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3.1. L’entretien : ses avantages et ses limites

L’objectif de l’entretien est de comprendre le sens que l’étudiant attribue aux activités sur ordinateur et smartphone qui ne sont pas en lien avec le cours, et ce dans le but de connaître les éléments qui marquent le rythme d’apprentissage du cours.

L’entretien est défini par Grawitz comme « un procédé d’investigation scientifique, utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations, en relation avec le but fixé » (Grawitz, 2001, p. 644). L’auteur insiste sur « le processus fondamental d’interaction humaine que constitue la situation d’entretien et les mécanismes variés qu’elle met en cause » (Grawitz, 2001, p. 644). L’entretien « utilise une grille des thèmes à aborder, mais […] respecte un ordre, celui du discours de la personne interrogée » (Jakobi, 1998, p. 387). Il est semi-directif, car « il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises » (Quivy, Campenhoudt, 1995, p. 195).

L’origine de l’entretien remonte en 1943 avec l’étude de Roethlisberger et Dickson qui ont utilisé cet outil à la Western Electric pour améliorer la productivité des ouvriers.

Sachant que pour augmenter la production, le moral importait plus que le niveau de rémunération, l’entretien leur a permis de connaître les facteurs qui agissent sur leur moral (Jakobi, 1998).

Grawitz fait remonter l’origine de l’entretien dans un contexte professionnel et bien postérieure à Roethlisberger et Dickson. En effet, l’entretien était premièrement utilisé en psychothérapie et en psychotechnique. Ensuite, il est utilisé dans les enquêtes d’opinion qui se multipliaient. Enfin, les techniques d’entretien utilisées dans le milieu professionnel après la Seconde Guerre Mondiale ont été remises en question, notamment la relation interviewer-interviewé (Grawitz, 2001).

Quivy et Campenhoudt (1995) relèvent trois situations dans lesquelles l’entretien est utile : 1/ pour l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés, 2/ l’analyse d’un problème précis, et 3/ la reconstitution de processus d’action, d’expériences ou d’événements du passé (Quivy, Campenhoudt, 1995).

Jakobi explique que l’entretien peut être utilisé pour répondre à plusieurs nécessités : 1/ avant une enquête quantitative, il permet l’exploration d’un domaine et du « champ de référence des futurs répondants » ; 2/ après un questionnaire, il permet d’approfondir la connaissance de certaines attitudes ; 3/ il permet également d’appréhender les systèmes de

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normes, de valeurs et de représentations ; 4/ enfin, il est utilisé dans la psychologie clinique (Jakobi, 1998, p. 388).

L’entretien permet d’analyser en profondeur un phénomène, et sa souplesse permet de conserver le cadre de référence de l’interviewé (Quivy, Campenhoudt, 1995). Toutefois, cette souplesse est à considérer non pas comme permettant une totale spontanéité de l’interviewé ni une totale neutralité du chercheur. L’information verbale donnée est le fruit de la relation entre l’interviewer et l’interviewé et doit être analysée comme telle. L’analyse de l’entretien doit donc élucider l’influence des propos de l’interviewer sur ceux de l’interviewé (Quivy, Campenhoudt, 1995).

Toutefois, Jakobi (1998) souligne plusieurs illusions de transparence : l’illusion de la transparence du sujet à lui-même, l’illusion de la transparence du langage, de la transparence entre ce qui est dit et entendu et de la transparence entre ce que l’interviewé veut dire et ce que l’interviewer comprend (Jakobi, 1998).

L’analyse de l’entretien veut établir des « types de réactions possibles vis-à-vis d’un thème, d’un sujet, une répartition possible d’attitudes, donc un élément déjà quantifié et statistique, donnant une indication sur la direction dans laquelle situer des facteurs » (Grawitz, 2001, p. 648).

3.2. Justification des thèmes et des questions

Tout d’abord, en guise de consigne, il est demandé à l’interviewé de parler des activités qu’il fait sur son ordinateur ou son smartphone pendant le cours. Cette question permet de lancer l’échange avec l’interviewé sur ses pratiques.

