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2.5 Caractérisation de phospholipides et oléosines à l’interface huile/eau

2.5.2 Caractérisation rhéologique à l’interface huile/eau des constituants

Des mesures de tension interfaciale en mode oscillatoire21 ont été réalisées pour

déterminer les propriétés viscoélastiques des constituants membranaires à l’interface huile/eau. Ceci permet d’évaluer la rigidité que peut apporter le film constitué soit de phospholipides, d’oléosines ou de leur mélange et ainsi éviter le phénomène de coalescence.

Une déformation de l'aire de l'interface (∆A) d’une goutte, engendre une variation de la concentration interfaciale des agents émulsifiants adsorbés à l'interface, ce qui provoque une réponse de la tension interfaciale (∆γ). La relation entre la déformation de l'interface et la réponse de la tension interfaciale décrit le comportement rhéologique de l'interface. Par analogie avec les corps solides, ce comportement viscoélastique provient des propriétés des tensioactifs à l'interface. Ainsi la viscoélasticité interfaciale ε est obtenue21 :

ε ε

ε = ′+i ′′ ε′= ε⋅cosφ ε ′′= ε ⋅sinφ

où :

la partie réelle (ε’) correspond à la composante élastique la partie imaginaire (ε’’) est la composante visqueuse

φ est l’angle de la face

|ε| est le module de dilatation viscoélastique

Dans cette étude le tensiomètre Tracker a été utilisé. Les déformations de l'aire interfaciale d’une goutte pendante, après équilibre de la tension interfaciale, sont réalisées par dilatation ou par contraction du volume de façon périodique au cours du temps, en imposant une variation sinusoïdale du volume de la goutte. En même temps, les fluctuations de la tension et de l’aire interfaciale sont enregistrées à chaque seconde par l’appareil pour pouvoir ainsi calculer la viscoélasticité interfaciale ε.

P.8 Protocole

Une goutte, contenant 0,1 g/L d’oléosines ou les différents mélanges PL/OL en gardant toujours la même teneur en oléosines, est créée avec une seringue capillaire de 250 µL (PS20, IT Concept) dans l’intérieur d’une cuve contenant 7 mL de Tris 75 mM ajusté aux pHs 5,5 et 8,5. L’aire qui entoure la goutte est déformée par fluctuations sinusoïdales de son volume avec des variations de 0,5 µL à une fréquence de 0,05 Hz. Ces fluctuations dans la tension interfaciale et l’aire sont enregistrées chaque seconde pour calculer la

viscoélasticité interfaciale ε . La variation sinusoïdale est réalisée après avoir attendu

l’équilibre de la tension interfaciale. Toutes les mesures ont été réalisées à 25 ºC.

La Figure 9 affiche les pressions d’interface obtenues avant d’appliquer la déformation de l’aire interfaciale. En absence de phospholipides, les oléosines trouvent une pression interfaciale à l’équilibre de 5,8 et 4,8 mN/m à pH 8,5 et 5,5 respectivement. Pour les phospholipides tous seuls, la pression interfaciale à l’équilibre prend des valeurs de 1,0 et 2,5 mN/m aux pHs de 8,5 et 5,5 respectivement. L’ajout de phospholipides à une même concentration d’oléosines dans la phase organique, conduit à une pression interfaciale à l’équilibre supérieure, entre 7,2 et 8,5 mN/m. Ceci indique un effet synergique entre les phospholipides et les oléosines qui augmente la pression interfaciale et qui permet d’obtenir des tailles de gouttelettes plus petites lors des reconstitutions. Les valeurs de pression interfaciale dans les essais où les phospholipides et les oléosines sont présents, n’ont pas montré de différences significatives en fonction des rapports PL/OL ni du pH employé.

La Figure 9 montre aussi qu’en l’absence de phospholipides, la valeur du module de dilatation (ε) est très faible avec des valeurs de 1,1 et 3,2 mN/m pour les pHs de 8,5 et 5,5 respectivement. Ces valeurs sont plus faibles que les valeurs obtenues pour d’autres protéines, comme la β-caséine (13 mN/m) et la β-lactoglobuline (62 mN/m) dans des concentrations similaires22, même si le système employé (paraffine/eau) est différent du notre.

