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3 Comportement des discontinuités

3.3 Comportement mécanique des joints rocheux

3.3.3 Comportement en cisaillement à rigidité normale imposée

Dans le cas où la structure du système de bloc empêche la dilatance le long du joint, le cisaillement de la discontinuité va être gêné et va conduire à une augmentation de la contrainte normale. Cette situation est souvent rencontrée dans les excavations souterraines (construction de caverne, exploitation de mine, construction de tunnel) où des blocs potentiellement instables se trouvent entre des joints dilatants (figure 3.19a). Cette condition de chargement in situ peut être simulée en laboratoire en utilisant le principe des essais de cisaillement à rigidité normale imposée (figure 3.19b).

L’essai de cisaillement direct à rigidité normale externe imposée Kext consiste à

appliquer un effort normal initial σni, puis à cisailler l’échantillon à vitesse de

cisaillement [uɺs] constante tout en réglant la force normale par l’intermédiaire d’un dispositif asservi de manière à vérifier la consigne définie par la relation :

n - K u ext n 0

∆σ × ∆ = (3.10)

avec ∆σn la variation de contrainte normale, ∆un la variation de déplacement

relatif normal, Kext la rigidité normale externe imposée. Cette rigidité correspond in situ

au module de déformation du bloc de roche et ne doit pas être confondue avec la rigidité normale du joint (Leichnitz 1985).

K K (a) Kext τ (b)

Figure 3.19 - Simulation des conditions in situ à des essais de cisaillement en laboratoire.

Leichnitz (1985) a réalisé des essais de cisaillement sur des échantillons de grès selon deux modes de chargement : (I) force normale constante et (II) restriction de dilatance en introduisant une rigidité normale au plan du joint. Les essais de type (II) ont les mêmes conditions initiales (force normale initiale et vitesse de cisaillement) que les essais de type (I), mais avec une rigidité normale imposée constante de 0,67 MPa/mm. Sous une faible force normale initiale, on observe une différence qualitative et quantitative des courbes de contrainte tangentielle - déplacement tangentiel : pour le type (I), la contrainte de cisaillement atteint à un pic après un bref déplacement tandis que pour le type (II), la contrainte tangentielle augmente graduellement et atteint la valeur maximale après un grand déplacement. L’allure de ces courbes devient de plus en plus similaire pour les deux types de chargement avec l’augmentation de la force normale initiale. Ces observations ont été aussi obtenues par Ohnishi et Dharmaratne (1990) sur des répliques en mortier de ciment des surfaces rocheuses modèles. Leichnitz (1985) a également comparé les courbes du coefficient de frottement (rapport entre la force tangentielle et la force normale) et les courbes de l’angle de dilatance (rapport entre les déplacements normal et tangentiel) en fonction du déplacement tangentiel pour les deux types d’essais. Ces deux fonctions sont relativement similaires, d'un point de vue qualitatif. Des différences quantitatives se manifestent sur les coefficients de frottement et les angles de dilatance au pic de contrainte. La figure 3.20 présente des exemples de courbes des forces tangentielle et normale en fonction de déplacement tangentiel des essais de cisaillement à rigidité normale constante réalisés par Leichnitz (1985).

Figure 3.20 - Courbes de forces tangentielle (T) et normale (N) en fonction de déplacement tangentiel (S) des essais de cisaillement à rigidité normale constante de 0,67 MPa/mm et à différentes forces normales initiales de 20, 80 et 240 kN (0,4, 1,8 et 5,4 MPa respectivement) (d’après Leichnitz 1985).

