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Emission harmonique microscopique : modèle semi classique en

1.2 Génération d’harmoniques d’ordre élevé

1.2.1 Emission harmonique microscopique : modèle semi classique en

trois étapes

Le modèle à 3 étapes est basé sur une description semi-classique de l’interaction entre un atome et un champ laser très intense (1993, Corkum [40], Schafer et al. [202]). Nous résumons chacune de ces étapes :

— Le champ électrique appliqué est tel que la barrière de potentiel coulom- bienne est abaissée, permettant à un électron de quitter la région de coeur par effet tunnel.

— L’électron libéré est ensuite accéléré par le champ laser, gagnant de l’énergie cinétique. Lorsque le champ électrique associé au laser change de signe et selon la phase de l’électron à l’instant de l’ionisation, l’électron est rappelé vers l’ion parent.

— L’électron a une probabilité de se recombiner avec l’ion parent. L’excédent d’énergie cinétique accumulé lors de l’accélération dans le continuum est converti en un photon dans l’extrême ultraviolet (XUV).

Ce modèle est semi-classique car l’électron est d’abord traité quantiquement lors de l’étape d’ionisation. Puis, la dynamique de l’électron dans le continuum, gouver- née par le champ laser, est traitée classiquement. On s’intéressera plus précisément à chacune des trois étapes.

Ionisation tunnel

Considérons un électron dans l’état fondamental d’un atome, avec un poten- tiel d’ionisation Ip. Sans excitation extérieure, il est piégé dans le puit de potentiel coulombien attracteur V0(x) = −Ze f f/x (exprimé un unité atomique) où Ze f f est la charge nucléaire effective. Si on soumet l’atome à un champ électrique intense

E = E0cos(w0t)ˆex polarisé linéairement, le potentiel devient :

V(x,t) = V0(x) + xE(t) (1.17)

Lorsque l’énergie du dipôle devient comparable au potentiel coulombien, la bar- rière de potentiel commence à s’abaisser et l’ionisation tunnel peut avoir lieu (voir

−1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 −10 −5 0 1 x(a .u.) E n e rg y(a .u .)

Barrier suppression ionization

Tunne l ioniza tion

Multi−photon ioniza tion

FIGURE1.2 – Différents schémas d’ionisation. La ligne horizontal correspond à l’état

fondamental. Lorsque le champ électrique est négligeable par rapport au potentiel électrostatique, l’ionisation multi-photonique est favorisée (courbe noire en poin- tillés). Lorsque l’éclairement laser augmente, la barrière de potentiel Coulombienne est abaissée, permettant l’ionisation tunnel, comme indiqué sur la courbe rouge. Si on augmente encore l’éclairement laser, la barrière de potentiel est supprimée et on se retrouve dans le cas de l’ionisation au dessus de la barrière (BSI pour Barrier Suppresion Ionization, voir courbe bleue).

Fig. 1.2). Dans ce cas, le paquet d’ondes électronique a une probabilité non nulle de passer par effet tunnel à travers la barrière qui ne pourrait pas être traversée clas- siquement. L’ionisation tunnel dépend de la hauteur et largeur de la barrière et du temps pendant lequel cette barrière est abaissée. En augmentant encore l’intensité du champ électrique, on supprime complètement la barrière de potentiel, libérant complètement l’électron. Ce processus est appelé ionisation au dessus de la bar- rière (Augst et al. [8]). Pour caractériser cette limite, on définit un éclairement de suppression de barrière IBS =E2BSc/(8π) en calculant la position z0pour laquelle le potentiel passe par un maximum. Cette position est donnée en résolvant V′

(x0) =0, on trouve alors x0= √ Ze f f EBS. Dans ce cas, V(x0) = −Ip= −2 √ EBS Ze f f et on peut détermi-

ner l’éclairement de suppression de barrière :

EBS= Ip2 4Ze f f , IBS = I4p 128πZ2 e f f , IBS[W/cm2] =4 × 109 I4p[eV] Z2 e f f . (1.18)

On trouvera les éclairements de suppression de barrière pour quelques atomes et molécules dans le tableau 1.1, en prenant Ze f f = 1. Les valeurs calculées per- mettent d’estimer les éclairements nécessaires pour la GHOE. On note que plus Ip est important, plus l’éclairement de suppression est élevé. Cela veut dire qu’il faut un éclairement laser élevé pour la GHOE, en particulier lorsqu’on veut générer dans l’Hélium ou le Néon.

