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Diversité des phases hydratées présentes dans le manteau

Partie III. Rôle du phlogopite sur la fusion du manteau (domaine du spinelle) du manteau (domaine du spinelle)

III.2. Fusion de péridotite à phlogopite à 1 GPa

III.1.3. Stabilité des autres phases hydratées dans le manteau 1. Richtérite potassique

III.1.3.3. Diversité des phases hydratées présentes dans le manteau

La revue de la stabilité des minéraux hydratés dans le manteau proposée ci-dessus n’est pas exhaustive et se limite aux phases hydratées qui sont également des réservoirs de potassium à haute pression et stables au solidus « sec » ou hydraté, donc susceptibles d’être impliquées dans la genèse de liquides silicatés riches en K2O (voir Kawamoto 2006 et Frost 2006 pour une revue plus exhaustive).

Au niveau des zones de subduction, de nombreuses phases hydratées sont stables dans la lithosphère océanique subduite (Kawamoto 2006). La phengite, dans un assemblage modélisant la croûte océanique (MORB + H2O), est par exemple stable jusqu’à environ 10 GPa et 1050 °C (Schmidt 1996 ; Schmidt et Poli 1998). Dans des zones de subduction « froides », la phengite peut donc permettre de recycler le potassium jusqu’à des profondeurs de 300 km. D’autre part, la chlorite est une phase hydratée qui peut être stable au solidus hydraté d’un basalte ou d’une péridotite entre 2 et 4 GPa et jusqu’à une température d’environ 850 °C. La chlorite est donc potentiellement stable dans le manteau lithosphérique péridotitique subduit ainsi que dans une partie du coin mantellique et pourrait en partie contrôler la fusion partielle dans les zones de subduction (Grove et al. 2009 ; Till et al. 2012). Enfin, des minéraux hydratés stables à faibles températures sont également présents à faibles pressions (< 8 – 9 GPa ; talc, antigorite, clinohumite titanifère). D’autres phases, appelées DHMS (‘Dense Hydrous Magnesium Silicates’) ont été caractérisées à hautes pressions (9 – 25 GPa) dans des assemblages péridotitiques saturés en H2O (Luth 1995 ; Kawamoto et al. 1995 ; Angel et al. 2001 ; Kawamoto 2004 ; Pamato et al. 2015). Comme illustré sur la Figure III.4, leur stabilité (< 1200 °C à 16 GPa pour la phase E ; < 1350 °C à 25 GPa pour la phase SB) est bien au-dessous d’un adiabat mantellique moyen et leur présence pourrait être limitée aux régions les plus froides des zones de subduction.

La Figure III.4 illustre la stabilité des principaux minéraux hydratés présents dans le manteau supérieur dans une composition péridotitique en conditions sur-saturées et sous-saturées en H2O. Ce diagramme reste cependant très théorique puisque de nombreux facteurs peuvent modifier les champs de stabilité des minéraux hydratés (e.g. fO2, nature des fluides, hétérogénéités mantelliques, présence de F). Les géothermes sont représentatifs d’une lithosphère continentale archéenne « froide » (type craton sibérien ; Artemieva 2006) et d’une lithosphère océanique « chaude » (5 Ma ; Stixrude et Lithgow-Bertelloni 2005). Ces géothermes permettent d’illustrer la capacité des principales phases hydratées

riches en K2O à se stabiliser dans le manteau selon les contextes géodynamiques (excepté les zones de subduction). Dans le manteau lithosphérique sous-continental, le phlogopite et la pargasite sont stables. La richtérite potassique peut se former à 7 – 9 GPa dans un environnement particulièrement froid (géotherme de 40 mW/m² ; Artemieva 2006). Un géotherme légèrement plus élevé (45 mW/m²) empêcherait cependant la richtérite potassique de se former dans le manteau lithsophérique

sous-Figure III.4. Revue de la stabilité des phases hydratées dans le manteau de composition péridotitique en

conditions sous-saturées en H2O (courbes noires) et saturées en H2O (gris), modifiée d’après Frost (2006). La limite de stabilité (conditions sous-saturées et saturées en H2O) de l’amphibole est issue de Green (1973). Les courbes de stabilité du phlogopite (conditions sous-saturées et saturées en H2O) sont issues de Wendlandt et Eggler (1980) et Konzett et Ulmer (1999). Les données sur la richtérite potassique proviennent de Konzett et Ulmer (1999) et Konzett et Fei (2000) (système simplifié KNCMASH). Le champ de stabilité de la phase X a été déterminé par Konzett et Fei (2000) dans un assemblage péridotitique simplifié KNCMASH. La stabilité des phases silicatées hydratées magnésiennes denses (DHMS : ‘Dense Hydrous Magnesium Silicate’) provient de Kawamoto (2004). La chlorite et la phase à 10 Å ne sont pas reportées car stables à plus basses températures en conditions saturées en eau (< 900 °C ; Till et al. 2012). L’adiabat mantellique moyen (AMM) ainsi que les géothermes d’une lithosphère océanique (LO, 5 et 50 Ma) et d’une lithosphère de craton archéen (ACL) sont tirés de Stixrude et Lithgow-Bertelloni (2005) et Artemieva (2006). Les solidi anhydre et hydraté proviennent de Hirschmann (2000) et de Kawamoto et Holloway (1997). Excepté les DHMS, ces phases hydratées sont également des réservoirs potentiels de potassium dans le manteau. Le rectangle gris délimite la zone pression – température étudiée lors de cette thèse.

