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B.4. Un nouvel espace de travail : les espaces géographiques

B.4.1. Définitions

De manière pragmatique par rapport au contexte de la généralisation collaborative, nous définissons un espace géographique comme une partie finie des données géographiques, dans l’espace euclidien de la représentation cartographique et/ou dans l’espace des thèmes de la carte, qui est pertinente pour l’application d’un processus automatique de généralisation. Avant de préciser notre définition, nous allons faire le lien entre notre vision pragmatique des espaces géographiques et les différentes définitions données par des géographes.

Comment définir l’espace géographique

Nous présentons d’abord le point de vue des géographes sur l’espace géographique. Selon (Braud et al, 1997) la définition de l’espace géographique fait débat parmi les géographes mais on peut le résumer à « un espace aménagé, modelé, ‘produit’ par les sociétés, par leurs activités mais aussi par le milieu naturel et les héritages historiques. ». L’espace peut être représenté (Braud et al, 1997) ce qui correspond à notre cadre de travail où la représentation est celle de la base de données initiale utilisée pour la généralisation.

(Brunet et al, 1993, p. 194) définit l'espace géographique de la manière suivante : "l'étendue terrestre utilisée et aménagée par les sociétés en vue de leur production : non seulement pour se nourrir et s'abriter, mais dans toute la complexité des actes sociaux. Il comprend l'ensemble des lieux et leurs relations. (...) L'espace géographique ne se limite donc pas à la distribution du visible, encore moins des seuls éléments auxquels on le réduit parfois : des accidents topographiques, des frontières et des villes ; mais, il inclut cela." Il s'agit d'une définition générale de l'espace géographique dans l'absolu soit de l'objet d'étude de la géographie.

(Cauvin, 1984, p.184) distingue trois types d'espaces géographiques :

"L'espace physique : c'est l'espace concret, celui que l'on peut toujours mesurer d'une manière identique, quel que soit le lieu ou le moment considéré..."

"Les espaces fonctionnels : ils constituent la deuxième grande famille d'espaces et correspondent à ceux que l'homme utilise, où l'homme vit. Il s'agit des espaces où les relations sont évaluées en termes de temps, de coûts..."

"Les espaces cognitifs : les espaces cognitifs sont des espaces "obtenus", "construits", après modifications, transformations par nos filtres personnels et culturels, des espaces physiques et fonctionnels. Ces espaces diffèrent pour chacun de nous. Ils ne sont pas homogènes..."

Cette définition fait apparaître que s'il existe un seul espace physique, plusieurs espaces fonctionnels et cognitifs peuvent cohabiter sur un même espace physique.

(Pumain et Saint-Julien, 1997) envisage l'espace géographique de deux manières différentes :

" Soit comme un simple contenant, repère immuable dans lequel on situe les objets et analyse leurs relations : c’est l’espace support, ou espace absolu, il est isotrope et homogène, c’est-à-dire qu’il a les mêmes propriétés dans toutes les directions."

" Soit comme un ensemble de relations dont les propriétés, variables dans le temps et dans l’espace, sont définies par la nature et la forme des interactions entre les objets et les unités spatiales : c’est l’espace relatif ou espace produit."

Enfin, (Boffet, 2001, p.20) écrit "La description de l’espace géographique ne se limite pas à l’analyse de l’espace physique ou espace support. Il faut également considérer l’espace relatif ou fonctionnel vécu par les sociétés ainsi que l’espace cognitif perçu plus ou moins consciemment."

Ces définitions de géographes montrent que les espaces géographiques de la généralisation collaborative peuvent être vus comme des espaces par les géographes : ils sont des parties de l’espace support représenté possédant généralement une identité physique et/ou fonctionnelle (comme les espaces urbains ou les espaces de montagne) ou au moins une identité cognitive relative au processus de généralisation.

Le concept d’espace de travail en généralisation

La notion d’espace de travail a toujours été un problème identifié par les chercheurs en généralisation cartographique : sur quels objets, groupes d’objets ou parties d’objets faut-il appliquer un traitement de généralisation pour être vraiment efficace ? Ainsi, (Shea et McMaster, 1989) pose le problème de la surface unitaire sur laquelle on doit analyser les conflits et chercher un algorithme. (Buttenfield, 1991) a ensuite proposé d’adapter l’espace de travail en fonction de ses caractéristiques dans le cas de la généralisation d’une ligne. En allant un peu plus loin, (Ruas et Plazanet, 1996) suggère d’adapter localement à chaque situation l’espace de travail au cours de la généralisation. Cette approche est mise en œuvre dans (Mustière, 1998) qui propose un processus de généralisation des routes qui commence par découper les routes en parties représentant des espaces de travail adaptés aux algorithmes du processus.

Notre définition de l’espace géographique est donc une extension naturelle de la question de l’espace de travail en généralisation : les espaces géographiques sont des espaces de travail adaptés aux processus de généralisation automatiques. Il s’agit d’un découpage par le but et non a priori.

Les espaces géographiques dans la généralisation collaborative

Nous distinguons trois types d’espaces géographiques dans le cadre de la généralisation collaborative :

− Les espaces territoriaux : ils sont délimités par une frontière et contiennent tous les objets situés à l’intérieur des limites. Les zones urbaines, périurbaines (Figure B-14a), rurales ou côtières sont des exemples d’espaces territoriaux.

