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Chapitre 1 – Etat de l’art

2. Introduction aux plasmas froids

2.2. Création des plasmas froids

Dans son état naturel, un gaz est un isolant électrique. Par contre si on lui applique une différence de potentiel suffisante, il devient conducteur. La tension à partir de laquelle le gaz passe de l’état isolant à conducteur se nomme « tension de claquage ». Ce phénomène

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16 s’observe naturellement lors d’un orage : la grande différence de potentiel appliquée entre le nuage d’orage (chargé négativement) et la terre (chargée positivement) rend l’air conducteur, induisant ainsi un passage à l’arc dans l’air.

En 1889, Friedrich Paschen a remarqué que la tension de claquage dépendait fortement du produit entre la pression (P) et la distance inter-électrode (d). La Figure 7 présente les courbes de Paschen pour différents gaz.

Figure 7 : Courbes de Paschen dans différents gaz [75].

La tension de claquage varie selon le gaz étudié et selon le produit P·d. Les courbes de Paschen ont des formes paraboliques, il y a donc une valeur P·d pour laquelle la tension de claquage est minimale. Trois zones peuvent être distinguées :

- lorsque le produit P·d est petit, le libre parcours moyen des électrons est grand car la pression est faible, ce qui a pour effet de diminuer la probabilité de collisions entre les électrons et les neutres. Cette zone correspond au claquage de type pseudo-spark ; - pour des produits P·d élevés (pression élevée), les électrons ont une énergie cinétique trop faible entre deux collisions pour produire des collisions efficaces avec les neutres. Cette zone correspond au claquage de type streamer ;

- la zone centrale, qui contient le minimum de la courbe de Paschen, où la tension de claquage est la plus faible. Le claquage en jeu est de type Townsend.

Le modèle de Townsend, utilisé pour expliquer le claquage d’un gaz dans des conditions de faible pression, n’est pas valable pour décrire le claquage d’un gaz à pression atmosphérique. En effet, les mécanismes de charge d’espace, dus aux hautes densités ioniques et électroniques, commencent à gouverner la dynamique des particules chargées, contrant ainsi le champ électrique externe appliqué. On parle alors de claquage de type « streamer ».

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17 Les caractéristiques courant/tension des régimes Townsend et streamer sont représentées sur la Figure 8.

Figure 8 : Caractéristique courant/tension pour une décharge suivant le régime de Townsend (basse pression) ou de streamer (haute pression) [76].

A haute pression ou pour un produit P·d élevé, la décharge est de type couronne (décharge dans l’air) ou filamentaire (décharge initiée dans un gaz rare par exemple). La condition d’obtention d’une décharge streamer au lieu d’une décharge de Townsend est donnée par le critère de Meek et Raether selon l’égalité : [77], [78] où xcrit est la taille critique de l’avalanche électronique qui conduit au claquage du gaz.

Si le nombre d’électrons créé par l’avalanche électronique Ncrit atteint 108, le champ de

charge d’espace E’ devient du même ordre de grandeur que le champ électrique externe E0 (E’ > E0/3). Dans ce cas, le claquage du gaz s’amorce sous un claquage de type

streamer car le champ dans la tête de l’avalanche est déformé, tel que représenté sur la Figure 9.

Figure 9 : Champ électrique dans une configuration plan/plan lors d’une avalanche électronique : a) déformation du champ électrique à la tête du streamer par le champ

de charge d’espace de l’avalanche, b) résultante du champ électrique appliquée aux charges positives et négatives du streamer [75].

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18 La distorsion de champ électrique renforce la vitesse de propagation de l’avalanche électronique, d’où la plus grande rapidité de mise en place du claquage streamer par rapport au claquage de type Townsend. A l’endroit dans la décharge où ce critère est atteint, deux streamers opposés se propagent : l’un est un streamer positif constitué de cations se propageant vers la cathode tel que montré sur la Figure 10, l’autre est un streamer négatif constitué d’électrons se propageant vers l’anode tel que montré sur la Figure 11.

Figure 10 : Streamer se propageant vers la cathode pour a) deux temps consécutifs où les photons jouent un rôle important dans la propagation du front d’ionisation. b)

représentation des lignes de champ de la tête du streamer vers la cathode.

Figure 11 : Streamer se propageant vers l’anode pour a) deux temps consécutifs où les photons jouent un rôle important dans la propagation du front d’ionisation. b)

représentation des lignes de champ de la tête du streamer vers l’anode.

Dans le cas du streamer positif, les électrons atteignent rapidement l’anode laissant derrière eux une nappe de cations constituant la tête du streamer (la tête est donc chargée positivement). Certains cations de la tête sont excités dut à l’avalanche électronique. Ils se désexcitent en émettant des photons suffisamment énergétiques pour ioniser des

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19 neutres en avant de la tête du streamer. Les électrons sont alors accélérés par la somme du champ laplacien et du champ de charge d’espace vers l’anode, déclenchant une nouvelle avalanche électronique. Ils se recombinent finalement avec les ions de la tête du streamer, laissant à leur tour une nouvelle nappe d’ions positifs qui jouera le rôle de la nouvelle tête du streamer. Le phénomène se poursuit jusqu’à ce que la chute de potentiel à la tête du front soit trop faible pour que l’ionisation des neutres se poursuive, ou alors si une barrière physique empêche le front d’aller plus loin. Quant au streamer négatif, les électrons qui constituent sa tête sont accélérés dans la zone d’amplification du champ électrique, tandis qu’une partie des électrons laissées à l’arrière du front participent à la neutralisation du canal ionisé.

Un canal conducteur se forme dès que le ou les streamers atteignent les électrodes. L’évolution du plasma après le passage du ou des streamers se traduit souvent par une instabilité de courant et une transition vers un équilibre thermique. Le gaz va chauffer à cause de l’énergie cinétique cédée aux neutres lors de la recombinaison des électrons avec les ions. Cette augmentation de température induit une augmentation de la pression et provoque une expansion hydrodynamique radiale du canal selon la loi P = NkT où P est la pression du gaz, N la densité des neutres, k la constante de Boltzmann, et T la température du gaz. L’expansion radiale du canal provoque la décroissance de la densité des neutres, augmentant ainsi le champ réduit E/N. Les mécanismes d’ionisation se trouvent à nouveau amplifiés dans un canal relativement conducteur. Il en résulte une augmentation brutale du courant et une thermalisation du milieu, d’où le passage à l’arc électrique si aucune précaution n’est prise. Une décharge à barrière diélectrique (DBD) permet d’éviter le passage à l’arc électrique, le canal conducteur est dans ce cas appelé filament.