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Chapitre 1 – Etat de l’art

3. Interaction plasma/cible

3.1. Effets du plasma sur une cible liquide

Notre étude se base sur l’interaction d’un jet de plasma à pression atmosphérique avec une cible liquide dont on veut éliminer les polluants. Cette tâche est rendue complexe par le très grand nombre de paramètres qui peuvent influencer le plasma, tels que la tension, le débit, la fréquence des impulsions, etc. L’exploitation de ces paramètres engendre divers effets sur le plasma, allant de la modification de sa longueur jusqu’à sa capacité à produire des espèces réactives en grande quantité. En général, l’efficacité d’un plasma est traduite par le nombre et la variété des agents oxydants qu’il est capable de

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23 créer. Ces agents sont les suivants : température du gaz, radiations UV/VUV, champ électrique et espèces chargées, espèces excitées, RNS et ROS. Ces agents ont des importances différentes selon la nature du polluant de l’eau à éliminer. Dans ce qui suit, ce sont principalement les cellules vivantes qui sont considérées pour évaluer les effets de ces différents agents.

3.1.1. Température du gaz

La température du gaz a un rôle mineur dans la mort cellulaire. Toutes les cellules ont une température de rupture qui engendre leur mort, mais en général, et c’est le cas ici, la température du jet de plasma (assimilée à la température du gaz) est proche de la température ambiante. La température de l’eau traitée est approximativement de 45 °C après 20 minutes de traitement dans les conditions les plus drastiques, ce qui ne représente pas une élévation de température très élevée pour le liquide. Il faut cependant noter que la température du liquide n’est pas forcément exactement la même que la température instantanée de la membrane de la cellule. Il existe en effet un processus nommé thermoporation qui se produit sur la surface de la cellule. Ce phénomène a lieu lors de la recombinaison entre un électron et un ion, ou lorsqu’une espèce excitée se désexcite au niveau de la membrane : une libération de chaleur instantanée et locale a lieu, provoquant des dommages réversibles ou non sur la membrane cellulaire [100], [101].

3.1.2. Radiations UV/VUV

Les radiations UV/VUV ont des propriétés germicides : elles sont absorbées par l’ADN des cellules en leur infligeant des dommages plus ou moins sérieux selon la quantité et la longueur d’onde des UV/VUV en jeu. Parfois ces radiations sont à l’origine de la mort cellulaire [25], [28]. Certains hôpitaux allemands sont munis depuis plusieurs années de ce type de décharge, afin que leurs personnels soignants puissent se désinfecter les mains en quelques secondes [102] grâce aux rayonnements UV/VUV qui sont produits. L’objet de désinfection est représenté sur la Figure 13.

Figure 13 : Décharges plasma (en haut et en bas de la boite) pour la décontamination rapide des mains par radiations UV/VUV [102].

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24 La génération d’UV (UVC, UVB et UVA) est relativement faible et n’explique pas tous les effets bactéricides associées aux jets de plasma [103]. Par contre, ces UV vont non seulement interagir avec l’air environnant mais aussi avec la phase liquide placée sous le jet, ce qui peut induire des réactions photochimiques. Les radiations UV ayant des longueurs d’onde supérieures à 185 nm peuvent pénétrer le liquide en profondeur [104], [105], provoquant la dégradation de composés tels que les nitrites et les nitrates selon les réactions suivantes [106] : NO2- + h → NO + O - (3) NO3- + h → NO2 + O - (4) NO3- + h → NO2- + O (5) O + H2O → 2OH (6) O - + H 2O → HO + HO- (7)

Les nitrites et les nitrates, déposés en phase liquide grâce au plasma, peuvent donc réagir avec les UV afin de créer des hydroxydes et des radicaux hydroxyles. Toutefois, le rôle des UV ne s’arrêtent pas là car d’autres composés oxygénés peuvent interagir avec eux selon les réactions suivantes [106] :

H2O2 + h → 2HO (8)

HO + H2O2 → H2O + HO2 (9)

HO2 + H2O2 → O2 + H2O + HO (10)

Un équilibre entre la formation des HO et des H2O2 se met en place tant que le plasma

est allumé. Une fois le plasma éteint, la réaction chimique principale devient la recombinaison des HO pour former des H2O2 telle que [106] :

HO + HO → H2O2 (11)

