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Détection et quantification des RONS en phase liquide

Chapitre 1 – Etat de l’art

Chapitre 4 Influences chimiques du jet de plasma sur la cible liquide

4. Détection et quantification des RONS en phase liquide

Le transfert d'énergie entre le plasma et l'air ambiant représente le phénomène crucial dans la création et le dépôt d'espèces réactives en phase liquide. En effet, la quantité et la variété des espèces excitées en phase gazeuse fournissent des informations sur les espèces déposées et générées en phase liquide. L'interface entre ces deux phases est le siège de nombreuses réactions chimiques : l’interprétation des mécanismes de formation d'une espèce particulière en phase liquide est ainsi très difficile. La complexité provient également de la nature et de la quantité des espèces chimiques, qui peuvent changer en fonction de leur environnement chimique et du nombre de collisions à l'interface gaz/liquide qu'elles subissent. Cette partie concerne la révélation et la quantification des RONS en phase liquide, pour chacune des deux sources plasma utilisées.

4.1.

Evolution spatio-temporelle des RONS

Le transfert d'une espèce gazeuse jusqu’en phase liquide peut être conceptualisé par un changement de densité : une barrière que l'espèce sous forme gazeuse doit surmonter pour entrer dans la phase liquide [159]. L'utilisation d’une solution contenant de l’amidon et de l’iodure de potassium permet d'évaluer la distribution spatio-temporelle de plusieurs composés oxydants [197]–[200], [155], à savoir : l’ozone dissous, le peroxyde d'hydrogène, l’oxygène dissous et le nitrate qui sont créés par l’interaction entre le jet de plasma, le gaz l’environnant et le liquide traité. Le complexe coloré (de couleur violette) est généré par la réaction des agents oxydants avec les ions iodures, réagissant ensuite avec l'amidon après transformation en ion triiodure. La Figure 84 montre quelques photographies où la distribution en trois dimensions de ce complexe apparaît au cours du temps, symbolisant le dépôt et la création des RONS cités précédemment en phase liquide. Seule la source asymétrique est utilisée car aucune différence n’est visible avec l’autre source. Comme l’ajout d’une quelconque électrode sous le cristallisoir aurait masqué la création et la diffusion du complexe coloré, les pinces maintenant le cristallisoir ont été reliées à la masse.

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Figure 84 : Vues du dessous (en haut) et de côté (en bas) du traitement d’une solution contenant un mélange de KI/amidon après a) 1 s, b) 10 s, c) 1 min, d) 2 min et

e) 3 min de traitement par le plasma issu de la source asymétrique.

Le filament violet, observé dès le contact entre le plasma et la surface du liquide, suit un mouvement circulaire à la surface du liquide. Lors des premières secondes du traitement, un filament atteint le fond du cristallisoir en traversant une épaisseur de 11 mm de liquide. Ce phénomène a également été relevé par Kawasaki et al. [199]. L’explication la plus probable repose sur l’onde de choc primaire que le jet de plasma délivre au liquide lorsqu’il s’allume, faisant ainsi pénétrer des RONS en phase liquide dès le début du traitement. Ce filament se dissipe ensuite dans tout le volume du liquide en quelques secondes. Un autre filament se développe ensuite à sa surface jusqu’à atteindre l’un des bords du cristallisoir. Plusieurs secondes de traitement sont nécessaires pour faire apparaître un second filament symétriquement opposé au premier. A ce stade, seule la surface du liquide est concernée par l’apparition des complexes. Après 1 minute, ces derniers recouvrent une grosse partie de la surface du liquide en formant un « 8 ». La surface est ensuite totalement occupée par le complexe, avant de diffuser dans tout le volume du liquide. Trois minutes sont nécessaires pour que le complexe violet atteigne le fond du cristallisoir.

L’un des mécanismes principaux expliquant le dépôt des espèces réactives générées dans l’interface gaz/liquide repose sur leur transfert de masse en phase liquide [201]. Cependant, les photographies de la Figure 84 montrent qu’il faut également tenir compte de la convection forcée par le jet de plasma sur le liquide, améliorant ainsi le transfert d'espèces réactives dans cette phase [159]. En effet, la loi de Henry, qui reflète l'équilibre entre la quantité d'une espèce en phase liquide et sa pression partielle en phase gazeuse, permet de forcer le dépôt d’une espèce chimique si elle est peu présente en phase liquide alors que sa pression partielle au-dessus du liquide est élevée. Le dépôt de cette espèce en phase liquide est alors possible jusqu’à un certain point correspondant à l’équilibre