Gaz I p(eV) ISB(1014W/cm2) He 24.58 14.62 Ne 21.56 8.65 Ar 15.76 2.47 Kr 14.00 1.54 Xe 12.13 0.87 N2 15.58 2.36

TABLE1.1 – Potentiel d’ionisation et éclairement de suppression de barrière pour différents gaz.

Cette image quasi-statique doit être complétée par un aspect dynamique asso- cié au cas d’un champ laser oscillant, car l’ionisation tunnel dépend aussi du temps pendant lequel la barrière est abaissée. Pour rendre compte de cette dynamique, on utilise le paramètre de Keldysh [111], permettant de déterminer le régime d’ionisa- tion dans lequel le système se trouve, dont l’expression est donnée par :

γ = ¿ Á Á À Ip 2Up =ω0 √ 2Ip I = Ttunnel T0 (1.19)

où I = E2c/8π est l’éclairement laser, Ttunnel = Ip

E√2Ip est le temps que l’électron

met pour passer par effet tunnel à travers la barrière et T0 = 2π/ω0 correspond à la période du champ. Up est le potentiel pondéromoteur, c’est– à –dire l’énergie cinétique moyenne acquise par un électron initialement au repos et oscillant dans un champ électromagnétique, défini par :

Up=E2/02(u.a) (Up=e2E2/4meω20en unité S.I) (1.20) Up[eV] = 9.33I[1014W/cm2]λ2[µm2] (1.21)

e étant la charge de l’électron, mesa masse. Le paramètre γ correspond au rap- port entre le temps de tunneling et la période de l’oscillation. Quand γ << 1, l’ioni- sation tunnel est prédominante ; ceci correspond au cas où le laser est suffisamment intense par rapport à IBS. Dans le cas inverse où γ >> 1, on se trouve dans un ré- gime d’ionisation multiphotonique. Dans le cadre de la GHOE, des sources lasers à 800nm avec des éclairements de l’ordre de 1014W/cm2sont généralement utilisées, correspondant à une valeur de γ ≤ 1, soit au régime d’ionisation tunnel.

Accélération

Après le processus d’ionisation tunnel, l’électron se retrouve dans le continuum, accéléré par le champ laser qui est polarisé linéairement. La dynamique de l’élec- tron peut être étudiée classiquement en négligeant le potentiel d’interaction V0(x). L’équation du mouvement s’écrit alors :

m¨x = −eE0cos (w0t) (1.22) En intégrant cette équation par rapport au temps et en considérant que la "nais- sance" de l’électron dans le continuum se produit au temps titel que x(ti) =0 (x = 0 correspond à la position de l’atome, par souci de simplicité) et v(ti) =0 (l’électron a une vitesse nulle après l’ionisation), on peut suivre sa vitesse et sa trajectoire, don- nées respectivement par les équations 1.23 et 1.24.

vx= eE0 0 [sin (w0t) − sin (w0ti)] (1.23) x = eE0 2 0 [cos (w0t) − cos (w0ti)] − eE0 0 sin (w0ti)(t − ti) (1.24)

À partir de l’équation 1.24, on obtient les trajectoires de l’électron correspon- dant à différents temps d’ionisation, comme cela est montré sur la Figure 1.3. Pour les temps d’ionisations tels que w0ti ∈ [0, π/2] et [π, 3π/2], l’électron suit une trajec- toire fermée et repasse par l’origine. Pour w0ti∈ [π/2, π] et [3π/2, 2π], l’électron dé- rive et ne revient pas vers l’ion parent. On peut aussi noter que certaines trajectoires rendent possibles plusieurs recombinaisons à l’origine. Cependant, l’élargissement du paquet d’ondes électronique est tel que la probabilité de recombinaison diminue drastiquement avec le temps. De plus, les effets macroscopiques et notamment l’ac- cord de phase viennent diminuer la contribution de ces trajectoires électroniques : dans la suite, on ne considérera que la première recollision.

0 0.5 1 1.5 −200 −100 0 100 200 Trajectoire élec

tronique, x (unité at.)

Temps (unité de cycle optique)

Champ

électrique

FIGURE 1.3 – Trajectoires électroniques après ionisation calculées pour différents

temps d’ionisation. Le champ laser (courbe rouge en pointillés) a une longueur d’onde de 800nm et une intensité de 2.5 × 1014W/cm2.