3.1.3. Champ électrique et espèces chargées

Le champ électrique et les espèces chargées sont également des facteurs germicides majeurs impliqués dans la mort cellulaire. En effet, l’accumulation des particules chargées, créées en plus ou moins grande quantité selon la valeur du champ électrique, provoquent la perméabilisation de la membrane de la cellule lorsque la force électrostatique devient trop grande face à la tension de surface de la membrane : c’est l’électroporation [107], [108]. Cette technique permettant de créer des pores dans des cellules est d’ailleurs largement utilisée sans avoir recours aux plasmas froids, puisque des champs électriques pulsés suffisent [109]. La perméabilisation de pores suggère deux

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25 applications possibles, l’une reposant sur la modification du code génétique de la cellule en y faisant rentrer de l’ADN ou des espèces chimiques, l’autre reposant sur l’extraction du contenu cellulaire dans le but d’inactiver la cellule, telles que représentées sur la Figure 14.

Figure 14 : Schéma simplifié de l’électroporation d’une cellule après application d’un champ électrique, amenant à l’extraction ou à l’addition de substances dans la cellule

[110].

3.1.4. Les espèces excitées

Les espèces excitées sont généralement situées en phase gazeuse, là où le plasma interagit avec le gaz environnant. Les transferts énergétiques entre les électrons, le gaz de la décharge et le gaz de l’air environnant permet de produire une grande quantité d’espèces excitées. Dans le cas d’un plasma d’hélium, ce sont les atomes d’hélium métastables qui sont, avec les électrons, les principaux vecteurs de l’énergie du plasma. L’énergie qu’ils peuvent emmagasiner (19.8 eV) permet d’ioniser une grande partie des molécules/atomes que ces métastables rencontrent [111], [112]. De plus, comme mentionné plus tôt, les espèces excitées en phase liquide peuvent engendrer des phénomènes de thermoporation au niveau des membranes cellulaires.

3.1.5. Les espèces réactives de l’oxygène et de l’azote (RONS)

Les espèces réactives représentent le facteur principal conférant au plasma son caractère oxydant. Leur nature fortement oxydante explique en grande partie le caractère antiseptique du plasma [113] mais ne se résume pas qu’aux cellules du vivant. En effet, d’autres polluants de l’eau peuvent être affectés. Les RONS sont générés dans des quantités définies principalement par le type de décharge, sa géométrie, le gaz environnant le plasma et le gaz injecté la décharge. Dans le cas de notre configuration (jet de plasma à pression atmosphérique généré dans un mélange hélium/oxygène) les ROS tels que H2O2, O3, O2-, HO et les RNS tels que NO , NO2-, NO3-, ONOO-, sont créés

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26 en quantités relativement importantes en phase gazeuse, puis sont déposées en phase liquide en passant par l’interface liquide/gaz où les espèces changent d’état, comme le montre la Figure 15.

Figure 15 : Schéma général des transferts des espèces chimiques à l’interface plasma/liquide [114].

Les RONS peuvent être classés en deux catégories : les espèces à longue durée de vie et les espèces à courte durée de vie. Les premières comprennent des espèces telles que H2O2,

NO2-, NO3- et O3. Les espèces à courtes durée de vie regroupent les espèces radicalaires,

voire ioniques, telles que NO , O2 - et HO . A titre d’exemple, NO a de bonnes propriétés

lipophiles, et grâce à sa petite taille il peut traverser la membrane biologique des cellules [115], c’est donc un très bon germicide. Il est à l’origine de la création de la plupart des autres RNS, d’où l’importance de sa génération en phase liquide [115]. De plus, les NO2-

sont de très bon oxydants et participent à la formation des NO moléculaires sous des conditions acides [115].

3.1.6. Bilan des agents oxydants générés par le jet de plasma

L’intérêt principal des jets de plasma repose sur le vaste panel d’agents oxydants qu’ils sont capables de générer. L’ajout d’une cible sous le jet de plasma (qu’elle soit de nature solide, liquide ou même gazeuse) permet de modifier ses propriétés physiques et chimiques. Dans les exemples énoncés précédemment, nous nous intéressions à la réponse d’une cellule vivante face à aux agents oxydants générés par le plasma. L’une des forces des jets de plasma repose sur l’absence de sélectivité de ces agents vis-à-vis des espèces à éliminer, qu’elles soient vivantes (microorganisme, virus, etc.) ou non (colorant, médicament, herbicide, etc.). Dans les deux cas ce sont surtout les RONS qui ont un rôle à jouer. Les autres agents oxydants occupent des rôles un peu plus secondaires, même si, du point de vue de la cellule par exemple, la perméabilisation des membranes cellulaires

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27 grâce à l’électroporation ou à la thermoporation permettent de considérablement augmenter les chances de rendre l’attaque des RONS plus efficace.