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Emplois normatifs des termes d’adresse selon les situations de

CADRE THÉORIQUE, ÉTAT DE RECHERCHES ET

3.1 Présentation analytique du questionnaire

3.1.6.2 Emplois normatifs des termes d’adresse selon les situations de

communication

Le classement de politesse met en avant les normes d’usage perçues par les enquêtés. Dans cette sous-partie, nous essayons de découvrir ce qu’ils souhaitent connaître comme emplois dans diverses interactions verbales, soit le comportement linguistique vis-à-vis des termes d’adresse de la part des autres, ou bien ce qu’ils voudraient faire croire comme pratique langagière des termes d’adresse féminins. Pour cela, nous leur avons demandé de choisir le(s) terme(s) qu’ils utiliseraient s’ils se trouvent dans un rôle d’un autre personnage imaginaire. Nous commençons par comparer le(s) terme(s) d’adresse qu’ils choisissent respectivement face à une interlocutrice d’une vingtaine d’année et d’une trentaine d’année dans un endroit donné. Ensuite, nous comparerons leur choix dans les différents endroits vis-à-vis des interlocutrices du même type de profil.

Nous établissons les tableaux récapitulatifs des emplois normatifs des termes d’adresse en fonction de milieu de communication comme suivant.

Magasin Bonjour Bonjour madame Bonjour mademoiselle

Cliente 20 ans 55 33 56

Cliente 30 ans 44 96 8

Tableau 23 – 1

Banque Bonjour Bonjour madame Bonjour mademoiselle

Cliente 20 ans 41 50 46

Cliente 30 ans 35 101 5

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143 Selon les statistiques des tableaux 23 – 1et 2, dans un magasin de vêtement, face à une cliente d’une vingtaine d’années, « bonjour » et « bonjour mademoiselle » sont aussi bien accueillis l’un que l’autre, alors que devant une cliente d’une trentaine d’années, « bonjour madame » est largement plus attendu. Dans une banque, c’est « bonjour madame » qui se fait davantage attendre en usage, en particulier devant des clientes d’une trentaine d’années.

Petit bistrot Bonjour Bonjour madame mademoiselle Bonjour jeune fille Bonjour monsieur dame Bonjour Cliente 20 ans seule 63 17 52 6 Cliente 20 ans accompagnée 65 31 34 1 10 Cliente 30 ans seule 51 78 12 Cliente 30 ans accompagnée 50 74 2 10 Tableau 23 – 3

En ce qui concerne le petit bistrot, hormis la tranche d’âge des interlocutrices, nous prenons également en compte si elles se présentent seules ou accompagnées dans l’interaction. Selon les statistiques du tableau 23 – 3, quand ils s’imaginent travailler en tant que serveur dans un petit bistrot, la moitié de nos enquêtés choisissent d’appeler une cliente d’une vingtaine d’année par « bonjour » tout court, qu’elle soit seule ou accompagnée, tandis que plus nombreux de personnes disent « bonjour madame » à une cliente d’une trentaine années, peu importe qu’elle se trouve seule ou accompagnée.

Force est de noter que beaucoup d’enquêtés optent toujours pour « bonjour mademoiselle » face à une cliente d’une vingtaine d’année, surtout lorsqu’elle est venue seule dans le bistrot, et six enquêtés utiliseraient même « bonjour jeune fille ». En revanche, l’appellatif « mademoiselle » devrait s’utiliser moins vis-à-vis des enquêtés d’une trentaine d’années, en particulier pour celles qui sont venues accompagnées.

Quand les clientes de 20 ans sont accompagnées, nous constatons une augmentation de la sollicitation à « bonjour madame » d’un côté, une diminution de l’emploi de « bonjour mademoiselle » d’un autre côté. Enfin, quand la cliente est venue accompagnée d’un homme,

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144 quelle que soit sa tranche d’âge, dix enquêtés penchent vers « bonjour monsieur dame » comme ouverture de conversation.

