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C. Eloge du délaissé urbain

Les traumatismes vécus par la ville de Berlin ont laissé des traces, visibles et invisibles. Nous verrons dans quelle mesure le Mur en tant que frontière physique, symbolique, temporelle, dans sa présence comme dans son absence a créé une succession d’interstices dans la ville, et comment ces interstices interviennent dans la vie urbaine. Il est im- portant de noter ici que de nombreuses villes ont été divisées par des murs et certaines le sont encore aujourd’hui ; le cas de Berlin est très spécifique. Nous parlons ici de conséquences urbaines « positives » à cette tragédie qu’est la construction d’un mur fracturant une ville et ses habitants, dans une étude spécifique à la capitale allemande et non de manière systématique. Nous tenterons de mieux comprendre ce qui fait le délaissé urbain et ce qu’il apporte à la ville. Nous questionnerons enfin la fragilité de ces espaces et la difficulté que l’on peut trouver à les rendre durables sans les déformer.

« Le vide est tout puissant parce qu’il peut tout contenir. Dans le vide seul, le mouvement devient possible. » Lao Tse (Vème siècle av. J-C)

a. Le Mur comme interstice spatial et temporel

« En bordure du Mur, c’était un lieu romantique, mélancolique, un espace de solitude et de désolation, propice aux rencontres les plus hasardeuses et les plus loufoques, un peu hors du temps » R. Robin (Berlin Chantiers, 2001) La Spree a constitué en certains endroits une barrière naturelle de séparation entre est et ouest pendant les vingt-huit années durant lesquelles la ville a été coupée en deux par le Mur. Les traces de cette séparation sont encore visibles dans l’espace : on peut suivre, le long du fleuve, le tracé emprunté par la ligne de démarcation. Le Mur de Berlin n’était pas qu’une simple paroi de béton. Le double mur haut de 3,6 m était renforcé de barbelés, jalonné de postes- frontière, et doublé d’un coté et de l’autre du mur d’une zone de No man’s land, la « Todesstreifen » ( « zone de mort »), une bande de terrain sécuritaire, dont la largeur allait de 5m à plusieurs centines de mètres. Sur la partie est, ce terrain était interdit à la population et objet d’une surveillance militaire drastique (entre 1961 et 1988, plus de 100.000 citoyens de RDA ont tenté de passer à l’ouest, autour du seul mur de Berlin, on dénombre 136 personnes ayant ont trouvé la mort en essayant de fuir la RDA). A l’ouest cette frange de terre, d’abord vide, est devenue petit à petit le lieu d’appropriations spontanées, et par essence temporaires : des populations nomades y ont monté leurs campements, des artistes ont investit les lieux, le mur s’est peu à peu couvert de graffitis et de tags, des lieux de sociabilité alternatifs ont vu le jour.

Le 9 novembre 1989, de manière inattendue, le Mur tombe. Cet évènement libère des espaces de configura- tions extrêmement variées. Dans un premier temps à l’est l’espace libre (façade vierge du mur, logements vides, ter- rains vagues) sont pris d’assaut par les berlinois de l’est et de l’ouest pour toutes sortes de projets alternatifs. Dans un deuxième temps, aussi bien Friedrichshain que Kreuzberg, se retrouvant au centre d’une ville réunifiée, font l’objet d’un « nettoyage » dirigé par les autorités et de projets de développement urbain multiples, ne laissant plus d’autres choix aux projets alternatifs que de se consolider en entrant dans la légalité, ou de disparaître totalement.

