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6.4.1.

L’IMPORTANCE DE CRÉER UN REGISTRE POUR L’ENREGISTREMENT DES DEMANDES ANTICIPÉES D’AMM

De nombreux avantages sont associés à la création d’un registre de demandes anticipées d’AMM, sur le modèle du registre actuel des DMA (pour rappel, ces directives permettent aux personnes de signaler un refus de soins).

L’existence de directives claires de la part de la personne à l’égard de sa fin de vie permet de soulager les professionnels du poids moral de la décision : ils sont informés quant aux dernières volontés de la personne et peuvent ainsi savoir agir conformément à ses volontés. Cela permet aussi de réconforter les familles et les proches qui sont au chevet de la personne malade. Enfin, et surtout, cela protège et prolonge le droit à l’autodétermination de la personne.

La perte de l’aptitude à consentir aux soins ne doit pas entraîner la perte du droit fondamental à l’autodétermination de la personne : ce droit peut être prolongé par le fait qu’il y a une trace écrite des vœux de la personne.

Malgré les avantages certains du registre des DMA, qui est géré par la RAMQ et qui a été mis en œuvre dans la foulée de l’adoption de la LCSFV, ce registre demeure très largement sous-utilisé. En effet, selon le rapport que la Commission sur les soins de fin de vie a déposé à la fin de l’hiver 2019, le taux d’inscriptions au registre des DMA à la RAMQ, en date du 31 mars 2018, se limitait à 2 305 utilisateurs (CSFV, 2019, p. 68). Ce rapport indique que la consultation du registre des DMA par les professionnels de la santé ne semble pas encore bien intégrée à la pratique. Il n’a été consulté que 7 572 fois depuis sa mise en œuvre (CSFV, 2019, p. 68). Ces données sont préoccupantes, d’autant plus qu’on observe une grande variation entre le nombre d’utilisateurs et le nombre de consultations du registre des DMA entre les établissements de la province.

On peut observer au moins quatre faiblesses relativement au registre des DMA.

Premièrement, la sous-utilisation de cet outil par les Québécois pourrait laisser penser qu’il n’est pas suffisamment connu du public, ou que des difficultés pratiques sont rencontrées par les citoyens.

Deuxièmement, bien que le formulaire officiel puisse être jugé compréhensible par la population, il est raisonnable de penser que de nombreuses personnes, notamment les personnes âgées isolées, les personnes issues de l’immigration qui ne maîtrisent pas encore bien la langue, les personnes aux prises avec différentes formes de difficultés, notamment les personnes analphabètes, auraient besoin d’assistance dans la rédaction de telles directives.

Troisièmement, le nombre limité d’inscriptions au registre des DMA pourrait s’expliquer par la difficulté, pour les patients, à obtenir les formulaires des DMA et à les déposer au registre.

Enfin, le faible taux de consultations de ces formulaires par les médecins pourrait s’expliquer par des complications relativement à leur accessibilité.

Si un registre semblable, destiné aux demandes anticipées d’AMM, devait être mis en œuvre dans la foulée de la révision de la LCSFV, il faudrait absolument redoubler d’efforts pour maximiser son efficacité et s’assurer qu’une proportion significative de citoyens connaissent cet outil et y aient recours au besoin. Il importerait de tout mettre en œuvre pour éviter les difficultés rencontrées avec le régime des DMA actuel.

Afin de favoriser une utilisation optimale du registre des DMA, de garantir un accès équitable aux directives anticipées aux couches de la population les plus défavorisées et vulnérabilisées, d’assurer le respect des volontés de la personne et d’éviter les cas d’acharnement thérapeutique, le Groupe d’experts est d’avis qu’il importe :

 de faire connaître l’existence de ce registre à l’ensemble de la population, aux personnes malades ainsi qu’à leurs proches aidants;

 de rappeler aux usagers l’importance de la protection de leurs droits fondamentaux à l’autodétermination, à la vie, à la sécurité et à l’intégrité;

 de recommander au gouvernement de faire la promotion des DMA par des campagnes de publicité auprès des usagers et de former les professionnels de la santé de façon à les sensibiliser à l’importance des DMA;

 de mettre à la disposition des citoyens des ressources afin de les assister dans la rédaction de leurs DMA et de leur demande anticipée d’AMM, le cas échéant;

 de faciliter, pour les professionnels de la santé, l’accès aux formulaires ainsi que leur dépôt au registre et au dossier médical des patients suivis, voire d’élargir leur accès aux ambulanciers paramédicaux;

 de proposer qu’une étude soit conduite au sujet des obstacles qui semblent compromettre à la fois l’utilisation et la consultation de ce registre afin d’en

démocratiser l’accès et de garantir le respect des décisions des personnes concernées en matière de soins de santé et de fin de vie.

