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Chapitre 1. Introduction

1.4. Interventions visant à améliorer la santé fœtale

1.4.2. Efficacité

Les avantages et limites des différents devis d’étude visant à mesurer l’efficacité des interventions sont présentés dans cette section. Ensuite, les résultats des études d’observation et ceux des études expérimentales sont passés en revue.

Avantages et limites des différents devis d’étude

Selon Abu-Saad, Truswell et collaborateurs, d’avantage de travaux observationnels gagneraient à être menés sur l’association entre les interventions en cours de grossesse et la santé fœtale (Abu- Saad et al., 2010; Truswell, 2001; Truswell, 2005). En effet, les études d’observation (études de cohortes, études cas-témoins et études descriptives) offrent l’avantage d’évaluer l’efficacité des interventions dans le système de santé réel (Black, 1996; Hoppe et al., 2009). Toutefois, pour que les résultats d’interventions puissent être détectables au niveau populationnel, leur contenu doit être à la fois efficace et adapté au besoin des sous-populations étudiées selon la prépondérance des facteurs modifiables dans ces dernières (Alexander et al., 2001; Stevens-Simon et al., 1999).

L’analyse des résultats des études observationnelles doit être faite avec grande vigilance et tenir compte des possibilités de biais. En effet, les études observationnelles sont sujettes à un biais de classification de l’exposition qui peut causer une sous-estimation ou une surestimation de l’effet de l’intervention. Les femmes incluses peuvent recevoir une intervention moins proactive et donc moins intense que ce que considèrent les chercheurs ou carrément ne pas recevoir d’interventions du tout. Ces études sont aussi sujettes à un biais potentiel de confondance qui peut causer lui aussi une sous-estimation de l’association. L’impact des deux biais mentionnés ici peut être réduit si les données employées contiennent une bonne variété d’information et qu’il y a un ajustement des analyses pour des indicateurs comme la couverture populationnelle du programme d’intervention ainsi que par le plus grand nombre de facteurs potentiellement confondants (Alexander et al., 2001; Stevens-Simon et al., 1999).

Les essais contrôlés randomisés (ECR) sont pour leur part le devis souvent préféré pour évaluer l’effet d’une intervention sur un problème de santé notamment parce qu’ils permettent un contrôle optimal de l’ensemble des facteurs potentiellement confondants (Black, 1996). La randomisation

et la création d’un groupe « sans intervention » peut cependant être éthiquement difficilement acceptable, l’intervention étant présumée utile.

Certaines limites possibles méritent mention en lien avec la validité interne des ECR. D’abord, de par leur constitution, les ECR ne tiennent pas compte des facteurs qui précèdent ou qui s'étendent au-delà de la durée de l’étude (Abu-Saad et al., 2010). Aussi, ils peuvent fournir une vision erronée de la réalité si l'étude est petite et que la maladie est rare ou s’il n'y a aucune confirmation indépendante de la modification de l’exposition (Abu-Saad et al., 2010; Truswell, 2001). Par exemple, des changements alimentaires effectués par des femmes participantes sont susceptibles de ne pas être une copie exacte de la prescription. Selon l’importance des possibles biais cités ici, les résultats des ECR pourraient être non-reproductibles, voire même contradictoires (Rothman et al., 2008).

La validité externe des ECR qui portent sur des interventions comme des changements alimentaires peut aussi être discutable dans certaines situations (Abu-Saad et al., 2010; Truswell, 2001; Truswell, 2005). C’est le cas par exemple si les interventions testées dans les ECR sont adaptées aux besoins des sous-populations qui les reçoivent (Stevens-Simon et al., 1999) ou si un soutien inhabituel est fourni par les chercheurs pour augmenter la compliance et l’efficacité. Comme les ECR ne sont pas adaptées à l’ensemble de la population, ils ne sont pas nécessairement généralisables à celle-ci (Parkes et al., 2008).

En résumé, les études d’observation ont le grand avantage de traduire plus fidèlement la réalité dans la population ou la sous-population à l’étude suite à une intervention. Les travaux expérimentaux peuvent quant à eux comporter des limites plus ou moins importantes relatives à la validité interne et à la validité externe; ils ne constituent pas à eux seuls une preuve irrévocable de l’efficacité de l’intervention (Rothman et al., 2008). La meilleure approche pour étudier l’efficacité d’une intervention pour réduire un problème de santé semble donc être la reconnaissance de la complémentarité des études observationnelles et expérimentales (Black, 1996).

Résultats issus des études d’observation

Les travaux observationnels sur les interventions prénatales multithématiques et sur les interventions spécifiques sont résumés ici. Plus de détails sont donnés à leur sujet en annexe

(Annexe 1, Tableau 12). Avant de les détailler, mentionnons qu’une importante recherche sur les interventions de santé menée dans 35 pays sur une période de 9 ans a conclu que la couverture populationnelle des soins de santé a augmenté et que les inégalités entre l’accès aux soins des mieux et des moins bien nantis ont diminué dans le temps. Il demeure néanmoins, selon les auteurs de cette étude, que l’analyse de telles interventions doit être faite en tenant compte des inégalités économiques entre les milieux (Victora et al., 2012).