Il est par fois difficile d’établir une corrélation entre l’élasticité interfaciale et la stabilité d’une émulsion. Cependant, pour les molécules comme les protéines compactes présentes à l’interface huile/eau, plus élevé est le module élastique, plus importante est la stabilité de l’interface, qui forme un film plus élastique et rigide. Notons qu’une interface

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Pression interfaciale Module de dilatation Composante élastique Composante visqueuse

P a ra m è tr e ( m N /m )

Oléosines Phospholipides PL/OL=0,02 PL/OL=0,2 PL/OL=2

(A) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Pression interfaciale Module de dilatation Composante élastique Composante visqueuse

P a ra m è tr e ( m N /m )

Oléosines Phospholipides PL/OL=0,02 PL/OL=0,2 PL/OL=2

(B)

Figure 9 : Paramètres caractéristiques de l’étude rhéologique de l’interface trioléine/eau à deux pHs (A) 8,5 et

B) 5,5) : la pression interfaciale à l’équilibre de l’adsorption de phospholipides, oléosines et divers rapports PL/OL, le module de dilatation, comme aussi les composantes visqueuse et élastique

Le pH de la phase aqueuse induit un effet significatif sur les propriétés rhéologiques des oléosines à l’interface. D’après les résultats obtenus, nous observons une meilleure performance des oléosines à pH 5,5 qu’à 8,5, avec un ε plus important, donc un film plus rigide. Les protéines devraient développer de meilleures performances au pH de leur point isoélectrique, puisque c’est à ce pH qu’elles présentent une répulsion moins importante.

Le point isoélectrique des oléosines varie selon l’origine et le type d’isoforme. La plupart des oléosines ont un point isoélectrique basique qui oscille entre 9 et 9,5, mais il peut être différent, neutre voire acide. White et coll.24 ont déterminé un point isoélectrique global pour les oléosines de tournesol entre 5 et 6. Dans le cas du colza, Katavic et coll.25 ont trouvé une valeur de 9,5. Cependant Roux26, a constaté des variations très importantes dans le point

isoélectrique tout le long de la structure de l’oléosine. Alors que le segment central hydrophobe est considéré comme non chargé, les parties terminales ont des points isoélectriques compris entre 6 et 9 avec quelques zones avec une valeur de 5.

D’après nos résultats, nous pouvons imaginer que la conformation que les oléosines adoptent à l’interface huile/eau favorise l’exposition des segments avec un point isoélectrique faible qui vont ainsi pouvoir interagir avec des segments similaires d’autres oléosines, tout en donnant de meilleures propriétés rhéologiques. Ceci est en accord avec les valeurs faibles du potentiel zêta dans les reconstitutions de corps lipidiques effectuées avec les oléosines seules à un pH de 5,5.

Quand les phospholipides sont ajoutés, ε augmente par rapport aux essais où il n’y avait que des oléosines, sans modifier le pH. Cette augmentation n’est pas en relation avec les rapports PL/OL testés. Ces résultats suggèrent l’existence d’interactions entre les molécules d’oléosines et de phospholipides en créant une sorte de complexe qui présente de meilleures propriétés rhéologiques interfaciales que chaque molécule séparément.

Quand des protéines sont présentes à une interface et qu’une déformation est appliquée à celle-ci, la déformation de l’interface n’est pas uniforme. Ainsi, l’apparition de trous est possible27. Cependant, si des phospholipides sont insérés à l’interface avec les

oléosines, quand la déformation à l’interface aura lieu, le complexe oléosines/phospholipides agira rapidement en prévenant ainsi la déchirure du film. Ce type de comportement est inhabituel en employant des tensioactifs de petite taille moléculaire, car il est normalement observé une diminution de la viscoélasticité d’un film protéique adsorbé à l’interface due à la compétition à l’interface28, 29.

Nous remarquons que les oléosines et les différents rapports phospholipides/oléosines testés permettent la formation d’un film ayant des propriétés plus élastiques que visqueuses

d’une teneur en oléosines élevée. De plus, aucun des phénomènes de relaxation (transferts de masse entre l’interface et la phase aqueuse et réorganisations moléculaires dans le film)22 n’ont été observés au cours des oscillations sinusoïdales appliquées à l’aire d’interface.