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CHAPITRE 3- ANALYSE DU DISCOURS INSTITUTIONNEL SUR LA MISE EN PROTECTION

3.1. Vision normative pour une protection d’urgence de la forêt exprimée des acteurs institutionnels

3.1.1. Enjeux autour du zonage du Parc national du Karthala

La stratégie d’expansion des aires protégées de Comores adoptée en 2018 a pour vision de passer de 2 à 27% de la surface nationale protégée d’ici à 2021, ceci pour répondre à l’Objectif n°11 d’Aichi (avec un an de retard à l’échéance : 2021 au lieu de 2020). L’Agence des aires protégées se fixe cet objectif de gérer rationnellement 27% de la superficie du territoire national sur la base d’une approche communautaire pour un développement écologique et économique durable.

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L’objectif 11 de la Convention d’Aichi est de conserver au moins 17% des surfaces terrestres et 10% des zones marines et côtières d’ici à 2020. L’ensemble des surfaces des aires protégées devrait concerner alors 27% de la planète. Selon un rapport de l’UICN de 2016, l’institution internationale estime que 14,7% des surfaces (terrestres) sont déjà couvertes d’aires protégées au niveau mondial. Donc il resterait 1,3% pour atteindre cet objectif de 17%. Pourtant, à l’heure actuelle seulement 2% de la surface du territoire national comorien est protégé. 25% supplémentaires de la surface (terrestre et marine) du territoire national doivent être protégés pour remplir cet impératif écologique. Nous sommes en droit de nous demander vraiment si un tel objectif est réalisable et s’il sera effectivement durable au regard des autres objectifs sous- jacents à l’amélioration des conditions de vie des populations locales. Force est de constater à travers cet exemple la manière dont les acteurs institutionnels nationaux des pays du Sud sont pris en tenaille entre le respect stricto sensu des normes émanant des institutions internationales qu’ils ont signées et les impératifs de développement. Néanmoins, nos enquêtes montrent que les acteurs institutionnels sont conscients des grands efforts que cet objectif demande pour être réalisé. Du coup, ils se fixent cet objectif tout en sachant qu’il peut ne pas être atteignable. Par conséquent, ils reformulent cette ambition de 27% de la surface du territoire national protégée par celui d’« agrandir significativement la surface de territoire national ». Ces acteurs veillent à mettre en conformité leurs actions avec les exigences des normes internationales en établissant des indicateurs quantitatifs stricts, alors que les traités et les conventions stipulent que les applications doivent respecter les lois nationales de chaque pays.

Ainsi, la vision de la stratégie nationale d’expansion des aires protégées des Comores doit se traduire par des réalisations concrètes sur le terrain au niveau des sites retenus. Dans les faits, chaque site retenu fait l’objet d’études spécifiques selon les exigences des normes de création d’une aire protégée. Il s’agit notamment d’études portant sur la nature de l’aire protégée et les objectifs de conservation du site.

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Dans la figure 13, les linges noirs indiquent la délimitation du Parc national du Karthala, les rouges sont les routes principales, les points noirs désignent les localités, la couleur verte foncée représente la forêt primaire, la verte claire représente la forêt secondaire.la couleur rouge représente le cratère du volcan du Karthala.

La forêt du Karthala est concernée par la stratégie d’expansion des aires protégées. La délimitation et la nature de cette aire protégée avaient été déjà proposées par les études faites dans le cadre du projet OCB entre 2007-2008, recommandations qui ont été reprises dans le cadre du nouveau projet. L’aire protégée est classée en catégorie II sur la classification de l’UICN, c’est-à-dire un Parc national. Selon les recommandations faites sur la nature de cette aire protégée, elle est séparée en deux principales zones : une zone d’écodéveloppement qui est la zone périphérique vers l’extérieur d’une superficie de 8040 ha, où des usages multiples sont autorisés ; et une zone de conservation qui renferme une zone tampon, un noyau dur et une zone d’exploitation contrôlée, qui s’étend sur une superficie de 18 750 ha.

