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Partie II. Méthodes expérimentales et analytiques analytiques

II.2. Méthodes analytiques

II.1.4. Atteinte des équilibres thermodynamiques 1. Equilibre textural

II.1.4.3. Déséquilibres expérimentaux

a. Déséquilibres dans les charges expérimentales

Les expériences conduites en piston-cylindre présentent régulièrement un zonage, avec ségrégation du liquide et rassemblement des minéraux (Figure II.17). Ce phénomène est d’autant plus visible à haute pression (3 GPa), où le liquide et l’olivine sont rassemblés au point chaud de la capsule alors que pyroxènes et grenat sont préférentiellement situés au point froid. Dans les capsules externes contenant du phlogopite, le liquide se concentre au point chaud alors que l’olivine forme une couche à son contact et que le phlogopite s’accumule au point froid. Lesher et Walker (1988) ont démontré que ce phénomène n’est pas dû à la gravité mais à la différenciation d’un système initialement homogène sous l’effet d’un gradient thermique. Il peut apparaître malgré de très faibles gradients de température

Figure II.16. Comparaison des températures nominales des expériences en piston-cylindre avec les températures

calculées par les géothermomètres de Putirka (2008). La zone grise représente des incertitudes de ± 45 °C pour le géothermomètre de l’olivine et ± 50 °C pour les géothermomètres de l’orthopyroxène et du clinopyroxène. L’incertitude sur les températures nominales des expériences est estimée à ± 20 °C mais n’est pas prise en compte.

(estimés dans cette thèse à ~ 5 °C/mm dans les assemblages de piston-cylindre 12,7 mm). Malgré les gradients inhérents aux assemblages de piston-cylindre et le zonage observé dans les expériences (en particulier à 3 GPa), l’équilibre thermodynamique ne semble pas affecté (voir II.1.4.2 ; Grove et al. 2006). La ségrégation des phases induite par le gradient thermique peut, au contraire, améliorer l’atteinte de l’équilibre thermodynamique en favorisant la cristallisation isotherme (Lesher et Walker 1988). Enfin, ce phénomène est propice à l’étude des faibles degrés de fusion sans modification de la charge expérimentale (i.e. insertion d’une couche de liquide en sandwich) puisqu’il permet de ségréger les liquides (voir II.1.3).

b. Déséquilibres dans les minéraux

Les vitesses de diffusion dans les minéraux sont bien inférieures aux vitesses de diffusion dans les liquides (e.g. Brady et Cherniak 2010 ; Zhang et al. 2010). De fait, les minéraux présents dans le matériel de départ vont nécessiter de longues durées d’expériences afin d’atteindre l’équilibre. Les durées d’expériences doivent être adaptées à la température, la fraction de liquide attendue dans l’expérience, la composition chimique du matériel de départ (présence d’eau par exemple) mais aussi à la granulométrie du matériel de départ. Ce dernier paramètre permet en effet de limiter l’apparition de cœurs hérités dans les minéraux et donc un rééquilibrage partiel de la charge expérimentale (Laporte et al. 2004). La durée des expériences doit cependant permettre de limiter les pertes en fer et en eau. De nombreuses études sur la fusion partielle situent la durée idéale des expériences entre 24 et 72 h en fonction de la température et de la présence de volatils (Johnson et Kushiro 1992 ; Hirose et Kushiro 1993 ; Falloon et al. 1999). Les expériences réalisées dans le cadre de cette thèse ont des durées équivalentes à ces études : 24 – 114 h pour les expériences de fusion partielle à 1 GPa et 30 – 112 h pour les expériences de fusion partielle à 3 GPa.

Malgré ces durées d’expériences et un matériel de départ très fin (≤ 5 µm), des cœurs hérités persistent dans certains clinopyroxènes à 1 et 3 GPa. Ces cœurs hérités sont difficilement évitables puisque les vitesses de diffusion dans les clinopyroxènes indiquent qu’il faudrait environ un mois pour rééquilibrer complètement un cristal de 4 µm de diamètre. A 3 GPa, les grenats présentent systématiquement une texture poecilitique (Figure II.17) mais sont chimiquement très homogènes. En dépit de ces observations, les charges expérimentales sont toute à l’équilibre ou très proche. En effet, les cœurs hérités dans les minéraux ne représentent au final qu’une très faible fraction volumique de la charge expérimentale et ne perturbent pas les bilans de masse (sommes des résidus au carré très faibles, souvent très inférieures à 1) ni l’atteinte de l’équilibre thermodynamique (voir II.1.4.2).