continental ou océanique mais seulement dans les zones de subduction. Ainsi, la chaîne de réactions de décomposition depuis les basses vers les hautes pressions phlogopite → richtérite potassique → Phase X → liebermannite et le recyclage à grande profondeur de K2O et H2O ne semble possible qu’au niveau des régions mantelliques les plus froides, dans les zones de subduction.

Fusion de péridotite à phlogopite à 1 GPa

Experimental melting of phlogopite-bearing mantle at 1 GPa: implications for potassic magmatism

Pierre Condamine, Etienne Médard

Article publié dans “Earth and Planetary Science Letters” :

Condamine, P., Médard, E., 2014. Experimental melting of phlogopite-bearing mantle at 1 GPa: Implications for potassic magmatism. Earth and Planetary Science Letters 397, 80-92. doi: 10.1016/j.epsl.2014.04.027

III.2.1. Résumé

Les magmas riches en K2O et SiO2 ont été observés dans différents contextes géodynamiques, tels qu’en domaines continentaux, post-collisionnels ou encore dans les arcs. Les liquides les plus primitifs ont des teneurs en SiO2 élevées (jusqu’à environ 60 pds. %), compatibles avec une source mantellique à faible profondeur (< 1,5 GPa). Ces liquides sont potassiques (K2O/Na2O ≥ 1 et MgO > 3 pds. %) à ultrapotassiques (K2O/Na2O > 2 et MgO > 3 pds. %). Les teneurs en K2O des magmas, comprises entre 2 et 8 pds. %, ne peuvent pas être issues de la fusion partielle d’une lherzolite hydratée ou anhydre. Des études ont montré qu’une péridotite à phlogopite serait une source appropriée pour expliquer la composition de ces liquides, notamment le tamponnement de leur teneur en K2O. Afin de déterminer la source de tels magmas riches en K2O et SiO2, des expériences de fusion partielle (en conditions sous-saturées en eau) ont été menées sur deux péridotites à phlogopite à 1 GPa (lherzolite et harzburgite : fertile et appauvrie). L’adsorption de faibles quantités d’eau dans le matériel de départ a engendré la cristallisation d’amphibole. L’étude des relations de phases montre que la présence de faibles quantités de fluor dans le matériel de départ accroit considérablement les températures de déstabilisation des phases hydratées dans le manteau. L’amphibole disparaît aux alentours de 1050 – 1075 °C alors que le phlogopite se déstabilise à 1150 – 1200 °C. L’étude systématique des relations de phases à différentes températures (1000 – 1300 °C) a également permis de déterminer et quantifier les réactions de fusion-déshydratation d’une lherzolite à phlogopite : 0,49 phlogopite + 0,56 orthopyroxène + 0,47 clinopyroxène + 0,05 spinelle = 0,58 olivine + 1,00 liquide. Dans une harzburgite à phlogopite, cette réaction peut s’écrire : 0,70 phlogopite + 1,24 orthopyroxène + 0,05 spinelle = 0,99 olivine + 1,00 liquide. Une nouvelle technique d’extraction utilisable en conditions hydratées combinée à des expériences itératives en sandwich ont permis de déterminer la composition des liquides issus de faibles à forts taux de fusion (1,4 à 24,2 pds. %) des sources lherzolitique et harzburgitique à phlogopite. Les liquides en équilibre avec du phlogopite résiduel sont caractérisés par leur teneur en K2O tamponnée à environ 4 et 7 pds. % en fonction de la fertilité de la source (lherzolite et harzburgite, respectivement). Les liquides primaires sont saturés en silice et évoluent depuis les trachytes vers les andésites basaltiques (63,5 – 52,1 pds. % SiO2) avec la température. Les calculs de viscosité effectués montrent que ces liquides sont capables d’être extraits de leur source mantellique et d’atteindre la surface. Les compositions des liquides expérimentaux sont très proches des laves riches en K2O observées au Tibet en domaine post-collisionnel. Ces résultats confirment que les magmas riches en K2O et SiO2 les plus primitifs décrits principalement en contexte post-collisionnel peuvent être issus de faibles degrés de fusion (inférieurs à 5 pds. %) d’une source péridotitique à phlogopite dans le domaine de stabilité du spinelle.