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3 Comportement des discontinuités

6.4 Essais de cisaillement direct à rigidité normale imposée

6.4.2 Enveloppe de rupture des essais CNS

La figure 6.31 présente les contraintes tangentielles au pic obtenues pour des essais CNC et CNS à la même vitesse de cisaillement (5 µm/s). Nous observons que pour les contraintes normales initiales inférieures à 7 MPa, la résistance au pic des essais CNS est plus élevée que celle des essais CNC. La plus petite résistance au pic des essais CNS à σno de 7 MPa est expliquée par une faible influence de la rigidité normale imposée

sous une contrainte normale plus importante. Les résistances au pic des essais CNC à vitesse de cisaillement de 5 µm/s est caractérisé par un critère linéaire de Mohr- Coulomb avec un angle de frottement de 41,7° et une cohésion de 0,34 MPa. On observe que la valeur de la résistance au pic des essais CNS est plus dispersée que celle des essais CNC. Cependant, si l'on utilise aussi un critère linéaire pour les résistances au pic à une contrainte normale inférieure de 7 MPa, on obtient un angle de frottement de 40,8° et une cohésion de 1,24 MPa. Les angles de frottement au pic obtenus pour des essais CNC et CNS sont alors très proches, tandis que la cohésion au pic des essais CNS est plus élevée. Ainsi, il semble que l'application d'une rigidité imposée conduise du point de vue macroscopique à une mobilisation de la cohésion apparente du joint. Sous rigidité imposée, l'angle de frottement des joints reste le même que sous contrainte normale imposée. Cependant, il semble que cette observation ne soit plus valable sur nos échantillons à 7 MPa et après.

0 1 2 3 4 5 6 7 8 0 1 2 3 4 5 6 7 8 CNC CNS C on tr ai nt e ta ng en ti el le a u pi c (M P a)

Contrainte normale (MPa)

) 41,7°

)

40,8°

Figure 6.31 - Résistance au pic en fonction de la contrainte normale des essais CNC et CNS à vitesse de cisaillement de 5 µm/s.

La figure 6.32 présente la courbe de contrainte tangentielle en fonction de la contrainte normale de l'ensemble des essais CNS et la figure 6.33 reprend uniquement les cycles réalisés à σno de 7 MPa. Nous observons qu'après le pic de contrainte

tangentielle, une fois que la dégradation des aspérités est prédominante, on peut proposer une relation linéaire et similaire entre les contraintes tangentielle et normale

résistance résiduelle des joints. Sur les phases de cisaillement opposé des essais cycliques, on trouve la même enveloppe que celle des phases de cisaillement aller (figure 6.33). Si l'on utilise un critère linéaire de Mohr-Coulomb, on obtient alors un angle de frottement de 32° et une cohésion nulle pour la résistance résiduelle des joints soumis à une rigidité normale imposée. Ces paramètres sont très proches de ceux obtenus pour les essais CNC (figure 6.19). Cela signifie que la condition limite lors du cisaillement (contrainte normale constante ou rigidité normale constante) n'a pas influence visible sur les discontinuités étudiées. Cette observation est à l'opposé des observations de Archambault et al. (1990) : ils ont montré une influence de la rigidité normale imposée sur la résistance résiduelle des joints artificiels.

0 1 2 3 4 5 6 7 8 0 2 4 6 8 CNS.1 CNS.2 CNS.3 CNS.4 CNS.5 CNS.6 CNS.7 Pic C on tra in te t an ge n ti el le ( M P a)

Contrainte normale (MPa)

)

32°

Figure 6.32 - Contrainte tangentielle en fonction de la contrainte normale sous la condition de rigidité imposée. 0 1 2 3 4 5 6 7 8 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 5 MPa/mm 10 MPa/mm C on tr ai n te t an ge nt ie lle ( M P a)

Contrainte normale (MPa)

Figure 6.33 - Contrainte tangentielle en fonction de la contrainte normale des essais cycliques à contrainte normale initiale de 7 MPa.