c. Déséquilibres dans les liquides

Deux problèmes majeurs ont été identifiés lors du traitement des analyses effectuées à la microsonde électronique sur les liquides issus des expériences de fusion de péridotite à phlogopite à 3 GPa (voir IV.1). Ces deux problèmes sont liés aux vitesses de trempe des piston-cylindres qui sont de l’ordre de 50 °C/s et 175 °C/s pour les assemblages 19,1 mm et 12,7 mm, respectivement. Pour préserver l’équilibre thermodynamique des expériences, il faudrait en effet une trempe instantanée.

Le premier problème est la recristallisation du liquide sous forme de dendrites lors de la trempe. Les vitesses de trempe actuelles en piston-cylindre ne permettent pas d’éviter la croissance de certains minéraux, en particulier le clinopyroxène (Figure II.17). Cette recristallisation aboutit à des hétérogénéités locales au sein des plages de liquide extraites. Il est néanmoins possible de minimiser ce

Figure II.17. Mosaïque d’images en électrons rétrodiffusés illustrant différents types de déséquilibres rencontrés

dans les expériences. a) Migration thermique des minéraux sous l’effet d’un gradient thermique. L’olivine et l’orthopyroxène sont majoritairement présents au point chaud de la capsule, situé ici en haut de l’image (1300 °C, HL3-03). Au contraire, le point froid comprend également du clinopyroxène et du grenat. b) Autre exemple de migration thermique dans une capsule externe pour un système à phlogopite pur (1350 °C, HL3-01e). Alors que le liquide silicaté est ségrégé au point chaud de la capsule, spinelle, olivine et phlogopite sont concentrés au point froid en couches successives. L’image illustre également les problèmes de trempe en piston-cylindre à 3 GPa puisque le liquide est ici composé de phlogopites de trempe aciculaires. c) Dendrites de clinopyroxène formées lors de la trempe (1300 °C, sta31). d) Grenats poecilitiques dans un assemblage péridotitique à 3 GPa (1250 °C, 3LP-10). Noter également la plage de liquide, délimitée par le trait continu rouge, en grande partie recristallisée sous forme de clinopyroxènes et phlogopites de trempe.

problème en conduisant des analyses au LA-ICP-MS afin d’échantillonner un plus grand volume de liquide et les rendre ainsi plus représentatives. Par exemple, une analyse LA-ICP-MS d’un diamètre de 20 µm représente un volume analysé (considérant un rapport 1 : 1 entre diamètre et profondeur d’échantillonnage) d’environ 6000 µm3. Par comparaison, une analyse à la microsonde électronique défocalisée au même diamètre de 20 µm ne représente qu’un volume d’environ 300 µm3. De plus, ces plages de dendrites de différentes natures sont difficiles à polir. Par conséquent, les totaux des analyses obtenues à la microsonde électronique ne sont pas forcément utilisables pour estimer la présence éventuelle de volatils.

Le deuxième problème se manifeste également lors de la trempe, lorsque la diffusion entre liquide silicaté et cristaux adjacents en cours de croissance modifie la composition du liquide. Ce phénomène a été exclusivement observé dans les expériences conduites à 3 GPa. Les liquides silicatés formés à de telles pressions sont bien plus magnésiens que les liquides formés dans le domaine de stabilité du spinelle (e.g. Baker et Stolper 1994 ; Walter 1998). Or, les expériences à 3 GPa sont également les plus sensibles à la migration thermique et la ségrégation des phases minérales et liquides au sein des charges expérimentale. Comme observé sur les Figure II.14 et Figure II.17, les liquides ségrégés au point chaud de la capsule sont quasi-exclusivement en contact avec de l’olivine. Ces liquides sont donc particulièrement sensibles à la formation d’olivine de trempe sur les grains d’olivine préexistants (Falloon et al. 2001). Ce léger déséquilibre généré lors de la trempe est illustré sur la Figure II.18. Le diagramme de Rhodes (Dungan et al. 1978 ; Rhodes et al. 1979) permet de comparer les équilibres olivine – liquide des expériences et illustre la diminution du Mg# mesuré dans les liquides causée par la cristallisation d’olivine.

