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Partie II. Méthodes expérimentales et analytiques analytiques

II.2. Méthodes analytiques

II.1.4. Atteinte des équilibres thermodynamiques 1. Equilibre textural

II.1.4.2. Equilibre thermodynamique

a. Détermination des coefficients d’échange Fe – Mg entre olivine et liquide

Un système fermé est dit à l’équilibre thermodynamique lorsque température, pression et potentiels chimiques des éléments en présence sont homogènes. En pétrologie expérimentale, le calcul

du coefficient d’échange Fe2+ – Mg entre olivine et liquide (Roeder et Emslie 1970) permet de facilement contrôler l’atteinte de l’équilibre dans l’ensemble de la charge expérimentale. Il s’exprime sous la forme :

𝐾𝐷(𝐹𝑒2+− 𝑀𝑔)𝑜𝑙−𝑙𝑖𝑞= 𝐷𝐹𝑒𝑜𝑙𝑖𝑣𝑖𝑛𝑒 𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑒2+ ⁄𝐷𝑀𝑔𝑜𝑙𝑖𝑣𝑖𝑛𝑒 𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑒 = (𝐹𝑒𝑂 𝑀𝑔𝑂) 𝑜𝑙𝑖𝑣𝑖𝑛𝑒

(𝐹𝑒𝑂 𝑀𝑔𝑂)⁄ 𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑒 (Équation II.6) où 𝐾𝐷 est le coefficient d’échange et 𝐷 est le coefficient de partage de l’élément donné entre olivine et liquide. Ce coefficient est peu sensible à la température (Roeder et Emslie 1970 ; Ulmer 1989) et varie essentiellement avec la pression (Takahashi et Kushiro 1983) et la composition du liquide (Kushiro et Walter 1998 ; Kushiro et Mysen 2002). Il est généralement admis qu’une valeur de 𝐾𝐷 aux alentours de 0,30 signifie que le système est à l’équilibre. Des éléments présents dans le liquide silicaté tels que les alcalins ou le titane sont cependant susceptibles de faire dévier le 𝐾𝐷 de cette valeur théorique (Sack et al. 1987 ; Jones 1988). L’eau a également tendance à augmenter la valeur de ce 𝐾𝐷 (Toplis 2005). Toplis (2005) a développé un modèle prédictif de calcul du 𝐾𝐷 qui peut être comparé à la valeur du 𝐾𝐷 déterminé directement dans l’expérience.

Ce modèle a été testé sur les expériences réalisées durant cette thèse, puisqu’elles contiennent quasiment toutes de l’olivine (Figure II.15). L’incertitude sur le 𝐾𝐷𝐹𝑒2+−𝑀𝑔

𝑜𝑙−𝑙𝑖𝑞 mesuré est estimée à ± 0,04 à partir des erreurs sur les compositions obtenues par microsonde électronique. Le modèle de Kress et Carmichael (1991) a permis de calculer le rapport Fe3+/∑Fe dans les expériences (estimé à environ 0,10 ± 0,02) et de quantifier les teneurs en Fe2+ dans les liquides. La majorité des expériences montrent un bon accord entre les 𝐾𝐷 mesurés et les 𝐾𝐷 modélisés. Il faut cependant préciser que le modèle de Toplis (2005) est principalement paramétré pour des compositions basaltiques et doit être appliqué avec précaution pour des compositions différentes (comme c’est le cas dans cette thèse). Quelques expériences montrent des valeurs de 𝐾𝐷 légèrement inférieurs aux valeurs modélisées. Ceci peut être lié à la forte teneur en éléments alcalins des liquides (Wasylenki et al. 2003). A température, pression et fO2 constantes, Sack et al. (1981) ont ainsi montré que la présence d’alcalins accroît le rapport Fe3+/∑Fe dans les liquides silicatés. Plus récemment, Filiberto et al. (2012) ont montré que la présence de fluor dans le liquide augmentait considérablement le 𝐾𝐷𝐹𝑒2+−𝑀𝑔

𝑚𝑖𝑛é𝑟𝑎𝑙−𝑙𝑖𝑞 des pyroxènes et de l’olivine. Les valeurs mesurées peuvent ainsi dévier de la valeur théorique d’équilibre sans pour autant témoigner d’un réel déséquilibre au sein de la charge expérimentale.

b. Détermination des coefficients d’échange Fe – Mg entre pyroxènes et liquide

De tels modèles d’équilibre Fe – Mg pour d’autres phases telles que l’orthopoyroxène ou le clinopyroxène n’ont pas été développés. Néanmoins, il est possible de comparer les coefficients d’échanges mesurés avec d’autres études expérimentales :

- dans les orthopyroxènes, les 𝐾𝐷𝐹𝑒2+−𝑀𝑔 𝑜𝑝𝑥−𝑙𝑖𝑞

mesurés sont compris dans la gamme 0,21 – 0,42 avec une valeur moyenne de 0,31 ± 0,06. Cette valeur est identique, dans l’erreur, à la moyenne de 785 données expérimentales (0,29 ± 0,06) compilées par Putirka (2008).