6.5

Conclusion

Nous avons réalisé une campagne d’essais de cisaillement sur des discontinuités naturelles des marbres de St Béat. Trois différents chemins de chargement ont été utilisés : cisaillement à contrainte normale constante (CNC), à contrainte normale variable (CN variable) et à rigidité normale externe imposée (CNS).

Grâce aux mesures de morphologie et aux calculs des paramètres statistiques morphologiques des surfaces de discontinuités avant chaque essai CNC, nous avons pu classer les discontinuités selon trois groups d'échantillons de morphologie similaire, de la plus lisse à la plus rugueuse (chapitre 5). On peut retrouver sur les courbes de contrainte et de déplacement des essais CNC les mêmes phases successives décrites dans Gentier et al. (2000) pour des répliques de joints rocheux modèles. Un comportement ductile sans pic de contrainte tangentielle et des faibles déformations normales a été observé sur les discontinuités les plus lisses. Par contre, pour les discontinuités plus rugueuses, on a observé un pic de contrainte tangentielle marqué, suivi d'une phase de radoucissement due à la rupture des aspérités. Le cisaillement des aspérités manifeste également par le changement du taux de dilatance : diminue vers zéro quand le joint atteint la phase résiduelle. La dégradation des aspérités sous une contrainte normale de 7 MPa est beaucoup plus importante sous une contrainte normale inférieure (1,5, 3 et 5 MPa). Le comportement en cisaillement dans le sens opposé peut montrer des différences par rapport à celui dans le sens aller (contrainte tangentielle au pic et angle de dilatance différentes). Ces différences sont dues à des caractéristiques morphologiques différentes dans les deux sens et à des dégradations de surfaces après le cisaillement aller. Cependant, les contraintes tangentielles minimales obtenues à la fin de chaque phase de cisaillement aller et opposé sont très similaires.

Les essais à contrainte normale variable, qui ont été effectués avec plusieurs demi- cycles ou plusieurs paliers à différents niveaux de contrainte normale constante, ont montré une influence de la contrainte normale et de l'état des surfaces sur les contraintes tangentielles et les déplacements normaux. L'augmentation de la contrainte normale va faire augmenter la contrainte tangentielle et diminuer la dilatance. Le cisaillement d'une surface déjà cisaillée avec un déplacement de 5 ou 7 mm ne conduit plus à un nouveau pic de contrainte tangentielle, même sous une contrainte normale plus élevée. La contrainte tangentielle est stable dès le début du deuxième demi-cycle ou du deuxième palier et égale à la résistance résiduelle de la roche. Nous avons observé que les contraintes tangentielles minimales obtenues après un cisaillement de 7 mm des essais CNC sont déjà très proches de cette résistance résiduelle de la roche.

Des enveloppes linéaires de Mohr-Coulomb ont été proposées pour les résistances au pic et résiduelle des essais CNC et CN variable. Les angles de frottement et les cohésions obtenus pour les contraintes résiduelles dans les deux sens de cisaillement aller et opposé sont très comparables (31,5° et 28,3° ; 0,27 et 0,35 MPa respectivement). Cela signifie que bien que les caractéristiques morphologiques soient différentes dans les deux sens, après un cisaillement d'environ 7 mm, la roche peut

cohésions obtenus pour les résistances au pic montrent une différence significative pour les deux sens de cisaillement (38,3° et 28,8° ; 0,30 et 1,06 MPa respectivement).

Les rigidités normales augmentent quasi-linéairement avec les contraintes normales d'environ 1 à 5 MPa. Elles peuvent être différentes pour différents échantillons. Cependant, les coefficients de ces fonctions linéaires sont très proches pour tous les échantillons. Les rigidités tangentielles montrent aussi une évolution quasi-linéaire avec les contraintes normales entre 1,5 et 7 MPa.