A bien des endroits sur la « ligne », les immeubles murés qui assuraient la continuité de la frontière sont rénovés et certaines parcelles vides reconstruites sous l’impulsion notamment du plan Stimmann (1993), qui voulait redonner à Berlin son visage d’avant les bombardements. Les traces de son existence disparaissent rapidement, restaurant une re- lative continuité urbaine. La ville retisse peu à peu sa continuité sur la trame du plan d’avant-guerre. Les rues organisent toujours les îlots, qu’ils soient construits ou non. Leur tracé préexistant a permis de raccorder aisément les parties est et

1 Références pour ce chapitre: • Bouchain (Patrick), Construire autrement, comment faire ?, Paris, Actes Sud, 2006 • Hatzfeld (Hélène), Hatzfeld (Marc). Ringart (Nadja), Quand la marge est créatrice, les interstices urbains initiateurs d’emploi, Gémenos, Editions de l’aube, 1998, 160 p.• Jacob (Kai), Street art in Berlin, Berlin, Jaron Verlag GmbH, 2009, 192 p. • Roulleau Berger (Laurence), «La production d’espaces intermédiaires», Hermès, Cognition, Communication, Politique, Economie solidaire et démocratie, n° 36, deuxième trimestre 2003• Goraguer (Albane), Le graffiti, ou l’art d’ex- périmenter la ville, Nantes, T.P.F.E., 2009 • Helene (Hugo), Autocatalyse urbaine, un processus d’action(s), Nantes, T.P.F.E, 2006 • http://koepi137.net/ [consulté le 30 janvier 2010]• http://www.alternativeberlin.com [consulté le 10 férier 2010]

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ouest. Pourtant lorsqu’on longe les sites de l’ancien mur, on s’aperçoit qu’à proximité, il reste encore beaucoup d’espaces inoccupés, de terrains vagues sablonneux où la nature reprends ses droits, de bâtiments squattés et de friches indus- trielles. Par ses difficultés financières et la faiblesse persistante de la demande immobilière, Berlin garde cette image de ville trop grande pour elle-même. On retrouve les ambiances de terrains vagues que filme Wim Wenders dans Le Ailes du désir (1987) ; si les lieux filmés ont bien changé depuis le tournage, il demeure cette sensation de la possibilité de formes de vie urbaine imprévue. L’espace constitue une ressource disponible pour accueillir des activités spontanées qui répondent aux réels besoins des habitants : manifestations culturelles, sportives ou récréatives… L’initiative demeure réalisable au cœur de la ville, dans un rapport de proximité.

Le slogan « Pauvre, mais sexy » colle à l’image de la capitale allemande. La somme de 1.7 million de mètres car- rés de bureaux vides et 100 hectares de friches urbaines inutilisées font face à un taux de chômage de presque 19%. Les caisses de la capitale allemande étant vides, l’entretien des aires et des bâtiments publics est limité au strict minimum, les terrains et les édifices publics excédentaires sont, si possible, cédés. Des lieux indéfinis fleurissent, à l’ombre de l’in- térêt général. Ils ne sont pas planifiés. Dans leur indétermination, ils se révèlent être l’antithèse de l’idéal constructiviste des modernes classiques qui cherchent à éliminer les conflits, les troubles et les imprévus de la vie citadine au moyen d’une différentiation fonctionnelle. Les lieux indéterminés se trouvent dans des phases de transition. Après la chute du Mur, les anciennes structures fonctionnelles se délitent, et les nouvelles n’ont pas encore vu le jour. Entre-temps, sub- sistent des espaces ouverts, parfois vides. Ce type de lieux ont leur propre vie et une fin incertaine, parce que le vide instauré ne se comble pas comme prévu, ou que, créant sa propre dynamique, le lieu devient un aimant attirant des usages qu’on ne pouvait ni prévoir, ni contrôler.

Les délaissés urbains résultent d’un processus complexe, dans lequel des temporalités et des logiques multiples interagissent. Ils résultent notamment des processus de désindustrialisation et de délocalisation. Ils font aussi partie in- tégrante de certaines stratégies spéculatives : beaucoup de bâtiments ont été achetés au lendemain de la chute du Mur par des groupes immobiliers, mais aussi par des familles ouest-allemandes qui comptaient sur une relance économique plus rapide; en tolérant une occupation libre, des loyers bas, un terrain laissé non construit, les propriétaires s’assurent une certaine stabilité du lieu et laissent monter la valeur foncière du terrain. Non seulement les délaissés existent de manière structurelle, car les choix d’urbanisation ont conduit à des formes urbaines extensives, favorisant les vides, mais les évolutions récentes des marchés, marqués par des cycles spéculatifs, ont renforcé cette tendance, en multipliant les terrains non rentables et « inutiles ». L’urbanisme traumatique berlinois a produit en effet des espaces intermédiaires flous, sans usage, ou à usage unique, peu modulables.