Johnston et al. (1987) ont simulé le mouvement latéral des pieux implantés dans des roches tendres par essais de cisaillement à rigidité normale constante pour des interfaces roche/béton. La variation des contraintes tangentielle et normale, et du déplacement normal en fonction du déplacement tangentiel des essais CNS a pu être présumée à partir des courbes idéalisées comme le montre la figure 3.21. La contrainte tangentielle augmente à partir de zéro (point A) et atteint la résistance de glissement des aspérités après un très bref déplacement (point B). Parallèlement, la dilatation et, par conséquent, la contrainte normale augmentent. La contrainte tangentielle montre généralement une légère diminution jusqu’au point C qui correspond à la perte de cohésion. Cependant, quand le cisaillement continue, la dilatation et la contrainte normale augmentent et entraînent une augmentation supplémentaire de la contrainte tangentielle jusqu’au point D. Ce point représente le début du cisaillement des aspérités. A partir du point D, la contrainte tangentielle peut diminuer tandis que la dilatation et la contrainte normale se stabilisent de façon comme les aspérités sont cisaillées. Ainsi, selon Johnston et al. (1987), le comportement en cisaillement à rigidité normale constante passe par les mêmes phases successives que celles des essais à contrainte normale constante : la présence d’un pic de contrainte suivi d’une phase résiduelle. A noter que l’allure des courbes de contrainte de Johnston et al. (1987) est très comparable à celle des courbes de forces en fonction de déplacement tangentiel à des faibles forces normales initiales de Leichnitz (1985) (figure 3.20).

Figure 3.21 - Idéalisation des essais de cisaillement à rigidité normale constante pour des interfaces roche/béton d’aspérités triangulaires régulières (Johnston et al. 1987).

Archambault et al. (1990) ont effectué des essais de cisaillement à rigidité normale constante sur des discontinuités artificielles en mortier de ciment avec les surfaces de différentes natures : (i) surfaces régulières en dents de scie de pente 15°, (ii) surfaces irrégulières imbriquées obtenues par fendage de briques en ciment ayant un JRC de 4 à 6 et (iii) surfaces irrégulières non imbriquées ayant un JRC supérieur à 20. Les contraintes normales initiales utilisées varient entre 0,6 et 7,3 MPa et les rigidités normales imposées entre 2,7 et 9,2 MPa/mm. Ils ont observé que l’augmentation de la rigidité normale entraîne une augmentation des résistances de cisaillement au pic et résiduelle, une diminution de la dilatance au pic et une augmentation de la contrainte normale. Le fait de travailler sur des surfaces de différentes géométries a permis également une observation de l’effet de la dilatance sur le comportement en cisaillement. Pour les joints de surfaces irrégulières imbriquées (ii), la contrainte normale soit montre une petite augmentation, soit se stabilise après le pic. Les joints de surfaces régulières (i) ou irrégulières non imbriquées (iii) montrent une diminution importante de la contrainte normale due à une forte contractance après le pic. Skinas et al. (1990) ont observé un accroissement plus important de la contrainte normale lors du cisaillement à rigidité normale constante pour des joints artificiels en mortier ayant JRC = 18 que les joints ayant JRC = 9. Blümel et al. (2003) ont observé une influence de la géométrie des aspérités (pente) en forme de dents de scie sur la réponse de la dilatance et la contrainte normale au cisaillement à rigidité normale constante.

Van Sint Jan (1990) a testé des joints artificiels préparés en laboratoire sous des conditions de rigidité normale imposée constante entre 0 et 0,04 MPa/mm. Une augmentation de la rigidité normale conduit à une augmentation de la résistance et du déplacement au pic de contrainte. La contrainte tangentielle peut atteindre un maximum avant la contrainte normale. Pour des joints artificiels en dents triangulaires régulières, la contrainte tangentielle chute de façon importante après le pic. Le taux de réduction de la contrainte tangentielle augmente avec l’augmentation de la contrainte normale initiale ou de la rigidité normale. Pour des répliques de joints rocheux modèles,

les courbes de contrainte tangentielle montrent très peu ou pas de diminution après le pic. L’auteur a observé que l’angle de frottement au pic dépend de la rigidité normale avec des contraintes normales initiales utilisées entre 0,006 et 0,10 MPa : il est plus faible sous des conditions de rigidité normale constante que sous des conditions de contrainte normale constante (rigidité normale nulle). L’influence de la rigidité normale imposée diminue avec l’augmentation de la contrainte normale initiale car pour des contraintes normales élevées le comportement en cisaillement est gouverné essentiellement par la contrainte normale.