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Comme nous ne pouvons pas accéder directement aux participantes des enquêtes, nous avons exercé des entretiens pour compléter notre recherche. Une trentaine d’entretiens di- rects ou par internet (par courriel) ont été effectué avec des femmes agées entre 25 ans et 45 ans (exceptionnellement, certains hommes y ont participé). Une dixaine d’entre- tiens sont incomplets ou non-accomplis à cause de la personne interrogée. Normalement, l’entretien consiste en plusieurs échanges de questions-réponses. Ces entretiens ont été interrompus après seulement un ou deux échanges : pas de réponse, refus de continuer ou indifférence avec le sujet. (La dernière s’est trouvée clairement entre les lignes de la réponse ; voir le paragraphe1.3.) Nous avons cité donc une dixaine d’entretiens dans cette thèse.

Les entretiens ont été largement inspirés par la méthode empathique, une variété de l’entretien semi-directif. Cette méthode a été adaptée par Jean-Claude Kaufmann pour l’enquête de son ouvrage, Corps de femmes, regards d’hommes : Sociologie des seins nus.

Université de Toulouse II M. Aihara 31/304 Les entretiens ont été conduits selon la méthode empathique, consistant à comprendre le système de valeurs de la personne interrogée et à y adhérer (sans excès), pour libérer les propos et renforcer leur caractère de sincérité. Les résultats ont été excellents, permettant de dépasser les discours de conve- nance, généralement homogènes (Kaufmann : 1998, p. 268).

Il est assez difficile de faire émerger des réponses fiables et sincères ; car le mariage est une coutume très banale pour les japonais. Cette methode a apporté un resultat excellent pour cette thèse. En voici un exemple :

Qu’est-ce que c’est, le mariage ? Pour moi, c’est un récipient pour élever des enfants. Si ma compagne me demande de se marier avec moi sans avoir des enfants, je l’accepterai quand même. Mais c’est plutôt une exception. C’est vrai que j’ai souffert de mon divorce, surtout de la séparation avec ma chère fille... Mais ça ne m’empêche pas de me marier de nouveau. Heu, alors, qu’est-ce que c’est le mariage pour moi... Je ne comprends plus. Je sais que

le mariage n’est qu’un contrat...7

Toshi, un homme de 38 ans venait de divorcer avec la mère de sa fille au moment de l’entretien. Il a consacré toute son énergie pour avoir l’autorité parentale de sa fille

pendant deux ans de conciliation par le tribunal des affaires familiales8. Finalement, il

n’a pas réussi. Il était donc épuisé par le mariage et le divorce à cette période-là : c’est pourquoi nous avons exceptionnellement interrogé cet homme.

Sa réponse, « le mariage est un récipient pour éléver des enfants, » est étrangement res- semblante à celle d’Émile Durkheim, le mariage consolide « l’assiette mentale » (Kauf- mann : 1999, p. 105) à l’époque où le mariage était la norme absolue dans la société. Quand son ex-femme est tombée enceinte (il s’agit de la grossesse non-prévue ; Toshi l’a 7. L’entretien avec Toshi, le 20 juillet 2007. Le texte original : 結婚が何かって ? 俺にとっては子 供を育てるための入れ物みたいなものだな。彼女がもし「子供は欲しくないけど結婚して」っ て言ったら、多分するとは思うけど、それはどちらかというと例外。確かに今回の離婚で、と くに愛娘と離ればなれになって、辛い思いをしたけど、だからって再婚しないことはないと思 うな。 うーん、そう考えると何なんだろうね、結婚って。ただの紙切れなのにね…。 (トシと のインタビュー、2007年7月20日。) Ce texte est traduit par l’auteur de cette thèse.

8. Au Japon, en cas de divorce, un seul parent a juridiquement droit à l’autorité parentale. On ne peut la partager entre le père et la mère.

32/304 1. Methodologie : collecte de données et entretien dit pendant l’interview), il a décidé desuite de se marier avec elle : il a fallu préparer un « récipient » pour son futur bébé. Bien que sa fille continue de grandir, il a « cassé ce réci- pient » par le divorce. Il a réalisé pendant notre entretien, que même après avoir renoncé à son mariage, son « propre » récipient existait pour sa fille de façon successive. (C’est pourquoi il a subi deux ans de concilliation judiciaire afin d’obtenir l’autorité parentale.) Finalement, il est devenu perplexe, et s’est mis à s’interroger lui-même, « qu’est-ce que c’est, le mariage ? ». Après cette réponse, il a essayé de formuler sa propre idée du ma- riage jusqu’à la fin de notre entretien, mais n’a pas vraiment réussi. Notre méthode a permis de montrer qu’il n’est pas évident d’évoquer les raisons pour lesquelles on décide de se marier ; même pour une personne qui a vécu l’expérience du mariage et du divorce. Petit épisode post-interview : Nous avons rencontré cet homme après cet entretien. Ce n’était pas l’occasion pour l’interroger, mais il nous a invité de nouveau pour exprimer son opinion sur le mariage. C’était notre entretien qui avait réveillé chez lui une préoccupation sur le mariage.