Le citadin a depuis longtemps découvert qu’il pouvait utiliser ces espaces comme terrains de jeux propres à satisfaire son envie d’espace libre, de présence, d’activité physique et de convivialité. La présence des Wagenplatz, cam- pements de logements mobiles, est également significative de la capacité à intégrer les espaces intermédiaires dans la ville de Berlin. Avant la chute du Mur, une population nomade logeant en caravane a investit l’espace vide qui longeait le Mur du côté ouest. Tant que le Mur était en place, ces terrains se trouvaient en périphérie, et la municipalité a été tolérante; au fil du temps, ces habitants se sont intégrés, glissés dans les interstices que la ville offrait. Peu à peu, l’oc- cupation spontanée de l’espace a redonné vie à des lieux abîmés, laissés pour compte. Lorsque le mur est tombé, ces espaces résiduels ont changé de statut ; ils sont devenus le centre des enjeux économiques pour le nouveau Berlin, mais aussi une zone sensible, provoquant des débats (toujours d’actualité) sur la manière dont doit être traitée la mémoire de la ville (notamment avec la destruction, la conservation ou la restauration des restes du Mur). Face à un tel changement de situation, l’habitat nomade gênait. La municipalité a proposé de repousser cette population à la périphérie de la ville, sans prendre en compte ce qu’elles ont construit tout au le long de leur installation : un écosystème particulier, obéissant à des critères précis. Malgré les nombreux aménagements et réaménagements, les efforts répétés pour refermer cette fracture qu’a été la ligne du Mur dans la ville, les tentatives de réduire au maximum ces espaces imprévus et incontrôlés, les Wagenplatz n’ont pas disparu. Le long de la Spree, les campements de camions, caravanes, roulottes, sont encore bien présents ; on ne les voit pas du premier coup d’œil, on tombe dessus par hasard, entre les structures industrielles obsolètes, les voies ferrées, les berges du fleuve. Ce nouvel exemple de Zwischennutzung montre bien comment les habitants créent leur propre cadre de vie dans un contexte spatial et temporel interstitiel, en tant qu’échappant dans l’espace et le temps à l’homogénéité de la ville.

Malgré le débat sur l’aménagement, la qualité des places, des parcs et des zones piétonnes des villes, l’espace public s’est déplacé vers des territoires qui n’ont jamais été publics au sens premier du terme. Dans ces espaces indéfinis, souvent prétendus inutiles, des groupes d’acteurs urbains découvrent et occupent des friches, en font des niches pour leur survie, un terrain attrayant pour des loisirs non conventionnels ou des champs d’expérimentation pour de nouveaux

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Mouton (Jean-Claude), Berlin, 2002, série « Berlin no man’s land, 1989 - 2009 »

Vu sur http://arts.fluctuat.net/diaporamas/berlin-l-effacement-des-traces/No-man-s-land.html [consulté le 31 janvier 2011]

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styles de vie et d’entreprise, grâce au recyclage des ressources existantes (matérielles et immatérielles), à l’organisa- tion de réseaux, au soutien mutuel et bénévole, ainsi qu’à la créativité, à l’entraide et à l’envie d’expérimenter. Il s’agit maintenant de mieux comprendre ce que sont ces délaissés urbains, les termes utilisés pour les nommer : interstice, friche, marge, délaissé, impensé… et d’observer de quelle manière ils existent dans la ville, de quelle manière ils la font exister.