Interventions multithématiques

À ce jour, l’exposition de la population à des programmes de soins prénataux multithématiques qui prodiguent, selon les besoins, une aide psychosociale, des suppléments nutritionnels ou un soutien médical n'a pas été associée à une diminution de la survenue de SGA et ce, même chez les femmes à haut risque (Fiscella, 1995; Silveira et al., 2004; Stevens-Simon et al., 1999). Les raisons possibles pour lesquelles l’efficacité des interventions n’a pas été observée incluent notamment la nature hétérogène des services rendus (Stevens-Simon et al., 1999). Toutefois, la participation à de tels programmes qui prodiguent des visites à la maison est associée à des comportements parentaux favorables, à l'utilisation de ressources communautaires, au poids de naissance accru et à une durée de gestation plus importante (Issel et al., 2011).

Interventions spécifiques

Un seul des travaux revus a porté sur une intervention spécifique. Dans ce dernier, les participantes ayant été exposées à plusieurs interventions étaient plus enclines à modifier leurs habitudes de vie, c’est-à-dire à réduire le nombre de cigarettes fumées s’il y a lieu, à cesser de boire et à allaiter leur enfant. De plus, elles étaient moins à risque de SGA (RR=0,9; I.C. 95 % =[0,8; 1,0]) (Muhajarine et al., 2012).

Résultats issus des études expérimentales

Les méta-analyses et revues sur les études expérimentales font l’objet de cette section. On s’attarde d’abord aux interventions multithématiques, puis ensuite aux interventions spécifiques. Les détails sur les études sont donnés en annexe (Annexe 1, Tableau 13).

Interventions multithématiques

Au Canada, les interventions multithématiques ont été démontrées efficaces pour améliorer l’alimentation maternelle et certains facteurs psychosociaux comme le soutien social et la santé mentale, mais pas pour réduire le SGA ou le LBW (Brodeur et al., 2004; Ministère de la Santé et

des services sociaux, 2004; Tough et al., 2006). C’est aussi le cas des évaluations faites sur les interventions effectuées à l’extérieur du pays : selon la revue Cochrane portant sur 11 essais contrôlés randomisés ayant évalué l’efficacité des interventions chez les femmes à risque pour réduire le LBW, il n’a pas été possible de conclure à un effet protecteur (RR=0,9; I.C. 95 %=[0,8; 1,0]) (Hodnett et al., 2010).

Interventions spécifiques à la nutrition

Les interventions alimentaires sont constituées de suppléments énergétiques et protéiniques, de multivitamines et bien souvent, de conseils visant à améliorer la nutrition. D’une part, les suppléments équilibrés en énergie et en protéines ont été démontrés bénéfiques pour la diminution de la survenue du SGA (RR=0,7; I.C. 95 %=[0,6; 0,8]; n=3 396) selon les six études qui ont été incluses dans la revue Cochrane sur ce sujet (Kramer et al., 2003). Cependant, l’ajout de multivitamines n’a apporté aucun bénéfice mesurable en ce qui a trait à la survenue de SGA selon les conclusions d’une méta-analyse portant sur six études expérimentales (n=13 966) (Shah et al., 2009a). Enfin, les conseils visant à améliorer la qualité de la nutrition prénatale semblent efficaces, mais n’ont pas été associés à la réduction du SGA dans l’unique étude incluse dans la revue Cochrane (RR=1,0; I.C. 95 %=[0,5; 2,1]; n=404) (Kramer et al., 2003). Il en va de même pour l’adoption d’une alimentation particulière et la pratique d’activité physique légère (RR=1,0; I.C. 95 %=[0,8; 1,3]; n=3 552) (Thangaratinam et al., 2012).

Interventions spécifiques psychosociales

L’aide psychosociale vise principalement à réduire le tabagisme et la consommation d’alcool. Les interventions axées sur la diminution du tabagisme de la mère en début de grossesse ont été fructueuses pour diminuer ce comportement et pour diminuer la survenue du LBW comparativement à un groupe témoin qui recevait seulement de l’information sur les risques du tabagisme en cours de grossesse et le conseil d’arrêter de fumer. Selon les 72 travaux révisés dans le cadre d’une revue Cochrane, ces interventions ont réduit de 6 % la proportion de femmes qui continuaient à fumer tout au long de leur grossesse (RR=0,9; I.C. 95 %=[0,9; 1,0]) et étaient associées à une réduction de 21 % du LBW (Lumley et al., 2009) (RR=0,8; I.C. 95 %=[0,7; 1,0]).

Les interventions éducatives visant à éliminer le calage d’alcool et à diminuer la consommation moyenne d’alcool lors de la grossesse chez les femmes ciblées comme étant à risque réduisent aussi la consommation et ce, de façon significative (Chang et al., 2005; Manwell et al., 2000;

O'Connor et al., 2007; Parkes et al., 2008). Dans l’étude de O’Connor et collaborateurs, les femmes de faible revenu qui ont reçu une brève intervention supplémentaire mensuelle au début de la grossesse ont eu cinq fois plus de chances d’être abstinentes au troisième trimestre que les femmes du groupe témoin qui ont reçu pour leur part seulement un peu d’éducation (OR=5,4; I.C. 95 %=[1,6; 18,3]). De ce fait, leur risque de LBW a été diminué : elles ont donné naissance à des enfants de 180,5 grammes de plus que les femmes du groupe témoin (O'Connor et al., 2007). Lorsqu’elles sont indiquées, les interventions plus intensives ont elles aussi été bénéfiques chez les femmes avec d’importants problèmes de consommation selon la revue de Parkes48 (Parkes et al., 2008).

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