• Aucun résultat trouvé

Chapitre III Couches minces magnétiques de LSMO

III.2.6 Conclusion

Nous avons donc étudié les propriétés cristallines, magnétiques, de transport et de bruit dans des films minces de LSMO déposés par ablation laser. Les films sont métalliques et ferromagnétiques et présentent des propriétés similaires à celles des meilleurs films présentés dans la littérature. Nous pouvons donc augmenter la complexité des dépôts et notamment commencer à travailler sur l’obtention d’une couche de référence, et sur les jonctions elles- mêmes.

Etude de couches de référence possibles pour les jonctions

III.3

Un des points important durant cette thèse a été de choisir une couche de référence pour les jonctions, afin d’obtenir un état antiparallèle stable, indispensable au fonctionnement des jonctions. Après une étude bibliographique des différentes possibilités, nous présenterons les essais réalisés. Finalement ayant choisi de travailler avec du LSMO dopé Ru (LSMRO), nous présenterons les propriétés de films minces déposés par ablation laser et les comparerons à celles des films minces de LSMO.

III.3.1 Etude bibliographique

Différentes solutions ont été utilisées dans la littérature pour obtenir une couche de référence à base de LSMO dans les jonctions tunnels magnétiques. Nous allons réaliser un résumé non exhaustif dans le paragraphe suivant.

- Tout d’abord, le durcissement peut être obtenu à l’aide du contrôle du rapport d’aspect de la couche de référence lors de la micro-fabrication et donc en utilisant l’anisotropie de forme [15, 48, 49]. Cependant, cet effet est généralement faible. L’utilisation de couches d’épaisseurs différentes pour la couche de référence et la couche douce est généralement associée à ce durcissement géométrique [48, 49].

- Une autre voie explorée est celle du couplage direct avec un matériau antiferromagnétique, technique largement utilisée dans le cas des éléments à magnétorésistance géante ou tunnel métalliques. Un décalage en champ magnétique, ou « exchange bias » apparait sur le cycle d’hystérésis de la couche couplée ainsi qu’une élévation de la coercivité. Le retournement de l’aimantation des deux films n’a pas lieu aux mêmes champs magnétiques, créant ainsi un état antiparallèle entre les aimantations des deux films. Il est difficile d’utiliser des métaux antiferromagnétiques, comme l’IrMn par exemple, avec les oxydes en raison de l’oxydation qui aurait lieu à l’interface et qui dégraderait très fortement les propriétés du métal. Des matériaux oxydes et antiferromagnétiques sont donc de meilleurs candidats. L’oxyde de Co, CoO, [50] a d’abord été utilisé. Cependant le couplage d’échange semble amoindri (Figure III-21) et pourrait être expliqué par une croissance difficile du CoO, qui n’est pas une structure pérovskite, sur LSMO.

108

Figure III-21 : Magnétorésistance mesurée sur une jonction Al/CoO /LSMO/STO/LSMO déposée sur STO(100), de 5.6x5.6 µm² à 4.2 K [50].

Muduli et coauteurs [51] ont proposé d’utiliser le LSMO dopé à 0.55, La0.45Sr0.55MnO3,

puisque avec ce dopage, le LSMO est antiferromagnétique (AF) [52]. Ils ont testé ce couplage dans une jonction LSMO(AF)/LSMO(F)/STO/Co et mesurent un champ d’échange de 6.8mT à 10K, une faible augmentation du champ coercitif et une température de blocage de 50K. Un des avantages de ce matériau est qu’il est très proche cristallographiquement du LSMO(F). Cependant la température de blocage n’est pas compatible avec une utilisation des jonctions à 77K. Ainsi, de nombreux oxydes antiferromagnétiques sont proposés pour créer un système de couplage d’échange, comme le LaNiO3 par exemple [53], mais ne peuvent être utilisés car ils possèdent généralement une température de Néel ou de blocage trop faible.

- Dans le même esprit, Jo et coauteurs, réalisent une jonction à base de La1-xCaxMnO3

uniquement. Le dopage du matériau de la barrière induit un caractère antiferromagnétique et isolant alors que le La0.7Ca0.3MnO3 des électrodes est ferromagnétique et conducteur [54]. Les

propriétés obtenues sont meilleures que dans le cas d’une barrière standard d’oxyde isolant.

La même idée a été proposée par des théoriciens dans une jonction La0.7Sr0.3MnO3 / LaMnO3

/ La0.7Sr0.3MnO3 [55]. Nous n’avons pas retenu cette idée au vu de la difficulté de déposer un

film de LaMnO3 antiferromagnétique.

- L’utilisation du couplage antiferromagnétique [56] qui apparait à l’interface du LSMO et de l’oxyde ferromagnétique SrRuO3 est une autre option de couche de référence. Puisque le

SrRuO3, possède un champ coercitif beaucoup plus élevé que celui du LSMO, une analogie

avec les systèmes ferromagnétique/antiferromagnétique peut être réalisée, en assimilant le

SrRuO3 au film antiferromagnétique. Un décalage d’échange positif d’environ 5-10mT à

basse température et jusqu'à environ 150K, ainsi qu’une élévation de la coercivité sont observés lors du renversement de l’aimantation du film de LSMO dans des bicouches et des

super-réseaux LSMO/SrRuO3, après saturation de l’aimantation du film de SrRuO3. Nous ne

109 - La dernière possibilité est d’utiliser un film de LSMO dopé avec du ruthénium (Ru) pour augmenter son champ coercitif, comme proposé par Raveau et coauteurs. En effet, ils ont étudié différents dopages en substitution du Mn dans les manganites à valence mixte et ont

montrés qu’un fort dopage en Ru dans Pr0.5Sr0.5MnO3 modifie l’ordre magnétique grâce aux

propriétés de la liaison Mn-O-Ru [57]. Ensuite des études de l’effet du dopage en Ru du LSMO, ont été réalisées [32, 58-62]. Les atomes de Ru se substituent aux atomes de Mn ce

qui induit la formule chimique suivante pour un dopage

y inférieur à 0.5. Le dopage en Ru du LSMO dégrade la métallicité et le ferromagnétisme du LSMO (baisse du moment magnétique et de la température de Curie) tout en augmentant son champ coercitif. Ces effets sont généralement expliqués par le transfert de charge et le

couplage antiferromagnétique dans la liaison Ru-O-Mn, c'est-à-dire entre les ions Mn3+/Mn4+

et Ru3+/Ru4+, pour un dopage inférieur à 0.5. Pour résumé, dans la liaison Mn-O-Ru, le couplage de super-échange antiferromagnétique domine le double échange ferromagnétique, ce qui induit que le moment est réduit mais le champ coercitif est augmenté, la température de Curie est légèrement diminuée et le transport est dégradé. En Figure III-22 est présenté la première mesure d’une jonction utilisant une couche de référence de LSMO dopé Ru [63]. Les champs coercitifs des deux couches de référence et douce sont correctement différentiés permettant la présence d’un état antiparallèle.

Figure III-22 : Magnétorésistance mesuré dans une jonction de LSMO dopé Ru (LSMRO) /LAO/LSMO déposée sur STO(001) de 3x20µm² à 10K [63].