Sur tous les essais CNC, nous avons observé que le taux de dilatance maximal ne correspond pas au pic de la contrainte. Il se trouve généralement après le pic de contrainte avec un déplacement supplémentaire jusqu'à 0,5 mm. L'influence de la rugosité des surfaces sur les angles de dilatance au pic et maximal a été montrée : plus les surfaces sont rugueuses, plus la moyenne des colatitudes est élevée et plus les angles de dilatance sont importants et réciproquement. Dans notre cas, nous avons combiné l'influence de la contrainte normale et l'influence de la rugosité sur le déplacement normal des joints. Afin d'étudier séparément ces deux influences, il faudrait appliquer des contraintes normales différentes pour des échantillons de même rugosité ou, a

contrario, une même contrainte normale pour des échantillons de différentes rugosités.

L'influence de la vitesse de cisaillement sur la résistance au pic a été observée. Plus la vitesse de cisaillement augmente, plus la résistance de cisaillement au pic diminue. Pour les vitesses de cisaillement entre 5 et 20 µm/s et les contraintes normales de 1,5 à 5 MPa, la relation entre la vitesse de cisaillement et la résistance au pic est quasi- linéaire. Cependant, la vitesse de cisaillement n'a pas d'influence sur la résistance de cisaillement résiduelle. Le changement de la vitesse de cisaillement après le pic de contrainte ne provoque aucun changement dans le comportement en cisaillement des joints. Nous avons observé également que la vitesse de cisaillement a une influence sur le déplacement normal au cours du cisaillement. Pour une même contrainte normale et une même rugosité, plus la vitesse de cisaillement augmente, plus la dilatance diminue. Cependant, la différence de la dilatance due à la vitesse de cisaillement diminue quand la contrainte normale appliquée diminue.

Les courbes de contraintes et de déplacements des essais à rigidité normale externe imposée (CNS) montrent des phases quasi similaires par rapport aux essais CNC. Cependant, les contraintes tangentielles et les déplacements normaux au cours du cisaillement des essais CNS sont différents de ceux des essais CNC. Sous une rigidité normale constante, les joints dilatent davantage avant le pic de contrainte tangentielle et puis contractent avec un taux plus élevé à partir du pic de la contrainte normale. Le pic de contrainte tangentielle est généralement atteint avant le pic de contrainte normale. La résistance au cisaillement des essais CNS est plus importante que celle des essais CNC. Pour les rigidités normales variées entre 5 et 10 MPa/mm, plus la rigidité normale augmente, plus les discordances entre essais CNS et CNC ont tendance à augmenter. Cependant, ces discordances diminuent quand la contrainte normale augmente et elles sont beaucoup moins visibles sous la contrainte normale initiale la plus élevée de 7 MPa.

Une enveloppe de rupture selon le critère linéaire de Mohr-Coulomb a été également proposée pour les essais CNS. Pour les essais à contrainte normale initiale inférieure à 7 MPa, la résistance au pic des essais CNS est plus élevée que celle des essais CNC. Cet accroissement de la résistance maximale est attribué à une mobilisation de la cohésion apparente du joint due à la rigidité normale imposée. La relation entre la contrainte tangentielle et la contrainte normale après le pic de contrainte des essais CNS est linéaire avec un angle de frottement de 32° et une très faible cohésion. Cet angle de frottement est égal à l’angle de frottement résiduel déterminé à partir des essais CNC. Ces observations conduisent à la conclusion que la rigidité normale imposée a une influence croissante sur la résistance au cisaillement maximale pour des contraintes normales initiales inférieures à 7 MPa, mais elle n’a pas d’influence visible sur le comportement résiduel des joints.