− Les espaces thématiques : ils sont délimités par un ou plusieurs types de données et contiennent tous les objets de ce type dans la base de données comme une couche de données dans un SIG (Denègre et Salgé, 1996). Le réseau routier, la couche de végétation (Figure B-14b) ou l’occupation du sol sont des exemples d’espaces thématiques.

− Les espaces mixtes : ils sont à la fois thématiques et territoriaux. Les routes de montagne (Figure B-14c) ou les bâtiments urbains sont des exemples d’espaces mixtes.

Figure B-14. (a) des espaces urbains (en orange) et périurbains (en rose) délimités à partir des bâtiments (en

Il est important de noter qu’une telle définition des espaces géographiques fait qu’ils ne forment pas une partition de l’espace. Les espaces territoriaux peuvent se recouvrir comme une zone de montagne et une zone rurale et les espaces thématiques recouvrent tout ou partie des espaces territoriaux. Plus particulièrement, les réseaux traversent les espaces territoriaux et les délimitent parfois car ils structurent souvent un territoire.

Nous proposons aussi de classer les espaces géographiques selon la raison de leur création au cours du processus de généralisation collaborative, ce qui traduit leur rôle :

− Espace clé : il s’agit d’un espace qui est considéré comme pertinent quelques soient les processus disponibles car son identité géographique est différente des autres. L’espace clé doit donc être généralisé par un processus qui peut gérer cette identité de manière efficace (en traitant les conflits particuliers tout en maintenant la différence avec l’extérieur). Il apparaît alors comme un candidat idéal à la généralisation collaborative. Par exemple, les espaces urbains, ruraux et de montagne sont considérés comme clé dans le contexte de la généralisation de cartes topographiques. En effet, ils présentent une identité très différente qui implique des traitements différents et donc éventuellement l’application de processus différents. La liste des espaces clés fait partie des connaissances formelles de généralisation qui sont des ressources de la généralisation collaborative d’après la partie précédente (B.3). − Espace facilitateur : il s’agit d’un espace utile pour optimiser l’utilisation d’un processus

disponible donné. Si le processus est très décrit comme très efficace sur ce type d’espace donc l’espace est intégré à la généralisation collaborative pour utiliser au mieux ce processus. Par exemple, si le processus pas à pas par filtrage collaboratif (Burghardt et Neun, 2006) est disponible, l’expérience montre qu’il est très efficace sur les espaces à structures assez répétitives (dans lesquels on retrouve les mêmes structures urbaines) donc les espaces de lotissements résidentiels répétitifs sont considérés comme un espace facilitateur. L’occupation du sol est un autre exemple d’espace facilitateur car il va être considéré seulement quand un processus adapté comme celui de (Haunert, 2007a) est disponible. − Espace spécifié : il s’agit d’un espace utile pour prendre en compte certaines des

spécifications de la carte. On verra dans la partie C.5 que les spécifications peuvent n’être définies que sur un territoire particulier que l’on ramène à un espace géographique dans notre cas. Si de telles spécifications existent, la création des espaces requis est indispensable à la prise en compte de ces spécifications. Par exemple, certaines cartes contiennent des spécifications spéciales en zone côtière permettant de mieux maintenir des éléments pouvant servir de repères sur la côte. Si de telles spécifications sont utilisées dans la généralisation collaborative, les espaces côtiers sont considérés comme espaces spécifiés. − Espace émergent : il s’agit d’un sous-espace créé lorsque le composant d’observation

identifie un groupe de conflits qui ne peut pas être résolu par le processus en cours ou de manière générale au cours de la généralisation (entre deux processus) (Figure B-15).

Figure B-15. Exemple d’espace émergent dans CartACom suite à l’observation d’un groupe de conflit.

Il faut noter que cette classification est floue. Si l’on prend l’exemple des graphes de flexibilité (Lemarié, 2003) qui sont des espaces de type mixte au sens de notre première classification (sous-graphes des réseaux routier et hydrographique), ils peuvent d’abord être considérés comme des espaces facilitateurs reliés au processus des « Beams » (Bader et al, 2005) car ils sont conçus pour amortir au mieux les déformations générées par ce processus. Mais ils pourraient être considérés comme clés si on suppose que quelques soient les processus disponibles, on aura besoin de résoudre les conflits de superposition entre éléments des réseaux routier et hydrographique en les amortissant. Ils pourraient alors être traités par un autre processus que les Beams si ceux-ci ne sont pas disponibles. Le choix de la classification en espace clé doit alors répondre à la question suivante : est-ce que je souhaite vraiment utiliser cet espace quels que soient les espaces disponibles et cet espace possède-t-il une identité géographique propre ? Pour les espaces urbains, la réponse sera plutôt oui, pour les graphes de flexibilité, elle serait plutôt non ce qui explique nous les classifions comme espace facilitateur. L’intérêt d’introduire cette classification est de permettre au système collaboratif de déterminer quels espaces géographiques il doit utiliser lors de la généralisation d’une carte.

En résumé, les espaces géographiques sont des portions de la base de données initiale, délimitées spatialement et/ou thématiquement, qui peuvent être des zones d’application adéquates d’un ou plusieurs processus de généralisation.