• Aucun résultat trouvé

1.6 Emulsions

1.6.3 Elaboration des émulsions

Pour préparer une émulsion, tout d’abord, deux liquides non miscibles sont nécessaires : une phase non polaire (liquide non associé, où ne sont échangées que des interactions de type Lifshitz-Van der Waals notées LW) et une phase polaire (liquide associé, où sont échangées à la fois des interactions de type LW et des interactions de type acide-base de Lewis [par exemple, liaison hydrogène] notées AB). C’est l’absence d’interactions acide- base à l’interface entre les deux liquides qui est précisément responsable de la non- miscibilité22. Dans la plupart des cas, la phase polaire est une solution aqueuse. Pour la phase non polaire, nous trouvons les huiles minérales, les alcools et acides gras longs, les composés estérifiés entre autres.

Comme les deux liquides mis en présence ne sont pas miscibles, pour mélanger les phases, nous devons ajouter de l`énergie. Celle-ci sert à créer une très grande interface entre les deux phases. L’énergie de formation de l’émulsion, ∆Gform, peut ainsi s’écrire :

S T A S T H G G G = − =∆ − ∆ = ∆ − ∆ ∆ γ

où :

∆Ηform est la différence d’enthalpie entre l’état final et initial (J)

∆Sform est la différence d’entropie entre ces deux états (J/°K)

T est la température à la quelle cette formation a lieu en degrés Kelvin (°K)

∆A est l’augmentation de l’aire de contact entre les deux phases (m2) γ est la tension interfaciale (J/m2)

∆Ηform est l’énergie nécessaire pour créer un mètre carré de surface. A moins d’avoir

une tension interfaciale très faible (cas des microémulsions), le terme entropique ∆Sform est

négligeable et cette différence d’énergie est positive. Ainsi, l’émulsion est un état thermodynamiquement moins stable que le système initial. Ainsi, pour créer une émulsion, il faut vaincre la tension interfaciale et fournir l’énergie γ∆Α.

Nous fabriquons une émulsion en appliquant aux deux liquides concernés une énergie mécanique. L’interface se déforme alors jusqu’à la formation de gouttelettes. Les gouttelettes résultantes sont en général trop grosses et doivent être divisées en très petites gouttelettes. En effet, cette déformation de la phase dispersée aura comme résultat une création de surface qui, à son tour, formera des gouttelettes. Les gouttelettes se mettront sous forme sphérique car il s’agit de la configuration volume/surface la plus avantageuse.

Bien qu’une agitation manuelle suffise parfois comme énergie mécanique, un moyen d’agitation électrique est le plus souvent indispensable pour l’obtention d’émulsions ayant une durée de vie importante. Différents moyens mécaniques de dispersion sont utilisables : hélice, mélangeur statique, broyeur colloïdal, ultrasons ou homogénéisateur à haute pression. Le type de système de dispersion est à choisir en fonction de la finesse désirée pour l’émulsion.

Le Tableau 2 fait un récapitulatif des principaux systèmes conçus pour la fabrication des émulsions. Parmi toutes ces techniques, certaines sont utilisées uniquement à l’échelle laboratoire (secoueurs, vibreurs, transducteurs magnétostrictifs, courant électrique, vaporisateurs, condensateurs). Les méthodes les plus impliquées dans les applications industrielles sont les rotor/stator, les moulins à colloïdes, les homogénéisateurs haute pression et les ultrasons. L’emploi de deux techniques combinées est souvent réalisé23.

Tableau 2 : Différentes techniques utilisées pour fabriquer des émulsions23

Technique comparable Mécanisme principal Technique d’énergie Densité opératoire Mode

1. Secouage agitation simple(4a) turbulence faible batch 2. Ecoulement a) laminaire b) turbulent 5 4a forces visqueuses turbulence faible-moyen faible-moyen continu continu 3. Injection (jet) 10a turbulence, cavitation et forces de

cisaillement faible continu 4. Agitation a) simple b) rotor/stator c) racleur d) vibreur 1,2b 5 5 8a turbulence, forces visqueuses turbulence, forces visqueuses forces visqueuses cavitation et turbulence faible moyen-élevé faible-moyen faible batch ou continu

5. Moulin à colloïdes 2a, 4c, 6 forces visqueuses moyen-élevé continu 6. Broyeur à billes et à galets 5 forces visqueuses moyen batch ou continu 7. Homogénéisateur haute

pression 2b turbulence, cavitation et forces visqueuses élevé continu 8. Ultrasons a) couteau vibrant b) magnétostriction 4d cavitation et turbulence cavitation moyen-élevé moyen-élevé continu batch ou continu 9. Courant électrique 10b charge électrique moyen batch ou continu 10. Aérosols a) mécanique b) électrique 3 9 faible-moyen moyen batch ou continu

11. Moussage ou ébullition étalement faible-moyen

12. Membrane étalement faible continu

13. Condensation étalement faible batch

Il faut mentionner qu’il existe des méthodes d’émulsification qui nécessitent peu ou pas d’énergie mécanique, comme l’inversion de phase ou l’émulsification spontanée.

en augmentant progressivement la quantité de phase dispersée, jusqu’à une fraction volumique critique où l’émulsion va soudainement s’inverser24. L’émulsification spontanée ou autoémulsification ne requiert aucune agitation mécanique25.

Aussi dans le Tableau 2, les principaux mécanismes impliqués dans chacune des techniques sont indiqués. Les gouttelettes peuvent en effet se déformer et se rompre sous l’effet des forces visqueuses ou d’inertie. Les premières génèrent des contraintes tangentielles ou perpendiculaires à la surface de la goutte, tandis que les deuxièmes génèrent des différences de pression. En pratique, on distingue les trois cas suivants: écoulement laminaire, écoulement turbulent et cavitation :

 Dans l’écoulement laminaire, les forces visqueuses sont prédominantes.

 Dans l’écoulement turbulent, ce sont principalement les forces d’inertie qui entrent en

jeu, mais les forces visqueuses ne sont pas négligeables.

 Dans la cavitation, de petites bulles de vapeur se forment et disparaissent très

rapidement, ce qui entraîne l’apparition d’ondes de choc dans la phase continue. Le liquide est alors fortement agité et il apparaît des zones de turbulence.

Cependant, l’énergie apportée ne doit pas être forcément maximale mais judicieusement dosée car il s’agit de trouver un équilibre entre la division et la fusion/coalescence des gouttelettes.

Pour que l’émulsion soit durable, c’est-à-dire que l’état dispersé demeure lorsque l’agitation mécanique cesse, il est nécessaire d’utiliser un agent émulsionnant ou émulsifiant. Bien qu’il puisse aussi faciliter le phénomène de dispersion en abaissant la tension interfaciale, le rôle de l’agent émulsifiant est aussi de stabiliser le système dispersé en inhibant les phénomènes de dégradation.