- dans les clinopyroxènes, les 𝐾𝐷𝐹𝑒2+−𝑀𝑔 𝑐𝑝𝑥−𝑙𝑖𝑞

mesurés sont compris dans la gamme 0,24 – 0,46 avec une valeur moyenne de 0,35 ± 0,07. Cette valeur est similaire, dans l’erreur, à la moyenne de 1245 données expérimentales (0,28 ± 0,08) compilées par Putirka (2008).

c. Utilisation de géothermomètres

Malgré le bon accord des valeurs de 𝐾𝐷 (olivine, orthopyroxène et clinopyroxène) mesurées dans les expériences avec les modèles et données expérimentales antérieures, ces tests ne permettent pas de garantir l’équilibre thermodynamique des charges. Ces calculs se basent en effet sur l’équilibre des éléments Fe et Mg. Or, les vitesses de diffusion de ces deux éléments sont bien supérieures à d’autres éléments tels que Al, Ca ou Na (e.g. Brady et Cherniak 2010). Un équilibre apparent Fe – Mg peut donc « masquer » un déséquilibre pour de tels éléments. Des tests d’équilibre supplémentaires ont été réalisés à l’aide des géothermomètres de Putirka (2008). Si l’équilibre thermodynamique est atteint dans les expériences, les températures calculées doivent être, dans l’erreur, identiques aux températures des

Figure II.15. Comparaison des coefficients

d’échange Fe – Mg entre olivines et liquides mesurés dans les expériences en piston-cylindre et calculés à partir du modèle de Toplis (2005). La zone grise correspond à un écart de ± 0,04 (par rapport à la droite 1:1), erreur moyenne des KD(Fe-Mg)ol-liq mesurés.

expériences. Connaissant la pression et la composition des phases (olivine, orthopyroxène et clinopyroxène), les températures d’équilibre pour l’olivine (Équation II.7), l’orthopyroxène (Équation II.8) et le clinopyroxène (Équation II.9) peuvent être déterminées à l’aide des équations suivantes : 𝑇(°𝐶) = (15294,6 + 1318,8𝑃 + 2,4834𝑃 2) (8,048 + 2,8352 ln 𝐷𝑀𝑔𝑜𝑙 𝑙𝑖𝑞 + 2,097 ln[1,5(𝐶𝑁𝑀𝐿 )] + 2,575 ln [3(𝐶𝑆𝑖𝑂 2 𝑙𝑖𝑞 )] − 1,41𝑁𝐹 + 0,222𝐻2𝑂𝑙𝑖𝑞+ 0,5𝑃) (Équation II.7) 𝑇(°𝐶) = (5573,8 + 587,9𝑃 − 61𝑃 2) 5,3 − 0,633 ln(𝑀𝑔#𝑙𝑖𝑞) − 3,97(𝐶𝑁𝑀𝐿 ) + 0,06𝑁𝐹 + 24,7(𝑋𝐶𝑎𝑂𝑙𝑖𝑞 )2+ 0,081𝐻2𝑂𝑙𝑖𝑞+ 0,156𝑃 (Équation II.8) 104 𝑇(𝐾)= 7,53 − 0,14 ln ( 𝑋𝐽𝑑𝑐𝑝𝑥𝑋𝐶𝑎𝑂𝑙𝑖𝑞 𝑋𝐹𝑚𝑙𝑖𝑞 𝑋𝐷𝑖𝐻𝑑𝑐𝑝𝑥 𝑋𝑁𝑎𝑙𝑖𝑞𝑋𝐴𝑙𝑙𝑖𝑞) + 0,07(𝐻2𝑂 𝑙𝑖𝑞) − 14,9 (𝑋𝐶𝑎𝑂𝑙𝑖𝑞 𝑋𝑆𝑖𝑂 2 𝑙𝑖𝑞 ) − 0,081 ln (𝑋𝑇𝑖𝑂 2 𝑙𝑖𝑞 ) − 3,62 (𝑋𝑁𝑎𝑂 0,5 𝑙𝑖𝑞 + 𝑋𝐾𝑂 0,5 𝑙𝑖𝑞 ) − 1,1(𝑀𝑔#𝑙𝑖𝑞) − 0,18 ln(𝑋𝐸𝑛𝐹𝑠𝑐𝑝𝑥 ) − 0,027𝑃 (Équation II.9)

Ces géothermomètres permettent donc de tester l’équilibre sur un plus grand nombre d’éléments que le calcul des 𝐾𝐷. Le géothermomètre de l’olivine (Équation II.7) fait ainsi intervenir la pression, la composition du liquide (SiO2, TiO2, Al2O3, FeO, MnO, MgO et CaO) et la composition de l’olivine (MgO). Le géothermomètre de l’orthopyroxène (Équation II.8) est dépendant de la pression, de la composition du liquide (SiO2, TiO2, Al2O3, FeO, MgO, CaO et H2O). Enfin, le géothermomètre du clinopyroxène (Équation II.9) est basé sur le calcul des composants jadéite (Jd), diopside – hédenbergite (DiHd) et enstatite – ferrosilite (EnFs) du minéral ainsi que sur la pression et la composition du liquide (SiO2, TiO2, Al2O3, FeO, MgO, CaO, Na2O, K2O et H2O).

Les températures calculées à l’aide de ces trois géothermomètres sont reportées sur la Figure II.16. Les erreurs sur les températures calculées sont de ± 45 °C pour l’olivine et ± 50 °C pour l’orthopyroxène et le clinopyroxène. Les résultats obtenus pour les différentes séries d’expériences sont en bon accord, dans l’erreur, avec les températures nominales des expériences. Il faut préciser que l’incertitude de ± 20 °C sur les températures nominales des expériences n’est pas prise en compte. Ces résultats, couplés aux calculs des 𝐾𝐷 permettent de démontrer que les expériences réalisées dans le cadre de cette thèse sont à l’équilibre ou s’en approchent fortement.