Recombinaison

La dernière étape consiste en la recombinaison "radiative" de l’électron avec l’ion parent, convertissant l’énergie cinétique Ec du paquet d’ondes électronique en un photon de haute énergie ¯hω = Ip+Ec(photon unique dans un état quantique "large bande"). À la recombinaison, on associe un temps de recombinaison tr, ob- tenu en fonction du temps d’ionisation ti en résolvant l’équation x(t) = 0 à partir de l’équation 1.24. Ce temps de recombinaison tr permet de remonter à l’énergie Ec =mv(tr)2/2. La Figure 1.4 permet d’observer l’évolution de Ec en fonction du temps, pour différents couples (ti,tr). Cette courbe permet d’extraire l’énergie maxi- male qu’un électron, et donc un photon peut avoir :

(¯hω)max=Ip+3.17Up (1.25)

Cette loi dite de "coupure" a d’abord été déterminée empiriquement par Krause et al. [117]. L’expression 1.25 de l’énergie maximale, aussi appelé énergie de cou- pure, indique que l’étendue du spectre GHOE dépend du milieu (Ip) mais aussi de l’éclairement et de la longueur d’onde du laser via Up ∝ 2. En augmentant l’éclairement, on décale la position de la coupure ; cependant, on est rapidement limité par l’éclairement Isatde saturation de l’ionisation du milieu. On privilégiera alors l’augmentation de la longueur d’onde vers le moyen InfraRouge (midIR), of- frant plus de flexibilité et dont l’efficacité a déjà été montrée (Popmintchev et al. [181]) en utilisant une source laser à 3.9µm permettant de décaler la position de la coupure jusqu’à 1.6keV. Cependant, cette augmentation de la largeur du spectre s’accompagne d’une diminution de l’efficacité de génération. En augmentant la lon- gueur d’onde, on augmente le temps que passe l’électron dans le continuum. Le paquet d’ondes associé va donc s’étaler spatialement, diminuant ainsi l’efficacité de recombinaison. La dépendance en λ de l’efficacité de génération n’est pas encore totalement caractérisée, mais les différentes simulations/expériences indiquent une évolution en λ−(5−9) (Shan and Chang [209],Tate et al. [226],Popmintchev et al. [179],Shiner et al. [211]). En optimisant l’accord de phase, il est possible de tendre vers une dépendance en λ−2

(Popmintchev et al. [180]).

La Figure 1.4 permet d’observer qu’il existe deux couples (ti,tr) correspondant à deux trajectoires différentes amenant à la même énergie cinétique. Ces trajectoires sont appelées, respectivement, trajectoire courte et trajectoire longue. La première correspond à des temps de propagation courts dans le continuum, qui augmente avec l’ordre harmonique. La seconde correspond au cas où l’électron est ionisé près du maximum du champ électrique et a un temps de propagation qui diminue avec l’ordre harmonique.

On comprend alors que les différents photons harmoniques sont émis à des ins- tants différents. Dans le plateau, l’instant de recombinaison et donc d’émission, varie linéairement avec l’énergie (le signe de la pente dépend du type de trajec- toire). Cela correspond à une dispersion de la vitesse de groupe constante (GDD-

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 Energieo(unitéodeoUp) Tempso(Cycleooptique) tempsodeorecombinaison Trajectoireolongue Coupure Trajectoireocourte tempsod'ionisation

FIGURE1.4 – Calcul des temps d’ionisation et de recombinaison à l’aide du modèle

semi-classique en fonction de l’énergie de recollision. Simulation effectuée en consi- dérant un laser à 800nm avec un éclairement I = 2.5 × 1014W/cm2. Deux exemples de trajectoires courte(rouge) et longue (bleu) sont donnés. La position de la coupure est donnée par la courbe en pointillé grise.

Group Delay Dispersion), ou dérive de fréquence dans le domaine temporel. Les trajectoires courtes ont une dérive de fréquence positive tandis que les trajectoires longues ont une dérive de fréquence négative. De ce fait, le train d’impulsion atto- seconde associé (même restreint à une seule famille de trajectoires) n’est pas limité par Transformée de Fourier.

Finalement, d’après le modèle en 3 étapes, le processus de recollision et l’émis- sion attoseconde se répètent à chaque demi–période du laser de génération. Dans le domaine temporel, l’émission forme un train d’impulsions attoseconde avec une enveloppe femtoseconde. Dans le domaine spectral, elle correspond à un peigne de fréquences composé d’harmoniques impaires de la fréquence du laser générateur.