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Partie 1. Contextualisation

1.2 Agriculture

1.2.7 Environnement (Dorin et Landy, 2002)

Les ressources en eau inégalement réparties et de plus en plus rares donnent lieu à des tensions, voire à de véritables « guerres de l’eau ». Le gaspillage et la qualité de l’eau constituent également des enjeux majeurs des années à venir dans une situation de stress hydrique grave50.

1.2.7.1 Irrigation

En Inde, le niveau de précipitations est supérieur à la moyenne mondiale, mais se trouve inégalement réparti sur le territoire. De plus, ces pluies se concentrent sur les périodes de mousson. L’enjeu est donc de parvenir à diriger et répartir ces flux dans l’espace et dans le temps, pour qu’ils servent au mieux à la production agricole (et aux autres usages) de manière durable. Certaines zones semi-arides ont été de cette manière transformées en régions agricoles productives à l’instar de l’Etat du Punjab, qui par ailleurs fait aujourd’hui les frais des limites du système comme il a été pensé, notamment d’un point de vue écologique, faisant face à l’épuisement des ressources en eau.

Cependant, les cultures les plus gourmandes en eau que sont le riz et la canne à sucre sont subventionnées et donc encouragées. Les productions agricoles s’appuient sur des systèmes d’irrigation qui ponctionnent à eux seuls 83%51 des ressources en eau utilisées dans le pays52.

Les techniques d’irrigation sont variées : les systèmes de levage, les endiguements, les canaux, qui relèvent de techniques dites de submersion, influent sur les processus naturels (Durand-Dastes, 2001). Dans la vallée de Kangra, on peut trouver les « kuhls », des canaux de dérivation des torrents dans ce milieu montagneux. Les réservoirs (« tanks »), eux, servent à la fois à récolter et à stocker l’eau, ainsi qu’à réapprovisionner les nappes phréatiques. Les puits, qui relèvent de techniques artificielles, viennent puiser dans les ressources en eaux souterraines. Il existe les puits ouverts, qui à l’origine ne dépassent pas trente mètres de profondeur. Avec la Révolution Verte, de nouveaux puits sont creusés, et les anciens sont forés de manière à augmenter leur profondeur, et équipés de pompes à diesel. 60% des

49 « To protect nature and people's rights to knowledge, biodiversity, water and food », traduction personnelle, citation disponible sur le site internet de l’ONG : http://www.navdanya.org/site/component/content/article?id=619

50 Voir les cartes annexe F 51 Chiffres de 1997-98

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investissements publics dans l’irrigation des années 1950 à 1990 ont été accordés au puisement des eaux souterraines.

A la fin des années 1990, les subsides affluent pour le développement des puits tubés, atteignant des profondeurs de 150 mètres. Ils sont équipés de pompes électriques et sont donc plus rentables, dans la mesure où l’électricité est fortement subventionnée pour cet usage, jusqu’à la gratuité dans certaines régions. La production électrique du pays est cependant instable et son accès incertain.

La surexploitation de l’eau se fait au détriment à la fois de l’environnement et des plus petits agriculteurs, qui voient les plus riches propriétaires en jouir abondamment, eux qui détiennent le pouvoir d’investir dans des forages toujours plus profonds, tout en s’accaparant les ressources déjà accessibles.

D’un point de vue écologique, la question de l’érosion des sols est alarmante. L’utilisation outrancière des eaux souterraines amènent à une situation de pollution des eaux douces par l’arsenic ou le fluor, ou bien encore par le sel, qui émerge dans les zones arides en raison des forages bien trop profonds. Les zones côtières sont également touchées par la salinisation des sols, ce qui rend tout culture condamnée.

On assiste à un autre phénomène directement lié aux techniques d’irrigation, le « water- logging » : les nappes sont engorgées par des apports excessifs en eau, et de nombreux ouvrages ont été conçus sans système de drainage. Le ruissellement des eaux entraîne une érosion dramatique des sols, dégradant les terres, et charriant les nutriments nécessaires à leur fertilité. En Himachal Pradesh, ce phénomène se manifeste régulièrement par des glissements de terrains, accentués par le relief montagneux. Mais cette érosion n’est pas provoquée ici par un excès d’irrigation, d’autres facteurs entrent en jeu. Globalement, cette érosion est amplifiée par la déforestation et le surpâturage. Toutefois, des actions de reboisement sont entreprises, ce qui limite cette dégradation. Les cultures sur brûlis constituent un problème de taille car le temps de jachère est de plus en plus court, ce qui ne laisse pas le temps aux végétaux de se régénérer de manière soutenable. D’autre part, les besoins en bois ne cessent d’augmenter sous la pression démographique, que ce soit pour le bois de chauffe, les pâtures, le secteur de la construction ou l’industrie.