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140 entre sa concentration de chaque côté de l’interface. La convection forcée du liquide peut permettre aux espèces fraichement déposées en son sein de se mélanger dans le liquide, abaissant dans ce cas localement à sa surface la concentration de l’espèce considérée. D’où une nouvelle tendance de retour à l’équilibre chimique, en continuant le transfert de l’espèce en phase liquide par la loi de Henry. Des modèles sont actuellement à l'étude pour mieux comprendre les principales réactions de pénétration des RONS en phase liquide [201]–[204]. En particulier, Tian et al. [203] ont montré que l'évaporation du liquide pendant son traitement par le plasma est un des mécanismes principaux dans la production de peroxyde d’hydrogène et de radicaux OH en phase gazeuse. De plus, l’exploitation d’un modèle numérique faisant état du phénomène de convection du liquide par le plasma [204], en bonne corrélation avec les résultats issus de travaux expérimentaux [205], montre une évolution temporelle du dépôt d’H2O2 similaire au dépôt

des RONS en phase liquide que l’on observe sur la Figure 84 (dépôt en surface puis dans tout le volume du liquide).

4.2.

Mesure de la concentration des RONS

La solution contenant de l’amidon et du KI permet de suivre la distribution spatio- temporelle de certains RONS générés par le jet de plasma se déposant dans le liquide. Toutefois elle ne permet pas de distinguer quels RONS initient la formation du complexe amidon/KI. Pour cela, il est nécessaire d'utiliser des techniques sensibles à des espèces spécifiques afin de mesurer leur concentration.

Le peroxyde d'hydrogène (H2O2), les nitrites (NO2-) et les nitrates (NO3-) sont parmi les

espèces à longues durées de vie les plus oxydantes que le jet de plasma est capable de créer et d’apporter à la cible liquide. Ils représentent des acteurs importants dans les propriétés réactives attribuées aux plasmas froids à la pression atmosphérique [73], [74], [159], [206], [207]. Les mécanismes réactionnels menant à leur formation peuvent varier selon la variété des espèces initialement présentes dans le jet de plasma, il en existe une multitude [208], [209] et font encore aujourd’hui l’objet de recherches plus poussées. Mesurer la concentration de ces trois RONS en phase liquide est primordial pour mieux comprendre les effets chimiques du jet de plasma sur le liquide traité.

La Figure 85 représente les concentrations d’H2O2 en phase liquide avec les deux sources,

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Figure 85 : Effets du temps de traitement et de la géométrie de la source sur la concentration en H2O2 en phase liquide.

La formation des H2O2 s'explique par la vapeur d'eau libérée par le liquide sous le jet de

plasma. La vapeur d'eau, en contact avec des espèces comme des électrons, se décompose en radicaux hydroxyles. Ces radicaux sont ensuite capables de se recombiner entre eux pour former du peroxyde d'hydrogène selon la réaction suivante [73], [74] :

( £ ( £ ( (65)

La recombinaison des radicaux hydroxyles a lieu principalement à l'interface gaz/liquide [73]. Les peroxydes d’hydrogène qui en résultent sont ensuite transportés dans le liquide. La Figure 85 montre une production linéaire de cette espèce en fonction du temps de traitement quelle que soit la source utilisée, d’après les coefficients de corrélations indiqués pour chaque source. Un temps de traitement de 20 minutes est nécessaire pour observer une différence significative entre les deux sources, dans ce cas on mesure une différence de 130 µM entre les deux sources (soit un écart relatif de 17%). La différence dans la production des H2O2 observée entre les deux sources se situe là-aussi au niveau

de la présence du réservoir de la source asymétrique. Ce réservoir semble en effet être le siège de réactions chimiques différentes par rapport au cas de la source symétrique, comme le gaz y est retenu plus longtemps. De plus, l’éloignement des parois de la source permet aux électrons de provoquer un plus grand nombre de chocs efficaces avec d’autres espèces (telles que He, O2 ou encore N2), plutôt que de se recombiner aux parois de la

source et ainsi perdre leur énergie [210]. La densité des espèces réactives en phase gazeuse aurait donc tendance à être renforcée dans la source asymétrique.

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142 Les concentrations en NO2- et en NO3- sont présentées sur la Figure 86 et montrent des

évolutions complètement différentes de celles des H2O2.

Figure 86 : Effets du temps de traitement et de la géométrie de la source sur la concentration en a) NO2- et en b) NO3- en phase liquide.