D’après la stratégie optée par le projet, la zone d’écodéveloppement, la zone tampon et celle d’exploitation contrôlée seront appelées « zones d’adhésion ». Elles feront l’objet d’une convention d’adhésion entre le Parc et les paysans. La zone de cœur, ou noyau dur sera strictement protégée. Elle sera considérée comme « le jardin du président » et tout le monde n’y aura pas droit d’accès, précise l’enquêté 6. Sur la carte de délimitation, la zone de cœur correspond à la ceinture de couleur vert foncé, soit ce qui reste de la forêt encore intacte. Les zones d’adhésion correspondent à la forêt dégradée où les paysans font quotidiennement leurs activités agricoles et d’élevage. Au total, la superficie du Parc national du Karthala est estimée à 26 790 ha.

Le plan d’aménagement et de gestion actuellement en cours d’étude indique que le Parc national comprendra plusieurs Zones de Non Prélèvement (ZNP) et de plusieurs zones à usages différenciés. Les ZNP correspondent à la zone de cœur. Ces termes ont techniquement le même sens. Cependant, le terme de ZNP qui est adopté comme terme technique par l’équipe du projet est celui utilisé dans le plan d’aménagement et de gestion. De même, les zones anciennement appelées d’écodéveloppement sont ici renommées zones à usages différenciés. Ces dernières forment un espace dans lequel les activités sont réglementées pour assurer une meilleure protection des ZNP. Chaque terme de ces zones est défini comme suit dans le plan d’aménagement de gestion du Parc national du Karthala (Lacroix 2017) :

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• Les ZNP du parc national Karthala sont des zones sanctuaires d’intérêt écologique constituées en périmètre de préservation intégrale. Toute activité, toute entrée et toute circulation y sont restreintes et strictement réglementées.

• Les Zones d’Utilisation contrôlée (ZUC) : consistent en un espace de valorisation écologique où l’utilisation des ressources et les activités de production sont strictement réglementées et contrôlées. Elles entourent les zones de non-prélèvement. Leur rôle premier est la protection.

• La Zone d’Utilisation Durable (ZUD) : correspond à un espace de valorisation économique où l’utilisation durable des ressources et les activités de production sont réglementées et contrôlées. Elle comble tous les espaces non occupés par les autres zones. Il s’agit de la zone où l’agroforesterie et les champs de culture dominent.

• Les Zones d’Occupation Contrôlée (ZOC) : désignent des zones situées à l’intérieur du parc national Karthala et habitées par des populations antérieurement à sa création. Ce sont les villages et leurs pourtours immédiats.

• Les Zones culturelles (ZC) : marquent des espaces dédiés aux activités culturelles ou cultuelles et peuvent abriter des constructions telles que mosquée, cimetière, zone d’intérêt historique, archéologique ou autre. Pour le moment, il n’y en a pas. Le cas potentiel futur concernerait des cimetières ou des sites archéologiques.

• Les Zones de Service (ZS) : sont destinées à l’implantation d’infrastructures de production électrique, hydraulique ou géothermique, touristique, éducative, fonctionnelles, pylônes et pistes ou autre. Une zone de service concernera bientôt la centrale géothermique du Karthala et une autre zone concernera la piste d’accès à cette centrale. Le Bureau géologique des Comores a par le passé déjà réservé la zone au niveau des Domaines de l’État des Comores. D’autres zones pourront se développer dans le futur comme des Guest houses, campings ou autres sites touristiques aménagés en dur. • Les Zones de recherche (ZR) : sont composées d’espaces réservés au déploiement

d’activités de recherche scientifique et dont l’accès est limité aux chercheurs afin qu’ils ne soient pas dérangés.

Définies comme telles, ces zones sont encore à l’étude. Il est prévu que le zonage soit adopté par l’équipe du projet en concertation avec les communautés locales. La figure ci-dessous illustre les types de zones qui composeront le Parc national Karthala.

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Figure 14: Type de zonage dans le parc national Karthala (RNAP 2017)

De l’extérieur, le parc national Karthala est entouré d’une Zone de Protection (ZProt) adjacente à celui-ci dans laquelle les activités de production agricole, forestière, de loisir ou d’autres types d’activités humaines sont menées de manière à préserver le Parc national Karthala de tout dommage irréparable.

Donc l’objectif est bien de réaliser un zonage du territoire afin de protéger un espace à haute valeur écologique. Cette mise en protection doit respecter l’urgence et les impératifs des normes de création des aires protégées.

3.1.2. Schéma fonctionnel des relations entre les acteurs institutionnels de la gestion de la forêt