b. Le délaissé urbain et son potentiel

La ville contient des espaces cachés, des espaces mineurs et soustraits aux regards. Ces espaces ont des formes et des caractéristiques différentes les unes des autres mais tous ont en commun de se séparer du reste de la ville (par leur typologie, leur utilisation ou leur absence d’utilisation, leurs usagers, leur obsolescence…). Le vocabulaire courant confirme que les habitants ont conscience de ces interstices urbains. On parle de terrains vagues, de délaissés, de squats, de friches… Ces interstices font partie de la ville. Ils s’y inscrivent totalement, quand bien même ce serait en réac- tion ou en opposition à sa forme ou à sa dynamique dominante. Une maison murée dans un pâté de maisons habitées, un passage retranché des circulations habituelles, une crique le long d’un fleuve, un palais anachronique, une friche industrielle, tous sont des interstices dans la mesure où ces espaces manifestent une rupture par rapport à l’espace ma- jeur. En tant que soustrait au regard et échappant au contrôle d’une manière générale, l’interstice est parfois le lieu de la délinquance et de la criminalité. N’étant pas pris en compte dans les systèmes juridiques ou administratif, n’apparais- sant sur aucune carte, il est un espace neutre et dissimulé qui permet le développement d’actions illicites. Si nous avons conscience de cette réalité, nous laisserons délibérément cet aspect de côté, considérant qu’il est déjà solidement ancré dans l’imaginaire collectif ; et nous nous attacherons à développer l’idée de la marge urbaine dans ses aspects positifs, son potentiel créatif.

L’interstice est « ce qui se tient entre », c’est un entre-deux. Il se définit par rapport à cet ailleurs que nous appelons espace majeur. Son existence en dépend, l’un est relatif à l’autre, et inversement ; pour qu’il y ait interstice, il faut qu’il y ait frontière, même poreuse ou ténue. Il faut une rupture entre l’espace majeur et l’interstice. L’interstice est le bord dans un espace continu ; et comme bord, il contribue à définir l’espace majeur (en grec, horos signifie à la fois la limite et la définition). Il donne à voir l’espace majeur dans son identité profonde, parce qu’il est sa limite. Si l’interstice appelle la métaphore spatiale, dans le mouvement qu’il imprime à l’espace il est aussi une fraction de temps, un temps autre que celui par rapport auquel il existe. Il est un déphasage, une syncope, un contretemps ; soit en retard, soit en avance, en tout cas hors de la continuité régulière. L’interstice est a priori une réalité marginale à une autre ; une réalité mineure en regard d’une réalité majeure. Cependant il joue avec l’espace majeur un jeu actif ; porteur de ce que l’espace majeur ne peut ou ne veut admettre, l’interstice est un ferment de contradictions. Il peut s’épuiser et se dissoudre, entrer dans la règle, jusqu’à disparaître ; mais il peut aussi grandir de ses contradictions, prendre de la force et faire face à l’espace majeur. On peut émettre l’hypothèse que l’interstice est ainsi susceptible, par sa posture d’entre-deux, d’agir sur les choses.

Pour tenter de définir le potentiel d’action de l’interstice dans un cadre urbain, on peut reprendre une analogie souvent utilisée qui compare ce type d’espace à un catalyseur chimique. Le catalyseur est un élément, spécifique à une réaction chimique, qui s’introduit dans le milieu et devient lui-même réactif. Constamment consommé et régénéré, il ouvre une nouvelle voie de développement plus complexe mais également plus efficace. Le catalyseur réagit avec les molécules de réactifs les plus inertes et les fait entrer dans un cycle de réaction. La catalyse est le processus par lequel le catalyseur accroît la vitesse d’une réaction. On dit alors qu’il y a activation de ces molécules au niveau des centres actifs du catalyseur. Dans son TPFE Autocatalyse urbaine, un processus d’action(s) (2006), H. Helene compare le fonctionne- ment de la ville au processus d’autocatalyse : la particularité de l’autocatalyse est qu’elle produit son propre catalyseur. Contrairement à la catalyse qui est un mécanisme linéaire dans lequel le catalyseur est introduit, « l’autocatalyse est un processus en chaîne ramifié durant lequel la quantité de catalyseurs augmente au cours de la réaction. » En milieu urbain, l’autocatalyse utiliserait alors les potentiels de ces espaces interstitiels, ou intermédiaires, elle les met en tension dans un processus complexe impliquant l’action des citadins. La notion de Zwischennutzung, en apportant à la notion d’entre deux celle de l’utilisation, montre comment ces espaces intermédiaires dans la ville sont activés par une utilisa- tion des habitants, souvent hors normes.