Le comportement des concentrations de ces deux espèces en phase liquide est le même entre les deux sources. Ces concentrations ont tendance à augmenter linéairement durant les 10 premières minutes. A partir de ce temps, deux comportements opposés sont observés : la concentration en nitrite diminue fortement, tandis que la concentration en nitrate augmente plus rapidement que la production linéaire initiale le laissait supposer. Le plasma généré dans la source asymétrique correspond à celui qui fournit les concentrations les plus élevées en NO3- pour tous les temps d'exposition. A l’inverse,

après 10 minutes de traitement, la concentration en NO2- générée en phase liquide avec

la source asymétrique devient plus faible que celle générée avec l’autre source. L'explication la plus probable repose sur la transformation des nitrites en nitrates lorsque le pH du milieu devient acide [73]. En effet, l’étude de la formation de peroxynitrite dans l’eau lors de son traitement par une décharge de plasma dans l'air a montré l'importance de la réaction suivante expliquant, au moins en post-décharge, la conversion des nitrites en nitrates [73] :

( ( ( ( (66)

Le pH du liquide conditionne donc la force de cette réaction chimique, de même que la concentration en H2O2 (relativement élevée après 10 minutes de traitement, comme

l’indique la Figure 85).

Pour s’assurer que cette réaction chimique peut avoir lieu, le pH est mesuré. C’est l’objet de la Figure 87 montrant l'évolution du pH en fonction du temps de traitement et de la géométrie de la source.

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Figure 87 : Effets du temps de traitement et de la géométrie de la source sur le pH de la cible liquide.

La mesure du pH à 0 minute correspond au pH de l'eau ultra-pure non traitée (à ce stade elle ne contient quasiment aucun ion), c’est-à-dire à sa sortie du générateur d’eau ultra- pure. Malgré sa faible teneur en ions, il est d’usage de considérer son pH égal à 7, à une unité près.

Le type de source ne semble pas important dans le processus d'acidification du liquide. Traiter le liquide pendant 5 minutes permet de diminuer son pH jusqu’à 4 pour les deux sources. Après 20 minutes de traitement, le pH atteint 3. Cette baisse rapide est typique d'un liquide non tamponné comme de l'eau ultra-pure ou l'eau déionisée [207]. Dans ces conditions, la majeure partie de l'acidité du liquide provient du dépôt des ions nitrite et nitrate sous la forme d'acide nitreux (HNO2) et d'acide nitrique (HNO3) respectivement

[74]. L’action du dioxyde de carbone de l’air est également responsable de la baisse du pH lors de sa dissolution dans le liquide [206]. Comme le pH est identique entre les deux sources, nous pourrions supposer que la formation des nitrites est renforcée dans la source asymétrique, tout comme la formation des peroxydes d’hydrogène, ce qui favoriserait la conversion des nitrites en nitrates. Il faut cependant noter que dans [73], la réaction (66) est validée uniquement au cours de la post-décharge. Dans notre cas, le traitement par le plasma est actif pendant que la conversion des nitrites et des nitrates est relevée. On ne peut donc pas affirmer que seule cette réaction se produit comme d’autres espèces sont continuellement apportées par le jet de plasma. Il y a toujours une compétition entre la création d'espèces due au traitement par le plasma en cours, ainsi que la destruction

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144 de ces espèces par d’autres processus chimiques, impliquant les produits créés par le plasma. L’interprétation des résultats est donc difficile et délicate à effectuer.

Afin de révéler les différences, en termes de mécanismes réactionnels à l’origine de la création et/ou de la destruction des nitrites et des nitrates, il est intéressant de comparer la proportion des nitrates par rapport aux nitrites, en un temps donné. C’est l’objet du Tableau 12 qui se focalise sur les parties des courbes quasi-linéaires de la concentration des NOx pour chacune des sources de la Figure 86, c'est-à-dire entre 1 et 5 min.

Tableau 12 : Proportion des nitrates par rapport aux nitrites en un temps donné (1, 3 et 5 min) pour chacune des deux sources. Les concentrations sont données en µM.

Pour la source asymétrique, le rapport de ces concentrations augmente jusqu'à un facteur égal à 2,42 en 5 minutes. Cela signifie que pour un ion nitrite créé, deux à trois ions nitrates sont produits. A l’inverse, ce rapport est proche de 1 pour la source symétrique. Cela prouve que la conversion des NO2- en NO3- ne s'effectue pas de la même manière

selon le type de source utilisée. Les mécanismes réactionnels conduisant à la formation et à la destruction des espèces réactives, à la fois en phase gazeuse et en phase liquide, sont différents selon la géométrie de la source étudiée.

5. Mécanismes de dégradation d’une molécule complexe : le