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C.14. Composant d’observation et évaluation

C.14.4. Emergence d’un espace géographique

En plus de l’alerte déclenchée pour une éventuelle interruption anticipée, l’observation de la généralisation peut déclencher une alerte d’émergence quand le composant soupçonne l’émergence d’une zone de conflits non résolus. Le composant crée alors un sous espace géographique émergent à partir de cette zone de conflits.

Définition

L’émergence est un concept issu de l’informatique et très courant en SMA qui est en rapport avec l’observation de phénomènes collectifs non prévus (Duchêne et Touya, 2010). Nous retenons de (Forrest, 1991 ; Beni et Hackwood, 1992 ; Drogoul, 1993 ; Bonabeau et al, 1995 ; 1995b ; Jean, 1997 ; Servat et al, 1998 ; Müller, 2004) définissant l’émergence dans différents contextes les points suivants :

− L’émergence est liée à la présence d’au moins deux niveaux d’entités : celui des entités interagissant (causes de l’émergence) et celui, de plus haut niveau du phénomène émergent. Pour nous il s’agit du niveau des objets géographiques et du niveau des sous-espaces nécessitant une généralisation par un processus différent.

− L’émergence est liée à la présence d’un observateur pouvant identifier le phénomène émergent, donc d’un point de vue. Pour nous le point de vue est celui de l’observation d’un processus de généralisation par le composant d’observation de CollaGen.

− L’émergence est liée à l’apparition de phénomènes ayant une certaine stabilité dans le temps – la notion d’émergence ne concerne d’ailleurs que les systèmes évoluant dans le temps.

Dans notre cas, les différentes étapes et déformations nécessaires à la généralisation finale peuvent être vues comme une évolution du système dans le temps, et les conflits qui nous intéressent sont ceux qui perdurent sans pouvoir être résolus.

− L’émergence révèle un changement dans le comportement global d’un système. Dans notre cas, il s’agit d’une partie des données que le processus de généralisation n’arrive pas à traiter correctement.

Mécanisme d’alerte

Durant l’observation, une alerte est déclenchée pour que le composant d’observation arrête la généralisation et se mette à détecter un espace géographique émergent. Le système d’alerte est basé sur l’analyse de la répartition spatiale des moniteurs de l’échantillon en conflit persistant. Nous considérons ici comme moniteur en conflit persistant un moniteur dont l’objet rattaché a déjà été traité par le processus de généralisation (mais pas forcément modifié), dont la satisfaction est faible et n’a pas augmenté ou dont la satisfaction a diminué de manière notable (ce que nous avons fixé à deux niveaux dans notre échelle des satisfactions). La Figure C-67 montre des exemples de moniteurs dont certains en conflit persistant et d’autres non : le moniteur de maintien de la position initiale est par exemple en conflit persistant car sa satisfaction baisse fortement et le moniteur de proximité entre bâtiment et route n’est pas en conflit persistant malgré sa mauvaise satisfaction stationnaire, car ni la route ni le bâtiment concernés n’ont été traités par la généralisation.

Figure C-67. Détermination des moniteurs en conflit persistant lors d’une observation.

Une fois les moniteurs de l’échantillon en conflit persistant identifiés, leur répartition spatiale est analysée pour déterminer s’il existe des groupes de moniteurs en conflit proches. Pour cela, comme pour la détermination de proximités spatiales entre bâtiments dans (Ruas, 1998 ; Harrie, 1999 ; Burghardt et Cecconi, 2007), nous utilisons une triangulation de Delaunay entre les géométries des moniteurs. La détection de ces groupes se fait en deux temps : le composant réalise une

triangulation entre les moniteurs en conflit, puis élimine les arêtes de la triangulation dont la longueur est supérieure à un seuil (Figure C-68). Les moniteurs en conflit encore reliés par des arêtes de la triangulation forment des groupes de moniteurs, points de départ des espaces émergents.

Figure C-68. Analyse de la répartition spatiale des moniteurs en conflits pour localiser des espaces émergents

en deux étapes : le composant triangule les moniteurs en conflits puis enlève les arêtes dont la longueur est supérieure à un seuil. Un seul groupe de moniteurs est obtenu dans cet exemple.