RECOMMANDATION 5

Que soit créé un registre des demandes anticipées d’AMM et que les demandes anticipées d’AMM y soient obligatoirement versées. La consultation du registre des demandes anticipées d’AMM par les médecins serait obligatoire, et celui-ci devrait leur être facilement accessible. La demande anticipée d’AMM pourrait aussi être versée au dossier médical du patient.

RECOMMANDATION 6

Que les citoyens soient encouragés à rédiger leurs DMA en prévision d’une perte d’aptitude.

6.4.2. LA NON-NÉCESSITÉ D’UNE PÉRIODE D’ATTENTE ENTRE LA RÉCEPTION DU DIAGNOSTIC ET LA RÉDACTION DE LA DEMANDE ANTICIPÉE D’AMM

Le Groupe d’experts a réfléchi à la question de savoir s’il était souhaitable de recommander un certain délai entre, d’un côté, la réception du diagnostic pour lequel l’inaptitude est raisonnablement anticipée et, d’un autre côté, la rédaction des volontés relatives aux soins de fin de vie, au moyen du formulaire des DMA ou de la demande anticipée d’AMM.

Conseiller à la personne de s’accorder une période de réflexion, afin de prendre une décision plus posée et réfléchie en matière de soins de fin de vie, de directives préalables et de demande anticipée d’AMM, est toujours possible. Comme l’écrit Catherine Perron, « [l]a discussion pré-euthanasie occupe en soi une fonction palliative incontestable, en offrant au malade et à ses proches la possibilité de réaffirmer socialement leurs choix, leurs souffrances et leur humanité » (Perron, 2018, p. 24).

Mais tous ne réagissent pas de la même manière à la perspective de la maladie et de l’inaptitude. Les réactions à cette nouvelle seront diversifiées, et les manières d’apporter à ces personnes le soutien dont elles ont particulièrement besoin, compte tenu de leurs histoires personnelles et circonstances uniques, devront être adaptées et jugées au cas par cas. De plus, il est du devoir du médecin ou de l’équipe soignante de s’assurer que la personne malade est apte à rédiger sa demande anticipée d’AMM, car elle peut vivre, de façon singulière et temporaire, un état de choc de durée variable.

En résumé, le Groupe d’experts estime que, si une équipe médicale peut effectivement suggérer aux patients de s’accorder un temps de réflexion pour assimiler la nouvelle et en discuter avec leurs proches avant de prendre leurs décisions en matière de soins de fin de vie, il ne convient pas pour autant d’imposer, à tous les citoyens sans distinction, l’obligation d’attendre une certaine période de temps après avoir reçu le diagnostic avant de soumettre leurs volontés anticipées.

Le formulaire de demande anticipée d’AMM devrait être recevable en tout temps à partir du moment de la réception du diagnostic de maladie grave et incurable.

6.4.3. LA DURÉE DE VALIDITÉ DU FORMULAIRE DE DEMANDE ANTICIPÉE D’AMM

Le Groupe d’experts a aussi réfléchi à la question de savoir si le formulaire de demande anticipée d’AMM devrait avoir une durée de validité déterminée, au-delà de laquelle les volontés exprimées ne seraient plus jugées valides. En effet, une demande qui aurait été rédigée depuis longtemps pourrait être remise en question et susciter de l’incertitude chez ceux qui ont à la traiter. Par exemple, une personne dont la demande daterait de 5 ou même de 10 ans aurait pu changer d’idée dans l’intervalle, sans que personne le sache, invalidant sa demande.

Néanmoins, les conditions que le Groupe d’experts a établies pour qu’une demande anticipée d’AMM soit recevable permettent en bonne partie d’éviter cet obstacle. En effet, le fait d’exiger à la personne d’avoir reçu un diagnostic avant de pouvoir rédiger sa demande anticipée d’AMM favorise une certaine contemporanéité de sa décision ainsi que le suivi avec les professionnels de la santé et la réactualisation de sa demande anticipée d’AMM avant qu’elle ne perde complètement son aptitude à y consentir. De plus, le Groupe d’experts encourage, lors du suivi avec le médecin, la revalidation des volontés anticipées. Les risques les plus importants semblent contenus par cette exigence.

Le Groupe d’experts estime donc qu’il serait inapproprié de fixer une durée de validité pour les demandes. Si la personne a pris la décision de rédiger une demande anticipée d’AMM à la suite de son diagnostic pour que ses volontés soient respectées, il est de sa responsabilité de réactualiser ou de résilier les volontés qu’elle a consignées préalablement dans son formulaire de demande anticipée d’AMM tant qu’elle est apte à le faire. Le droit à l’autodétermination, qui est prolongé grâce à l’exercice du consentement anticipé, exige le respect des vœux exprimés dans une demande anticipée d’AMM.

6.5. La possibilité de désigner un tiers qui signale au personnel l’existence de la