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Effets de la présence d’une cible sur le jet de plasma

Chapitre 1 – Etat de l’art

3. Interaction plasma/cible

3.2. Effets de la présence d’une cible sur le jet de plasma

La réponse du plasma lorsque celui-ci est en contact avec une cible est très complexe à définir de manière précise. La position de la cible, sa conductivité ou encore son lien à une éventuelle masse électrique, engendre une multitude de cas à étudier tant le plasma réagira différemment. Dans notre cas, nous pouvons facilement voir à l’œil l’influence d’une masse électrique sous le liquide à traiter : l’intensité des émissions des espèces excitées du plasma augmente avec la fermeture du circuit électrique, par rapport au cas où la cible est flottante. En ce qui concerne la conductivité de la cible, selon sa valeur, elle permettra de renforcer ou non, le champ électrique axial le long de la décharge [116]. Plusieurs effets physiques au niveau du plasma sont évoqués lors de l’ajout d’une cible sous le plasma par rapport au cas sans cible (freejet).

3.2.1. Champ électrique

Le champ électrique peut être mesuré en un point du jet de plasma par plusieurs méthodes communément utilisées dans le domaine des plasmas froids à pression atmosphérique.

L’une de ces méthodes consiste à utiliser la polarisation Stark sur des raies d’hélium [117]. Plusieurs de ces raies peuvent être utilisées pour mesurer le champ électrique : 492.1 nm, 447,1 nm et 402.6 nm par exemple [117], [118]. La raie choisie importe peu, c’est donc la plus intense qui doit être préférée pour maximiser les chances d’observer correctement la polarisation Stark [118].

Le principe est le suivant : lors de l’apparition d’un champ électrique, les raies ont tendance à s’éloigner, signe que la polarisation Stark apparaît. Les raies d'hydrogène et d’hélium sont particulièrement sensibles aux champs électriques du fait du faible nombre d’électrons que ces espèces possèdent. Lorsqu'un champ électrique est appliqué, trois sous-niveaux apparaissent pour chacune de ces raies ( -, +, Π). Le sous-niveau Π peut

par exemple être isolé en utilisant un polariseur positionné sur le chemin optique entre le plasma et l’entrée du spectromètre optique. Considérons le niveau Π de la raie d’hélium à 447.1 nm. Lorsqu'un champ électrique est appliqué, trois raies, plus ou moins fusionnées selon l’intensité du champ électrique, seront visibles sur le spectre : une raie dite « autorisée », une raie « interdite », et une raie correspondant au « field free » (noté ff) telles que représentées sur la Figure 16.

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Figure 16 : Déplacement spatial des trois composantes de la raie d’hélium initialement à 447.1 nm, sous l’effet d’un champ électrique par polarisation Stark [118].

La déconvolution de l’ensemble des raies observées est ensuite réalisée afin de faire apparaître distinctement les trois composantes de la raie d’hélium. Le déplacement spatial entre la longueur d’onde de la raie autorisée et celle de la raie interdite (généralement de l’ordre du dixième de nanomètre) est directement relié au champ électrique appliqué au point observé. Il est ensuite nécessaire de se référer à une table reliant ce déplacement avec la valeur du champ électrique, afin d’obtenir le champ électrique appliqué au point considéré [119]. La principale limitation de cette méthode repose sur la nécessité d’utiliser un spectromètre optique de bonne résolution spectrale. Grâce à cette technique, il a été montré que plus la cible se rapproche du jet de plasma, plus le champ électrique le long du canal de gaz se renforce, tel que montré sur la Figure 17. A l’inverse, plus la cible s’éloigne de la source plasma, moins la cible a d’influence sur le jet de plasma, comme on pourrait l’observer dans le cas freejet.

En particulier, à l’approche de la surface de la cible, le champ électrique peut facilement doubler par rapport à sa valeur en freejet au même point. Il a cependant été montré que dans le cas d’un débit élevé, les champs électriques entre les cas sans et avec cible se rapprochent [120]. En effet, comme la diminution du débit provoque une augmentation des échanges hydrodynamiques entre le plasma et l’air, les lignes de potentiel électrique ont tendance à se rapprocher [120]. La pureté du canal de gaz rare est donc directement reliée au champ électrique car un plasma possédant plus d’impureté nécessite un champ électrique plus intense pour se développer.

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Figure 17 : Intensité du champ électrique en fonction de la position dans la plume lorsque le liquide est située à 5, 7 et 10 mm, ou dans le cas freejet [117].

