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3 EVALUATION OPERATIONNELLE DE LA COMPOSITION AVEC PATTERNS

3.1 Emuler une improvisation Jazz

L’émulation d’une improvisation Jazz fait partie des objectifs les plus naturels pour une œuvre à base de patterns. En effet, la notion de « lick » est à notre disposition, elle est proche de nos pat- terns. La différence fondamentale entre un « lick » et un pattern dans notre méthode de composi- tion est le mode de synchronisation. Dans notre cas, si les patterns sont sollicités, aléatoirement ou par une audience, sans contrainte forte sur le temps des horloges, leur exécution pourra être sou- mise à un principe de synchronisation. Nous entendons par synchronisation des patterns un méca- nisme qui contrôle l’instant auquel un pattern commence à être joué après avoir été sollicité aléa- toirement ou sélectionné par une audience. La synchronisation permet de garantir au compositeur

Toute rupture de l’organisation banale suppose un nouveau type d’organisation, laquelle est désordre par rapport à l’organisation précédente, mais ordre par rapport aux paramètres du nouveau discours. (L’œuvre ouverte, U. Eco, p.87)

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que les patterns qu’il a imaginés, sans être combinés de façon prédictible, pourront être en phase. Dans le cas de la musique interactive, nous verrons plus loin que la réalisation de cette mise en phase est définie par le compositeur et qu’elle dépend des choix faits par les membres de l’au- dience. Elle pourra aller de très contraignante, en fixant des intervalles de temps bien précis con- formes aux longueurs des patterns par exemple, ou totalement absente. Cette synchronisation glo- bale est ce qui définit ou non un premier niveau de cohérence de l’œuvre musicale dans notre méthode. C’est ce qui permet au compositeur de s’assurer qu’il ne se produira pas « n’importe quoi » lors de l’exécution de l’œuvre ou au contraire qu’il laisse libre cours aux départs des patterns sélectionnés par l’audience ou par des processus aléatoires. L’activation des « licks » par un musi- cien de Jazz, elle, n’est soumise à aucune contrainte autre que son bon vouloir.

En ce qui concerne l’exemple émulant une improvisation Jazz, nous avons commencé par définir une petite formation composée d’un piano, d’une percussion, d’une basse, d’un saxophone, d’une batterie et d’une guitare. Pour simplifier ce premier travail, nous avons choisi un style Jazz-Rock ou Jazz Fusion. C’est un style qui s’accommode bien d’une grande stabilité harmonique, et donc qui permet dans un premier temps de nous affranchir de la gestion des changements de tonalités, qui sont une question que nous verrons par la suite. Nous avons construit une maquette d’abord uni- quement à l’aide d’Ableton Live (une autre DAW aurait aussi fait l’affaire) dont nous avons l’habi- tude. Pour ceci nous avons construit une sorte de base de données de patterns, tous de la même longueur, soit deux mesures à quatre temps. Pour un tempo de 110, un pattern dure donc 4,36 secondes, pour un tempo de 120 un pattern dure 4 secondes. Le choix de cette longueur est impor- tant. Il fait partie des critères à évaluer en matière de « qualité » de l’interaction et « qualité » mu- sicale. Des patterns courts offrent plus de dynamique dans l’interaction, mais introduisent plus d’in- certitude dans le résultat. Les patterns trop longs peuvent démotiver les participants. Le choix de la longueur des patterns doit aussi tenir compte de la dimension de l’audience prévue pour la per- formance. Des patterns trop courts avec une petite audience, risquent de donner un résultat haché. Les 4 secondes environ que nous avons choisis semblent à propos pour une audience de 20 per- sonnes environ. Nous avons synchronisé les patterns sur leur durée.

Une fois choisie la formation et la longueur des patterns, nous avons cherché à tâtons à partir de combien de patterns la pièce semblait réaliste en introduisant un mécanisme d’enchainement aléa- toire des patterns pour chaque instrument. C’est un processus simple à réaliser avec un automate trivial ou directement dans Ableton Live. Dans le style choisi et avec un tempo de 110, nous sommes arrivés à un résultat qui peut simuler une improvisation avec :

• 8 patterns au piano • 6 patterns à la percussion

• 18 patterns au saxophone et le même nombre à la trompette • 18 patterns à la batterie

• 4 patterns à la guitare • 8 patterns à la basse

Le nombre relativement important de patterns au saxophone et à la trompette s’explique par les rôles de soliste de ces instruments. Le nombre de patterns à la batterie est lié au rôle important de cet instrument en Jazz-Rock et à la volonté de casser le côté mécanique de type boite à rythme auquel on risque d’aboutir avec des clips.

La façon de concevoir les patterns relève de la création musicale au sens habituel du terme. Il s’est agi d’inventer des portions de phrases musicales qui pouvaient s’enchainer dans n’importe quel ordre, ce qui était largement facilité par la stabilité harmonique. Nous avons essayé de ne pas

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donner des structures trop symétriques aux patterns, et d’introduire fréquemment des respira- tions. De façon à illustrer le mécanisme, voici un exemple de combinaison de deux patterns :

donneront

qui pourraient être aussi

Une fois la phase de composition des patterns réalisée, nous avons lancé un processus de sélection aléatoire des patterns. Un résultat de ce processus « d’improvisation » peut être écouté à l’adresse : https://soundcloud.com/user-651713160/grand-loup.