Grand

restaurant Bonjour Bonjour madame mademoiselle Bonjour jeunes gens Bonjour monsieur dame Bonjour Cliente 20 ans seule 23 58 54 Cliente 20 ans accompagnée 28 69 24 1 13 Cliente 30 ans seule 22 107 9 Cliente 30 ans accompagnée 22 97 2 13 Tableau 23 – 4

Quant au grand restaurant, à premier vue, aucun enquêté n’utiliserait « bonjour jeune fille ». Nous pouvons toujours constatons un recours à « bonjour monsieur dame » lorsque les clientes se trouvent accompagnées d’un homme. Les termes d’adresse « madame » et « mademoiselle » seront aussi bien utilisés l’un que l’autre devant des clientes d’une vingtaine années qui viennent seules. En revanche, une fois accompagnées, elles se font plus appeler par nos enquêtés « madame ». Quand il s’agit de clientes plus âgées, celles d’une trentaine d’années, par exemple, « madame » s’impose dans une grande mesure par rapport à d’autres termes, peu importe qu’elles soient seules ou accompagnées. Autrement dit, le terme « mademoiselle » se montre moins utilisé pour appeler une cliente d’une trentaine d’années dans un grand restaurant chic.

Rue Excusez-moi Excusez-moi madame mademoiselle Excusez-moi Excusez-moi jeune fille

Femme 20 ans 84 17 33 1

Femme 30 ans 74 60 4

Tableau 23 – 5

Enfin, dans la rue, pour demander l’heure, la plupart d’enquêtés interpellent une femme d’une vingtaine d’années par « excusez-moi » (84), une trentaine d’entre eux choisissent de

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145 l’interroger par « excusez-moi mademoiselle », et 17 par « excusez-moi madame ». Quand ils croisent une femme d’une trentaine d’années, les choix penchent plutôt vers « excusez-moi madame » et « excusez-moi » tout court, alors que seulement 4 enquêtés optent pour « excusez-moi mademoiselle ». Force est de noter que « excusez-moi jeune fille » s’utilise très rarement dans les réponses des enquêtés : une seule fois pour appeler une femme si elle a l’air d’une vingtaine d’années.

Nous étudions à présent dans quelles mesures les milieux de communication peuvent influencer les choix de termes d’adresse de nos enquêtés. Pour cela, nous comparons le(s) terme(s) que les interrogés ont choisi(s) respectivement dans les cinq endroits face à une femme d’une vingtaine et d’une trentaine d’années. Compte tenu des particularités de ces endroits ciblés, nous décidons de comparer uniquement les choix effectués à l’égard d’un petit bistrot et un grand restaurant d’un côté, et ceux réalisés vis-à-vis d’un magasin de vêtement, d’une banque et de la rue d’un autre côté.

Les tableaux 23 – 3 et 4 nous dévoilent que « bonjour » tout court s’utilise beaucoup moins dans un grand restaurant que dans un petit bistrot, quel que soit le profil de clientes en face, alors que les emplois des autres termes varient en fonction de milieu de communication. Plus précisément, dans un petit bistrot, face à une cliente d’une vingtaine d’années venue seule ou accompagnée d’un homme, « bonjour » serait toujours le plus utilisé par nos enquêtés s’ils jouent un rôle de serveur, tandis que dans un grand restaurant chic, c’est « bonjour madame » qui s’impose. Quand les enquêtés se trouvent devant une cliente d’une trentaine d’années, ils optent davantage pour l’emploi de « bonjour madame » dans un petit bistrot, peu importe qu’elle soit seule ou accompagnée, ce qui est également le cas pour les interactions déroulées dans un grand restaurant chic.

De nombreux interviewés nous ont expliqué leur penchant vers « bonjour » tout court dans le but d’éviter des éventuels malentendus. Force est de noter que face à de jeunes clientes, « bonjour mademoiselle » serait tout de même plus sollicité que « bonjour madame » dans un petit bistrot familial. Néanmoins, « bonjour » reste le dernier choix de nos enquêtés dans un grand restaurant chic, cela étant du fait que ce terme résonne « léger », selon un des interrogés, et qu’il ne doit pas se dire dans des endroits plus ou moins officiels comme un grand restaurant chic ou une banque.

Les statistiques nous indiquent également que les femmes, avec la présence d’un homme dans un restaurant, auront moins de chance d’être appelées « mademoiselle » que celles qui

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146 sont venues seules. De plus, une dizaine d’enquêtés ont opté pour « bonjour monsieur dame » comme ouvreur de conversation, ce qui montre dans une certaine mesure que la distinction

entre madame et mademoiselle se base a priori sur le statut marital de la désignée et que la

présence d’un homme joue un rôle important dans l’appellation d’une femme. Le technicien de 58 ans nous a expliqué dans une interview à ce sujet : malgré son opinion positive sur

l’emploi de mademoiselle, si une femme est accompagnée d’un homme, il ne l’appellera pas

mademoiselle pour question de respect. Ce changement de comportement linguistique se

trouve également chez l’étudiante de 22 ans en BTS.