Concernant les canaux servant à acheminer l’eau des barrages, Dorin et Landy (2002, p 150) évoquent trois acteurs de la sphère publique représentant des freins à leur bon fonctionnement, chacun ayant des priorités propres :

« le ministère de l’Irrigation cherche à maximiser la disponibilité en eau sans se soucier de son utilisation optimale, le ministère de l’Agriculture vise l’intensification sans trop se

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préoccuper des coûts directs et indirects générés par les variétés et les techniques qu’il promeut, et rares sont enfin les contacts de ces deux ministères avec un troisième (Revenue Department) chargé de collecter les redevances payées par les irrigants ». On peut ainsi observer des pertes importantes dues aux mauvaises conceptions et entretien des structures ainsi qu’à l’arrosage démesuré par rapport aux besoins réels dans certaines cultures. De graves dégâts environnementaux apparaissent, conséquences d’une agriculture intensive et excessive. Le manque de moyens alloués à la gestion de l’irrigation contribue à la dégradation globale du système.

1.2.7.2 Les barrages

Les barrages sont construits dans le but de créer de gigantesques réservoirs pour approvisionner les réseaux d’irrigation, mais alimentent aussi les grandes villes en eau, ou encore produisent de l’électricité.

La question des barrages provoque d’importants conflits et désastres humains, écologiques, économiques, sanitaires, et pourraient même rendre ces régions plus vulnérables aux tremblements de terre. De plus, de nombreux grands ouvrages n’ont jamais été terminés, à cause des lenteurs administratives, d’erreurs de planification ou bien de mouvements contre ces projets pour les raisons évoquées précédemment. Les industriels et les ONG s’affrontent. En effet, de nombreuses familles déplacées n’ont pas reçu de compensations satisfaisantes en terres ou en argent. De plus, les barrages approvisionnant les villes indiennes gigantesques assèchent les terres rurales et assoiffent des milliers de personnes. De même, certains Etats qui ne bénéficient pas également des retombées positives des barrages, ou doivent assumer la majorité des inconvénients, que le projet soit réalisé ou pas, se querellent. De plus, les régions supposées partager ce bien commun avec d’autres plus défavorisées de ce point de vue sont parfois réticents à y consentir. On trouve d’autres registres d’arguments, celui d’opposants à la construction d’ouvrages sur le Gange, qui évoquent le caractère sacré du fleuve, ou encore ceux contestant sa solidité. À l’échelle des villages, les disputes entre communautés ou individus ayant pour objet l’accès à l’eau, source de vie, peuvent dégénérer en affrontements sanglants.

1.2.7.3 Autres pollutions

On peut également mentionner d’autres sources de pollution. Ni l’eau, ni la terre, ni l’air ne sont épargnés. L’utilisation localement excessive d’engrais chimiques et pesticides qui

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représente la mort des sols à moyen terme, et les résidus (nitrates, métaux lourds…) se retrouvent également dans les eaux, aussi bien que dans l’alimentation. L’Homme est aussi directement victime de ces matières toxiques, d’autant plus qu’elles sont souvent manipulées à mains nues : les maladies frappent les paysans et les populations rurales, et ces substances provoquent des malformations chez les nouveau-nés, voire la mort.

La production de dioxyde de carbone, responsable de « l’effet de serre », est aussi considérable, même si ramenés à l’échelle des individus, les chiffres sont bien en dessous de la moyenne mondiale. En effet, l’utilisation des énergies fossiles est en constante augmentation, surtout dans les villes, mais le modèle d’agriculture intensive du pays est également à mettre en cause. Il entraîne aussi une sérieuse dégradation de la biodiversité, et de nombreuses espèces, variétés et savoir-faire associés se voient décliner. Les céréales (sorgho, mil chandelle…) non prises en compte par la Révolution Verte, pourtant plus nutritives que les variétés de riz disponibles en masse, sont abandonnées et de nombreux terrains laissés en friche. D’autre part, l’Inde est à la fois le premier producteur et consommateur de légumineuses du monde. Elles apportent pour grande partie les protéines à la population. Cependant, les importations ne cessent d’augmenter, ainsi que les prix, alors que les cultures n’ont augmenté que d’un quart entre 1950 et 1996. On peut considérer qu’elles ont été à la fois exclues de la Révolution Verte et de celle des oléagineux.