L’entretien est ensuite structuré en quatre parties.

Dans la première partie, il est demandé à l’interviewé les activités qu’il fait en cours sans rapport avec le cours. Cette question permet de connaître les différentes activités et donc les différentes occupations, ou préoccupations, des étudiants pendant le cours. Il est ensuite demandé pourquoi ces activités-là et pas d’autres, ce qui permet de savoir s’il y a des stratégies, et de connaître les limites que l’étudiant se fixe à lui-même dans le choix des activités sans lien avec le cours.

Ensuite, l’entretien s’intéresse au temps que les activités prennent à l’échelle d’un cours, à la fréquence de celles-ci, ainsi qu’au moment du cours pendant lequel l’étudiant fait

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autre chose que le cours. Ces questions permettent de peser l’importance des activités, en termes de quantité de temps à l’échelle d’un cours. Elles permettent également de relativiser la pratique numérique de l’étudiant sans rapport avec le cours, car la quantité d’activités n’exprime pas la quantité de temps passé à ces activités. La question de savoir à quel moment du cours les activités sont réalisées permet déjà d’évoquer les causes de ces activités.

Ensuite, l’interviewé est amené à s’exprimer sur ce qu’il ressent lorsqu’il fait des activités sans rapport avec le cours, ce qui permet à la fois de connaître le ressenti, mais aussi éventuellement de savoir pourquoi, c’est-à-dire de connaître les éléments qui amènent les étudiants à faire des activités sans rapport avec le cours.

Nous cherchons également à connaître le profil des cours dans lesquels l’étudiant effectue davantage ces activités, ainsi que ce qu’apportent ces activités à l’étudiant. Nous demandons également s’il voit des étudiants dans sa promotion faire des activités numériques sans lien avec le cours. Cette question permet de savoir s’il agit selon un contexte et permet d’interroger le regard qu’il porte sur les activités numériques sans lien avec le ours que font les autres étudiants. Le fait qu’il s’agisse d’autres étudiants donne considérablement un recul à l’échange.

Dans la deuxième partie, qui s’intéresse à la représentation du cours, nous interrogeons le contenu et le format du cours (C.M., T.D., T.P.), ainsi que la pédagogie (ce qu’il apprécie ou non, les pauses pendant les cours, les remarques faites par les enseignants concernant les activités sans lien avec le cours). Etant donné que, selon nos recherches, aucun auteur n’a traité le sujet des activités des étudiants pendant le cours et sans rapport avec le cours, ce sont des entretiens informels qui nous ont permis de penser à l’hypothèse d’un lien entre la représentation du cours et les activités sans rapport avec le cours.

La troisième partie correspond à la construction personnelle de l’étudiant par sa formation universitaire. Ce thème permet de connaître la représentation que l’étudiant a de sa formation universitaire d’un point de vue de sa propre construction, car nous pouvons supposer que les pratiques numériques en cours sans rapport avec le cours ne sont pas identiques selon que l’étudiant pense que sa formation le construit fortement ou non. Ce thème a été réfléchi à partir des entretiens informels réalisés. Le concept de « construction personnelle » renvoie à une structure unique de la personne. Cette unicité soulève une singularisation de la personne (Grenouilloux, 2008). Il s’agit donc d’une construction en tant

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qu’individu singulier. Nous interrogeons ce qu’apporte la formation universitaire tant sur le plan professionnel que personnel chez l’étudiant.

3.3. Echantillon

Les sujets interrogés sont des sujets volontaires de niveau licence, car c’est à ce niveau que le taux d’échec à l’université est le plus élevé.

De plus, le passage de la licence au master procède à une sorte de « tri » des étudiants, car comme nous l’avons dit, certains s’orientent en licence professionnelle, d’autres se réorientent ou poursuivent en master, d’autres encore arrêtent leurs études.

Nous souhaitons interroger des étudiants de différentes filières pour voir si les pratiques et les représentations s’établissent selon la filière, bien que notre échantillon n’ait pas l’ambition d’être représentatif.

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