Nous comparons enfin les termes que les enquêtés adopteraient respectivement dans un magasin de vêtement, dans une banque ainsi que dans la rue, devant une cliente ou une inconnue de vingt et de trente ans. Dans un magasin de vêtement, « bonjour » et « bonjour mademoiselle » s’appliquent aussi bien l’un que l’autre à une femme d’une vingtaine d’années, alors que dans une banque, les enquêtés optent davantage pour « bonjour madame », même si les nombres de réponses pour « bonjour mademoiselle » et pour « bonjour » ne sont pas pour autant négligeables. Dans la rue, plus de la moitié de nos enquêtés confirment leur emploi éventuel de « excusez-moi » tout court pour interpeller une inconnue d’une vingtaine d’années. Face à des clientes d’une trentaine d’années, les enquêtés utiliseraient majoritairement « bonjour madame », dans un magasin comme dans une banque, tandis que dans la rue, ils gardent toujours un penchant vers l’emploi de « excusez-moi » tout court. Nous pouvons trouver également des explications à ces résultats à partir des témoignages de nos enquêtés et interviewés. Effectivement, selon certains, les termes comme « bonjour » et « excusez-moi » tout court sont plus appropriés pour éviter des malentendus durant des conversations déroulées dans un magasin ou dans la rue. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’une question d’efficacité s’ils choisissent de ne pas utiliser des termes d’adresse dans ces deux endroits où les conversations verbales sont estimées courtes et éphémères, et qu’il n’existe pas de vrai contact avec des interlocutrices. Par exemple, le fonctionnaire de 45 ans nous a dit qu’aux heures de pointe, il emploierait « bonjour » tout simplement pour réagir de façon plus rapide et efficace dans un milieu comme dans la rue ou dans un magasin. En revanche, il a avoué que dans les endroits où sont crées plus d’échanges avec des clients ou bien que l’on s’attend à plus de service, comme un restaurant par exemple, « bonjour madame » ou « bonjour mademoiselle » serait plus approprié à utiliser. Le technicien de 58 ans a pourtant insisté à dire « excusez-moi madame » à une femme dans la rue, puisque selon lui, c’est lui qui va déranger, et par respect, il préfère rajouter « madame » vis-à-vis de son interlocutrice.

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147 Dans des milieux de communication semi-officiels, « bonjour » se dit beaucoup moins, surtout dans une banque où nous devons savoir dans la plupart des cas le statut marital des clientes en face. Ainsi, constatons-nous une adoption de « bonjour madame » et de « bonjour mademoiselle » presque équivalente devant une jeune de moins de trente ans dans une banque. Néanmoins, « bonjour madame » devance largement « bonjour mademoiselle » quand il s’agit de clientes plus âgées. La femme au foyer de 50 ans a constaté que dans des milieux de commerce de haut de gamme, il est obligatoire de pratiquer les appellatifs appropriés, et « bonjour » tout court s’interprète comme un manque de respect et d’attention. Effectivement, comme nous l’a expliqué le professeur de 37 ans, l’utilisation d’appellatifs durant une conversation installe une position par rapport à l’interlocuteur ou l’interlocutrice et crée ainsi un contact, tandis que « bonjour » tout court résonne moins personnalisé et produit ainsi une distance entre les interactants. De plus, selon certains témoins, l’emploi de « madame » se montre plus professionnel que « mademoiselle » dans une banque ou dans un endroit de travail, d’autant plus que suite aux lois de 2012, le personnel administratif a gardé l’habitude d’utiliser uniquement « madame » dans leur vie professionnelle.

Étant donné que « mademoiselle » est considéré comme un terme plus ou moins flatteur pour des femmes, de nombreux interrogés l’adopteraient pour appeler une femme d’une vingtaine d’années s’ils travaillent dans un magasin. Mais face à une cliente de plus de trente ans, ils l’appelleraient plutôt « bonjour madame » tant pour question de respect que pour éviter des malentendus. « Dans une boutique, j’appelle souvent de jeunes vendeuses

mademoiselle », nous l’a-confié le professeur de 40 ans, « mais quand elles ont l’air bien plus

âgé, évidemment, je dis madame ». Pour lui, il dépend de la personne en face. Pour conclure,

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