III

Modélisation

7 Application au calcul de massif rocheux 183

7.1 Présentation du code de calcul UDEC... 183

7.2 Simulation des essais de cisaillement avec UDEC ... 185

7.3 Modélisation du massif... 187

7.4 Résultats de calcul ... 191

Chapitre 7

Application au calcul de massif rocheux

L’influence de la fracturation est un aspect important dans la conception des projets de génie civil, tels que le creusement de tunnel, les stabilités de versant ou des fondations au rocher. Cependant, la prise en compte de la présence de discontinuités en géotechnique reste encore très empirique et qualitative. Au cours de ces dernières années, plusieurs logiciels de calcul ont été développés afin de simuler le comportement des milieux discontinus. La méthode des Éléments Discrets est un exemple d’approche puissante pour modéliser le comportement des massifs rocheux fracturés. Le logiciel UDEC, basé sur cette approche, est un code de calcul pertinent afin d’analyser et de prévoir les structures construites dans massif rocheux fracturé.

7.1

Présentation du code de calcul UDEC

UDEC (Universal Distinct Element Code) est un code de calcul 2D, développé par la société Itasca. Il est basé sur la Méthode des Éléments Discrets initialement introduite en 1971 par Dr Peter Cundall (Cundall 1971). Le code UDEC est bien adapté pour calculer les forces et les déplacements induits dans les milieux discontinus (un massif rocheux fracturé par exemple) soumis à un chargement statique ou dynamique. Les milieux discontinus sont généralement représentés dans UDEC comme un assemblage de blocs discrets, avec des discontinuités au niveau des interfaces entre blocs. UDEC permet de résoudre des problèmes avec un nombre de discontinuités extrêmement grand. Les discontinuités sont traitées comme des conditions aux limites de blocs : grand déplacement le long des discontinuités et possibilité de rotation des blocs (figure 7.1). Les blocs individuels peuvent être simulés comme un matériau rigide ou déformable. Les blocs déformables sont alors maillés par éléments finis (triangulaires ou forme arbitraire), et chaque élément se comporte selon une loi linéaire ou non linéaire choisie.

Figure 7.1 - Représentation du contact entre deux blocs dans UDEC.

Les calculs effectués dans la méthode des éléments discrets se basent à la fois sur l'application d'une loi de force-déplacement à tous les contacts entre blocs et la seconde loi de Newton à tous les blocs. La loi de force-déplacement est utilisée pour déterminer la force induite aux contacts, résultante d'un déplacement connu, ou réciproquement. La seconde loi de Newton donne le mouvement des blocs, résultant de l'imposition d'une force connue. UDEC effectue les calculs selon les pas de temps en supposant que les vitesses et les accélérations des blocs sont constantes pendant un pas de temps. Après chaque pas de temps, les forces, les vitesses et les accélérations sont recalculées pour chaque bloc, fournissant ainsi la nouvelle position des blocs et les incréments de déplacement des discontinuités. Si les blocs sont déformables, le mouvement du bloc est calculé aux nœuds du maillage du bloc. L’application d’une relation constitutive du matériau donne les nouvelles contraintes dans les éléments. Le cycle de calcul pour les blocs rigides ou déformables est illustré dans la figure 7.2. UDEC peut réaliser les calculs pour un grand nombre de pas de temps, jusqu’à ce que les mouvements des nœuds du maillage ou des blocs se stabilisent.

Dans UDEC, différents modèles de comportement du joint au cisaillement sont disponibles : des modèles basés sur le critère de glissement de Coulomb ; une modification du critère de Coulomb en tenant compte du radoucissement dû à une diminution de la cohésion et de la résistance après la rupture au cisaillement ; le modèle

Continuous Yielding qui simule le radoucissement continu du joint et enfin un modèle

basé sur le critère de Barton-Bandis. Les propriétés requises dépendent du modèle utilisé et sont généralement les rigidités, l'angle de frottement, la cohésion, l'angle de dilatance, la résistance en traction, etc. du joint.

Pour le comportement des blocs, il existe dans UDEC sept modèles pour les blocs déformables : le modèle de "matériau nul" correspondant à des excavations, le matériau élastique-isotrope, le matériau plastique, les modèles de matériaux avec durcissement/radoucissement de la résistance. Les propriétés requises sont la densité, les modules de compressibilité et de cisaillement, l'angle de frottement, la cohésion, etc.

Figure 7.2 - Cycle de calcul pour la méthode des éléments discrets.