Une autre méthode pour mesurer le champ électrique en un point du plasma repose sur l’utilisation de l’effet Pockels grâce à un cristal électro-optique tel que le BSO (Bi12SiO20).

Le dépôt de charges électriques sur la surface du cristal provoque une biréfringence du cristal se traduisant par le changement d’indice de réfraction selon un de ses axes. Cet effet apparaît uniquement lorsque des charges impact le cristal, d’où l’apparition d’un champ électrique à leur voisinage. Un laser est envoyé dans le cristal pour observer son changement de polarisation, dépendant directement du champ électrique appliqué. Une société française du nom de « Kapteos » utilise l’effet Pockels dans leurs sondes électro- optiques non invasives, qu’il faut approcher du jet de plasma pour obtenir des informations sur les valeurs radiales et longitudinales du champ électrique [121].

La comparaison entre le cas freejet et le cas avec une cible en cuivre à 1 cm de la sortie de la source, telle que représentée sur la Figure 18, met en avant une variation du champ électrique suggérant qu’un autre phénomène apparaît lorsqu’une cible conductrice est traitée : un rebond de l’onde d’ionisation dans le canal de gaz.

Le champ électrique possède plusieurs extrema locaux suggérant que les émissions du plasma s’intensifient à intervalle régulier, signe qu’un rebond de l’onde d’ionisation est observé. Ce sera l’objet d’une discussion plus tard dans ce travail.

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Figure 18 : Intensité du champ électrique a) longitudinal et b) radial en un point fixe dans le tube, dans le cas où la cible métallique est à 1 cm de la source et dans le cas

freejet [121].

3.2.2. Strioscopie (suivi de l’écoulement d’un gaz)

La strioscopie (« Schlieren » en allemand) permet de suivre l’écoulement d’un gaz grâce aux variations des indices de réfraction entre l’air environnant et le gaz injecté dans la décharge. Le principe de cette technique repose sur la réfraction de la lumière suite au changement d’indice induit par le milieu sondé. L’expérience consiste en une lampe qui éclaire la zone de l’écoulement dont on veut suivre l’évolution. Certains faisceaux lumineux sont réfractés par le milieu avant d’être collectés par une caméra. Des zones plus ou moins sombres apparaissent, indiquant des gradients d’indices de réfraction au niveau du mélange du gaz plasmagène et de l’air.

Cette technique a notamment pu mettre en évidence le renforcement de l’écoulement du gaz lorsque le plasma est allumé, par rapport au cas sans plasma, grâce à la force électrodynamique induite par le champ électrique créé par le jet de plasma [122]. Il a également été démontré qu’une cible en cuivre reliée à la masse permet d’attirer le flux de gaz jusqu’à la cible, contrairement au cas où la cible est à un potentiel flottant, comme représenté sur la Figure 19.

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Figure 19 : Influence de la mise à la masse de la cible sur l’écoulement du gaz et sur le jet de plasma [122].

L’ajout d’une cible liquide sous le plasma engendre là aussi une modification sur l’écoulement du gaz. Des tourbillons aux alentours de la surface du liquide ont pu être observés, comme l’indique la Figure 20.

Figure 20 : Images de strioscopie du jet de plasma avec et sans cible liquide [122].

L’apparition de tels tourbillons indiquent des phénomènes de turbulence juste au-dessus de la cible liquide, à l’origine d’un meilleur mélange entre l’air et le plasma. Ces phénomènes sont très importants à comprendre car ils sont à l’origine d’un meilleur échange d’énergie entre le plasma et l’air environnant, provoquant ainsi la production d’une plus grande quantité de RONS en phase gazeuse, avant d’être déposés en phase liquide.

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3.2.3. Bilan de la rétroaction de la cible sur le jet de plasma

La rétroaction de la cible liquide sur le jet de plasma a permis de comprendre que la caractérisation du plasma en freejet ne peut pas être extrapolée à une situation où une cible est présente sous le plasma. Le fait d’imposer la présence d’un matériau en face du jet engendrera des modifications physico-chimiques sur ce dernier. Il faut donc se rapprocher le plus possible de l’application finale pour éviter de constater de gros changements entre l’expérience faite au laboratoire, et l’application en industrie ou en hôpital par exemple. De plus, la communauté des plasmiciens tend à résoudre ce problème en créant une nouvelle génération d’alimentation capable de contrôler les paramètres du jet de plasma face à diverses cibles (conductrices ou isolantes par exemple) [123], [124], ce qui pourrait s’avérer très utile notamment dans le domaine biomédical où chaque tissu humain a une conductivité propre, en plus de dépendre de son porteur.