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3 EVALUATION OPERATIONNELLE DE LA COMPOSITION AVEC PATTERNS

3.3 Emuler le style classique

En allant un cran plus loin dans l’application de la tonalité nous pouvons tenter d’aborder un style « classique » en référence aux musiques du 18ème siècle. L’exercice est plus difficile car la gestion des modulations est plus complexe qu’en Jazz, la notion de grille d’accord n’est pas aussi figée, elle dépend en partie de la forme de la pièce. La forme (sonate, fugue, passacaille, rondo, lied, …) est une notion qui est plus développée ici qu’en Jazz où la forme est généralement simple et répétitive. Elle se réduit en général en Jazz à ensemble de variations sur une suite d’accords pouvant compor- ter des notions de couplet refrain qui acceptent bien le processus aléatoire que nous utilisons pour nos activations de patterns de notes.

Le problème d’une émulation de musique classique est plus compliqué que dans le cas du Jazz, car peut-on envisager d’émuler un style classique sans définir une forme ? La réponse est qu’il sera impossible d’émuler une véritable forme sonate dont le principe n’est pas compatible avec des processus aléatoires sur des éléments mélodiques. On pourra cependant se rapprocher d’une suite

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de variations. Nous traiterons la question de la forme dans le cadre du chapitre sur l’orchestration, nous verrons que nous pouvons créer des formes très fines et complexes avec notre méthode, mais pas dans les mêmes catégories que celles qu’a créées la musique dite « classique ». Dans l’exercice que nous nous proposons, qui ne s’intéresse qu’aux traitements de base des patterns, nous allons donc un peu oublier les questions de forme en considérant que nous allons créer des exemples de pièces libres, des sortes de fantaisies proches de l’improvisation au niveau mélodiques, mais figées au niveau harmonique. Nous allons en profiter pour introduire un nouveau mécanisme de transpo- sition.

Si nous souhaitons introduire des schémas harmoniques, nous pouvons appliquer la méthode de conversion de patterns vue au chapitre précédent, mais aussi introduire une autre catégorie de patterns que nous appellerons des patterns harmoniques. Ces patterns harmoniques ne compor- tent pas de notes mais des indications de conversion modale et de transposition. Ils se superposent à des patterns de notes pour les transformer. On pourrait utiliser le terme « convoluer » inspiré du traitement du signal pour ce processus. Les patterns harmoniques nous permettent d’imaginer que l’orchestration, et donc l’interaction, puisse contrôler l’évolution harmonique de façon fine, dans des subdivisions de patterns, ce que nous ne faisions pas précédemment dans le cas des improvi- sations Jazz.

Pour illustrer la « convolution », voici un exemple de transposition automatique d’un pattern cons- titué de notes d’un accord de do majeur. Il y a une transposition à chaque blanche. Les patterns de notes et harmoniques durent deux mesures.

Les patterns harmoniques transposent les deux premiers temps vers le 6ème degré sans changer le mode, puis vers le 2ème degré sans changer de mode, puis vers le 7ème degré sans changer de mode pour finir sur le 3ème degré converti en mode dorien. Ceci correspond à ce que l’on nomme une marche harmonique. Ici la phrase mélodique a été choisie très simple pour bien illustrer la trans- position.

Ce modèle est techniquement plus lourd à mettre en œuvre que la conversion globale d’un pattern, mais il est conceptuellement similaire.

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Dans les deux cas les trans- positions automatiques de- mandent d’être prudent sur les tessitures. Il faut faire at- tention à ce que l’ambitus des patterns soit compa- tible avec les transpositions prévues ou mettre en place un mécanisme de contrôle et de recadrage de la tessi- ture.

Les patterns harmoniques posent néanmoins des questions sur l’interaction car si la conversion simple de patterns pouvait poser des problèmes de percep- tion à l’audience, celui-ci en posera encore plus. En ef- fet, seule la structure ryth- mique du pattern sera ef- fectivement conservée. L’exemple « Patterns vers classique », dont on voit un extrait, a été généré avec 23 patterns de notes et 7 pat- terns de transpositions. Sur cet exemple dans les mesures 2 et 3 de la première portée, nous avons à l’origine le pattern sui- vant de deux mesures :

Ce pattern de notes est modifié sur ces mesures selon un pattern harmonique qui transpose la deuxième mesure du pattern, mesure 3 sur la partition, au 5ème degré. En mesure 8 et 9 nous re- trouvons ce même pattern transposé de façon différente, selon un pattern harmonique qui com- mence sur le 1er degré, qui au bout d’une blanche transpose vers le 4ème degré, puis au début de la mesure 8 transpose sur le 2ème degré, et dans la deuxième partie de la même mesure transpose sur le 5ème degré. Toute la pièce est explicable selon ce type de procédé.

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3.4 Emuler le style modal

La méthode de transposition modale décrite ci-dessus pour le Jazz est particulièrement bien adap- tée aux structures harmoniques des musiques modales du début du 20ème siècle. En démonstration,

voici une courte pièce pour piano produite avec très peu de moyens : 7 patterns mélodiques, 1 pattern d’accompagnement et 1 pattern de basse. Les patterns font tous 2 mesures. Les trans- positions des patterns de notes vers les modes enchainent de fa- çon séquentielle : Eolien (la), Do- rien (ré), Lydien (fa), Phrygien (mi), Eolien (la) et Locrien (si). Les 7 patterns mélodiques s’en- chainent de façon aléatoire. Nous voyons bien la répétition des mêmes patterns des me- sures 1 et 2 en mesure 3 et 4. Il est facile de suivre la progres- sion modale depuis la ligne de basse qui permet de voir le chan- gement de mode toutes les deux mesures.

La pièce fait ici 20 mesures, mais nous aurions pu naturellement lui donner n’importe quelle lon- gueur et en produire autant de versions que nous le souhaitions.