Mécanisme de détection de l’émergence

Si des groupes de conflits proches sont détectés à l’étape précédente, le composant met la généralisation en pause pour tenter d’identifier des espaces émergents à partir de ces groupes. Le composant commence par filtrer les groupes en fonction de leur taille : il élimine les petits qui ne sont pas significatifs. Pour cela, il utilise le nombre d’arêtes de triangulation du groupe plutôt que le nombre de moniteurs, car, par exemple, trois moniteurs peuvent être groupés par deux arêtes ou trois ce qui est synonyme de plus de proximité entre les conflits. Jusqu’à présent, le raisonnement est uniquement basé sur les moniteurs de l’échantillon représentatif, donc, le composant élargit ensuite le groupe à l’ensemble des moniteurs en conflit contenus dans l’enveloppe convexe du groupe légèrement dilatée. Nous obtenons alors la vision orientée moniteurs de l’espace émergent. Pour obtenir l’étendue définitive de l’espace émergent, nous basculons vers une vision orientée objets géographiques en récupérant l’ensemble des objets attachés aux moniteurs du groupe de conflits. Par exemple, si un moniteur correspond à une contrainte de proximité entre un bâtiment et une route, le composant ajoute ces deux objets au groupe. Il calcule ensuite le contour de l’espace émergent formé par ces objets en prenant une enveloppe concave de l’ensemble d’objets calculée par la méthode du « bras ballant » (Galton et Duckham, 2006). Puis cette enveloppe est dilatée pour laisser la place aux objets d’être généralisés par un autre processus. Ce mécanisme est illustré dans la Figure C-69. Une fois que l’espace émergent a été construit, il est aussitôt généralisé comme un autre espace (si ce n’est qu’aucune détection d’espaces émergents dans cet espace ne sera réalisée) en consultant le registre, puis le processus choisi est paramétré par le traducteur et la généralisation est exécutée et évaluée.

Figure C-69. Mécanisme de détection des espaces émergents : le composant filtre les petits groupes, récupère

les objets concernés puis construit l’enveloppe concave et enfin dilate l’enveloppe. L’étape de récupération de l’ensemble des moniteurs est éludée.

Paramètres

Le composant d’observation peut détecter plus ou moins d’espaces émergents si l’on fait varier les trois paramètres de la méthode : le choix des moniteurs en conflit, le seuil de longueur des arêtes et le nombre minimum d’arêtes pour conserver un groupe de moniteurs. Des valeurs empiriques ont été déterminées pour obtenir des résultats équilibrés, et ces valeurs sont évaluées dans la partie E.5, en les comparant avec d’autres valeurs pour ces trois paramètres. Il faut porter une attention particulière aux deux paramètres qui conditionnent l’arrêt du processus de généralisation en vue de l’émergence : la méthode de choix des moniteurs en conflit et la longueur minimum d’arête de triangulation. En effet, arrêter le processus rapidement (avec des paramètres permettant facilement la formation de groupes) permet de corriger les conflits qui gênent le bon déroulement du processus, soit parce que celui-ci essaie de les corriger sans espoir, soit parce que leur présence brouille les prises de décisions sur les objets voisins. Mais en arrêtant trop tôt, le système s’expose à l’émergence d’espaces trop petits qui ne permettent pas de résoudre correctement l’ensemble des conflits.

Comparaison avec CartACom

Parmi les modèles de généralisation dont nous avons connaissance, seul CartACom propose un mécanisme équivalent d’émergence de zones de conflits destinées à être généralisées autrement (Duchêne et Touya, 2010). Il y a deux différences notoires avec la méthode du modèle CartACom. Premièrement, dans CartACom, la détection des objets concernés par le groupe émergent n’est pas limitée à l’analyse des proximités entre conflits persistants mais utilise avantageusement l’analyse des communications entre les agents (CartACom fonctionne par communications transversales entre agents micros) : les agents ayant communiqué avec les agents en conflit sont inclus car ils ont pris part à la mauvaise décision de généralisation. Deuxièmement, l’émergence de groupes est directement guidée par l’opération de groupe (déplacement, élimination, typification etc.) candidate à une application. Dans CartACom, les groupes destinés à une élimination et ceux destinés à une typification ne sont pas construits de la même manière. Comme pour le mécanisme d’observation,

notre méthode de détection de l’émergence est moins précise que dans CartACom mais plus générique car elle peut fonctionner en observant n’importe quel processus de généralisation.

En résumé, le composant d’observation stoppe la généralisation quand il observe des ensembles de moniteurs de contrainte en conflit, regroupés par proximité par un graphe de Delaunay. Les espaces émergents sont alors construits à partir des plus importants de ces groupes en englobant tous les objets concernés par les moniteurs de contrainte. Trois paramètres permettent de détecter plus ou moins d’espaces émergents. Il convient de bien les régler afin de ne pas arrêter inutilement et trop fréquemment le processus.