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Chapitre V Les jonctions tunnel

V.1.2 Electrodes magnétiques : effet tunnel dépendant du spin

Considérons maintenant que les électrodes métalliques de la jonction tunnel sont aussi magnétiques. La jonction est alors appelée jonction tunnel magnétique. La configuration des aimantations des deux électrodes ferromagnétiques modifie la résistance de la jonction. La magnétorésistance tunnel TMR est alors définie d’après la résistance RP de la jonction possédant une configuration parallèle des aimantations et d’après la résistance RAP de la jonction possédant une configuration antiparallèle des aimantations.

[\ \]^\− \^

^ V-11

En considérant que le ferromagnétisme des électrodes est un ferromagnétisme de bande et que le spin est conservé pendant l’effet tunnel, il est possible de séparer conceptuellement le courant en deux courants en fonction du spin de l’électron: un courant d’électrons de spin Up et un courant d’électrons de spin Down. La TMR est alors expliquée par un transport tunnel dépendant du spin. D’après l’équation V-8, la densité de courant tunnel dépend des densités d’états des deux électrodes ainsi que de la probabilité de transmission des électrons à travers la barrière sont les paramètres contrôlant le courant tunnel. La probabilité de transmission est dépendante du spin des électrons seulement dans le cas d’une barrière isolante et magnétique. On parle alors de filtrage de spin [4]. Dans le cas d’une barrière isolante et non magnétique, seule la densité d’état peut dépendre du spin du l’électron et expliquer la TMR. Des modèles ont été développés en se basant sur ce principe.

Le modèle de Jullière [5], utilisé très fréquemment pour sa simplicité, se concentre principalement sur la densité d’état des électrodes et sur leur polarisation en spin, en considérant que le coefficient de transmission est indépendant du spin de l’électron. De plus, Jullière suppose que le spin des électrons est conservé lors du transport tunnel et donc que le courant total peut être séparé en deux canaux de spin indépendants. Le courant est donc la somme du courant dû aux électrons de spin Up et du courant dû aux électrons de spin Down. En fonction de la configuration de l’aimantation dans l’électrode, les électrons Up et Down seront majoritaires ou minoritaires. Ils auront donc dans chaque électrode une densité d’état

175 au niveau de Fermi différente, nmaj pour les électrons majoritaires et nmin pour les électrons

minoritaires (Figure V-3). En se basant sur l’équation V-9, les courants dans la configuration parallèle IP et antiparallèle IAP de la jonction s’expriment de la façon suivante :

B^ B^,_' B^,`abc ∝ 0"de0 de 0" c0 c V-12

B]^ B]^,_' B]^,`abc ∝ 0"de0 c 0" c0 de V-13

En considérant que la TMR et la polarisation en spin de l’électrode i sont : [\ \]^\− \^ ^ B^− B]^ B]^ f g 0 de− 0 c 0 de 0 c V-14

Alors, il est possible de montrer que la magnétorésistance peut être exprimée uniquement en fonction des polarisations en spin des électrodes de la jonction :

[\ 1 − g2g"g

"g V-15

Ainsi, plus la polarisation en spin des électrodes est importante, plus la TMR augmente, d’où l’intérêt pour les matériaux demi-métalliques qui possèdent une polarisation en spin proche de 100%. Le modèle de Jullière fait l’approximation que la TMR dépend uniquement de la polarisation en spin des électrodes, et plus précisément de leurs densités d’état à l’énergie de Fermi de l’interface. De plus, ce modèle n’est applicable que dans le cas de barrières suffisamment épaisses pour lesquelles les fonctions d’ondes des deux électrodes se superposent peu ou pas. Ce modèle néglige complètement par exemple les propriétés de la barrière comme son épaisseur et sa nature ou les défauts présents.

Figure V-3 : Schéma illustrant le modèle de Jullière dans une jonction Ferromagnétique 1 / Isolant / Ferromagnétique 2. Un décalage de bande est présent dans les électrodes ferromagnétiques i, ce qui

induit une densité d’état au niveau de Fermi différentes pour les électrons majoritaires et minoritaires( 0 de et 0 c respectivement) et un transport par effet tunnel polarisé en spin. La résistance dans l’état antiparallèle RAP est alors beaucoup plus élevée que dans l’état parallèle RP.

176 Dans un modèle quantique plus extensif donné par Slonczewski [6], la conductance dans une jonction tunnel magnétique dépend de l’angle relatif θ des aimantations des deux couches magnétiques 1 et 2, et de la polarisation en spin g des électrodes et d’un terme DG qui traduit l’influence de la nature de la barrière :

D DG 1 g"g hijk lm h g n'− abco − n' abc

n' abco n' abc V-16

Les électrons sont traités comme des particules indépendantes qui possèdent un vecteur

d’onde n' et abc pour les électrons de spins up et down respectivement dans l’électrode

ferromagnétique i, et qui possèdent le même vecteur d’onde K dans la barrière.

Dans certain cas, la cristallinité de la barrière peut induite un filtrage de symétrie qui augmente la TMR. Le plus connu des exemples est la barrière Fe/MgO/Fe, pour laquelle la cristallinité de la barrière de MgO induit un filtrage de symétrie qui se rajoute à l’effet de polarisation en spin des électrodes [7]. Pour des épaisseurs de barrière grandes, seuls les électrons majoritaires dans les deux électrodes et possédant une symétrie électronique ∆1 peuvent traverser la barrière. Des TMR allant jusqu’à 600% sont alors mesurées à température ambiante dans ce type de jonctions [8-13].

Un dernier point à noter est que l’effet tunnel dépendant en spin est fortement dépendant de la qualité et des propriétés de l’interface de l’électrode avec la barrière, et donc de la rugosité, de la contrainte, de la structure électronique... Par exemple, la polarisation en surface est généralement réduite par rapport à la polarisation du matériau massif.