d. Correction des problèmes de trempe

Certains liquides produits dans les expériences de fusion de péridotite à phlogopite à 3 GPa ont donc du être corrigés par ajout itératif d’olivine à l’équilibre (i.e. de la même expérience et préservé des croissances hors équilibre) (Lundstrom 2003 ; Van den Bleeken 2011). Les analyses des liquides obtenues à la microsonde électronique ont d’abord été normalisées à 100 pds. % sur une base anhydre. L’olivine à l’équilibre a alors été ajoutée par itération dans chaque analyse (obtenue via la microsonde électronique ou par LA-ICP-MS) jusqu’à ce que la teneur en MgO atteigne la teneur en MgO maximale observée parmi les analyses effectuées (cette teneur maximale est en fait une moyenne d’au moins 5 analyses). L’hypothèse est donc faite que les liquides les plus riches en MgO dans chaque expérience correspondent à des liquides préservés lors de la trempe expérimentale. Il faut également préciser que, dans chaque expérience, ces liquides ont des 𝐾𝐷𝐹𝑒2+−𝑀𝑔

𝑜𝑙−𝑙𝑖𝑞

= 0,30 ± 0,03 et sont donc proche de l’équilibre thermodynamique. Enfin, les analyses corrigées par ajout d’olivine ont été testées par calcul des 𝐾𝐷 modélisés par Toplis (2005). Les analyses présentant des 𝐾𝐷 mesurés supérieurs ou inférieurs de 10 %

des 𝐾𝐷 modélisés sont rejetées. Ce procédé aboutit à l’ajout de 5,3 pds. % d’olivine dans 3LP-05 (1450°C) et décroit avec la température jusqu’à 1,5 pds. % dans 3LP-01 (1350°C). Le succès de cette méthode se traduit par une nette diminution de la variabilité des teneurs en oxydes dans les liquides, en particulier SiO2, Al2O3 et MgO (voir IV.1 pour les détails). La correction permet enfin de rétablir un équilibre thermodynamique avec des 𝐾𝐷𝐹𝑒2+−𝑀𝑔

𝑜𝑙−𝑙𝑖𝑞 = 0,30 ± 0,04 (Figure II.18).

Une expérience (3LP-17) a été conduite afin de vérifier la fiabilité de cette approche. Une épaisse couche de liquide (similaire à une expérience de sandwich) a été disposée à la base de la capsule, surmontée par une couche de péridotite. Après trempe, des profils d’analyse (diamètres du faisceau de 5 et 20 µm à la microsonde électronique ; 20 µm au LA-ICP-MS) ont été effectués depuis la base de la couche de liquide jusqu’au contact avec la péridotite (environ 350 µm). Alors que le liquide est homogène à la base de la couche, sa composition est clairement affectée dans les 50 µm au contact de la péridotite : Al2O3 augmente de 14,1 ± 0,3 pds. % à 15,5 ± 0,5 pds. % et SiO2 augmente de 46,3 ± 0,2 pds. % à 48,7 ± 1,0 pds. %. Au contraire, la teneur en MgO évolue de 13,4 ± 0,4 pds. % à 9,5 ± 1,4 pds. % depuis la base vers le contact avec la péridotite. Outre l’évolution des teneurs d’oxydes depuis la base vers le contact avec la péridotite, il faut noter une forte hausse des écarts-types (ici donnés à 2σ). L’utilisation de la technique du sandwich permet donc de préserver efficacement une partie du liquide des problèmes de trempe : aucune addition d’olivine ne s’est révélée nécessaire à des températures de 1300 °C et moins.

Figure II.18. Diagramme de Rhodes (Dungan et al.

1978 ; Rhodes et al. 1979) illustrant la correction de cristallisation d’olivine dans la série d’expériences 3LP (péridotite à phlogopite à 3 GPa). Ce diagramme permet de comparer des équilibres olivine – liquide des expériences en fonction du Mg# des olivines et liquides. Les liquides issus des expériences à haute température de cette série (1350 – 1450 °C) ont été modifiés par la cristallisation d’olivine (conduisant à une diminution du Mg# des liquides). L’ajout d’olivine en équilibre à la composition des liquides permet de corriger ce phénomène de trempe. La zone grise correspond à un KD(Fe-Mg)ol-liq = 0,30 ± 0,04. L’expérience 3LP-17 est un sandwich montrant que le cœur de la couche de liquide n’est pas affecté par les phénomènes de trempe, contrairement au liquide au contact des minéraux (carré rouge).

II.2. Méthodes analytiques