afin de déterminer la valeur réelle de conductivité thermique (Liuzzo-Scorpo et al, 2015). En effet, si la conductivité thermique effective est directement implémentée dans les modèles de calculs thermo-hydrauliques, l’effet de l’eau est pris en compte deux fois (i.e. une fois par la donnée d’entrée et une fois par la résolution des équations). De plus, cette valeur est fausse dans les zones où l’écoulement est perturbé, comme autour d’une paroi moulée à cause de l’effet barrage.

De même, l’interprétation d’un TRT dans un pieu énergétique souffre des mêmes problématiques que celles soulevées pour la caractérisation de leur performance thermique (cf. I.2.2).

Il convient de noter que les résultats obtenus à l’aide de TRT ne suffisent pas à statuer sur les caractéristiques du terrain. Même si la circulation du fluide caloporteur sans sollicitation thermique permet d’estimer la température moyenne du milieu, la valeur de conductivité thermique prend en compte de multiples paramètres et ne fournit qu’une valeur effective sur toute la hauteur du terrain. Or, sur une centaine de mètres, celui-ci est hétérogène et plusieurs formations géologiques peuvent être rencontrées. Certaines de ces couches peuvent être le siège d’écoulement d’une nappe. Par conséquent, il est nécessaire de bien connaître la géologie du site, de compléter la campagne de reconnaissance avec des essais en laboratoire permettant de caractériser le milieu couche par couche (cf. I.3.1.1) et d’adapter la longueur de la sonde test au projet.