Laurence Roulleau-Berger définit, en 1993, les « espaces intermédiaires » comme des « espaces qui échappent plus ou moins à l’instrumentalisation des territoires et au contrôle des politiques urbaines ». Elle émet l’idée que dans

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Terrain vague à Friedrichshain (26 février 2010)

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certains cas, « ils constituent des sources de régulation socialement autonomes par rapport aux sources de régulation créées par l’Etat ». Cette approche de l’interstice est fondée sur l’hypothèse que la production de la ville échappe pour une part à ses acteurs. L’interstice urbain est défini comme un espace oublié des politiques urbaines ; produits des aléas, des hasards et des contradictions, des absurdités, des incohérences dans le tissu urbain. Cette définition prend pour a priori que les politiques urbaines ont suffisamment de cohérence et de visibilité pour que leur absence momentanée se perçoive ; l’architecture paraît alors comme une manière de peser sur le désordre naturel. Mais la ville, accumulation d’objets architecturaux, engendre des espaces et des pratiques non maîtrisables : la friche, l’interstice, le délaissé urbain, seraient donc une partie de cet inconscient de la ville, ils en seraient comme l’envers, et, comme un acte manqué ou un lapsus révélateur, ces espaces parleraient de la ville d’une manière non voulue et peut-être plus juste.

Le caractère interstitiel analysé correspond à un changement de fonction, nécessaire à la transformation de la ville. Une fois le morceau de ville détourné de ses fonctions initiales et replié dans d’autres fonctions, les politiques ne s’en préoccupent pas pour un temps. Ces niches sont alors disponibles à des recompositions, tant qu’elles restent sous- traites à la domination de l’espace majeur. Ainsi le rôle d’interstice est-il lié aux modes de transformation de l’économie et de la société urbaine. La fonction de l’interstice serait alors de permettre cette transformation parce qu’il accueille, momentanément et localement, ce que la ville ne sait pas, ne peut pas ou ne veut pas intégrer à son propre mouvement. En tant que tel l’espace intermédiaire est nécessaire à la respiration de la ville, à son épanouissement.

La marge urbaine est par définition limitée dans le temps ; les lieux de contre-culture et les occupations sauva- ges sont rarement planifiés sur le long terme. Au bout d’un certains temps, les squatteurs se font expulser de l’immeu- ble qu’ils occupaient, la friche accueille un nouveau chantier, les bâtiments industriels sont remplacés par de nouvelles constructions. L’entre-deux se remplit à nouveau et l’utilisation intermédiaire n’existe plus. A Berlin pourtant certains projets deviennent pérennes, comme on l’a vu dans les études de cas précédentes. Partant d’une utopie, souvent issus de la culture du squat et d’idéaux libertaires, des projets se sont construits petit à petit pour devenir viables. Ces lieux de vie ont développé une résistance organisée face aux interdictions législatives et administratives. Des chantiers se sont mis en place et les forces ont été mobilisées pour la construction du projet afin de le faire correspondre à certaines obligations (techniques, juridiques, administratives…) et rendre le projet pérenne. Parfois le projet conserve une indé- pendance financière et idéologique et suit sa propre évolution. Mais dans certains cas, ces espaces de liberté sont petit à petit récupérés, exploités, mis en scène : il semble que la pérennisation de ces pratiques urbaines transitoires soit souvent couplée à des processus de réévaluation, qui amène à les déformer, les transformer, parfois même à en exclure les pionniers.

c. Les risques de fabrication d’une culture alternative pittoresque

Les espaces intermédiaires offrent, comme nous l’avons vu, la possibilité à de nouveaux types de projets urbains de s’introduire dans le tissu existant, de se développer au cœur du système global de la ville, en relation plus directe

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