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II. EFFETS BIOLOGIQUES DES RAYONNEMENTS IONISANTS

II.1. Effets moléculaires des rayonnements ionisants

II.1.1. Radiolyse de l’eau

Les effets biologiques des rayonnements ionisants résultent pour une large part de leur action sur l’eau qui représente environ 80 % du poids des organismes vivants. En effet, les rayonnements sont capables de décomposer l’eau par des processus complexes.

II.1.1.1. Formation des radicaux

Tout d’abord, un radical libre se définit comme une espèce portant sur sa couche électronique externe un ou plusieurs électrons célibataires (non apparié à un électron de spin opposé). Cette configuration confère à l'entité radicalaire une très haute réactivité chimique : les radicaux tendent à capturer un électron pour compléter leur couche électronique.

Le phénomène initial de la formation de ces espèces radicalaires est l’ionisation de la molécule d’eau nécessitant une énergie d’environ 13 eV.

On obtient la formation d’un radical cation, extrêmement instable (durée de vie 10-10 s) qui donne naissance à un radical neutre très réactif OH. (10-5 s). En effet, cette espèce radicalaire cationique se décompose de la manière suivante :

Le radical hydroxyle OH. est un agent oxydant puissant possédant une grande réactivité chimique malgré une durée de vie très courte. Il est considéré comme l’espèce principale à l’origine des radiolésions.

Les électrons arrachés lors de l’ionisation de molécules d’eau perdent progressivement leur énergie par « collisions » (à l’origine de la formation de radicaux H.) pour être finalement piégés par des molécules d’eau et donner des électrons aqueux qui sont des réducteurs puissants. Parmi les molécules d’eau étroitement liées aux électrons aqueux, certaines d’entre elles vont se dissocier pour donner naissance à des radicaux H. et HO. (figure 3). Dans les systèmes biologiques, les électrons aqueux peuvent à leur tour réagir avec le dioxygène dissous ou des molécules organiques.

Enfin, il est envisageable qu’une molécule d’eau soit simplement excitée sous l’effet des rayonnements ionisants. Cette molécule va ainsi ou bien se dissocier en radicaux HO. et H. ou bien se dissocier en radical OH. et ion H+ avec émission d’un électron et formation d’un ion H+. H2O +. H + + OH . e- + H2O e-aq + H2O OH- + H. H2O* H . + OH . H2O* H + + OH . + e- H2O H2O +. + e- Rayonnement ionisants

En résumé la radiolyse de l’eau aboutit à la formation d’espèces radicalaires telles que les radicaux H. et OH. (figure 3). Ces espèces vont pouvoir diffuser dans le milieu et être à l’origine de lésions au niveau des macromolécules biologiques telles que les protéines, les lipides et surtout l’ADN. 10-10 à 10-9 secondes après l'interaction avec le rayonnement ionisant, l'eau est donc devenue une solution plus ou moins concentrée en radicaux OH. et H. et en molécules de dihydrogène issues de la réaction :

H . + H . H2

Figure 3 : Radiolyse de l’eau.

H 2 O + . Irradiation H 2 O H + + HO . + e - e -aq H . + H 2 O H . + H 2 O H . + OH - H 2 O* Irradiation H 2 O OH . + H .

IO

N

IS

A

T

IO

N

E

X

C

IT

A

T

IO

N

H 2 O + . Irradiation H 2 O H + + HO . + e - e -aq H . + H 2 O H . + H 2 O H . + OH - H 2 O* Irradiation H 2 O Irradiation H 2 O* OH . + H . H 2 O OH . + H . H2O H3O+ H3O+ OH . + H + + e-

II.1.1.2. Devenir des radicaux et décomposition de l’eau

Après la radiolyse de l’eau, il existe une deuxième phase impliquant les molécules organiques présentes dans les milieux biologiques ; il s’agit d’une phase de décomposition moléculaire. Cette phase aboutit essentiellement à la formation de nouvelles molécules organiques. En effet, à partir de leur lieu de naissance les radicaux formés lors de la première phase radicalaire vont pouvoir diffuser et réagir entre eux : il y a alors recombinaison et formation de molécules d’eau, de peroxyde d’hydrogène et de dihydrogène. Il faut noter que la formation de peroxyde d’hydrogène est un phénomène important dans la mesure où il s’agit d’une espèce dotée d’un fort pouvoir oxydant à l’origine de lésions et plus particulièrement dans la cellule avec le phénomène de péroxydation lipidique aboutissant à la destruction des membranes. La probabilité qu’un type donné de réaction se produise dépend de la distribution spatiale des radicaux concernés. D’autres facteurs, tels que la pureté de l’eau et la présence ou l’absence de dioxygène dissous, comptent également.

II.1.2. Effet des rayonnements en solution aqueuse

Les milieux biologiques sont constitués d’environ 80 % d’eau, par conséquent une cellule peut être considérée comme une solution aqueuse de molécules organiques essentielles à son bon fonctionnement. Partant de cette schématisation, les rayonnements ionisants peuvent avoir deux actions :

- Une attaque directe des macromolécules. C'est l'effet direct des rayonnements.

Cet effet est classiquement considéré comme relativement peu important (15 à 20 % des lésions) mais aboutit à des lésions de ces molécules.

- Une attaque de l'eau, aboutissant à sa radiolyse avec la création d'espèces

radicalaires puis moléculaires qui interagiront avec les molécules du soluté. C'est l'effet indirect, prépondérant en biologie (80 % des lésions).

II.1.2.1. Effet direct

Les molécules ionisées et excitées présentent un excédent d’énergie et sont par conséquent très instables. Afin de retrouver leur stabilité, ces molécules vont dissiper leur excédent d’énergie selon deux modalités :

- Emission d’un photon (fluorescence) avec retour à l’état fondamental

- Par rupture homolytique d’une liaison de covalence en deux radicaux dont la durée de vie est très courte (10–5s en moyenne).

II.1.2.2. Effet indirect

L’effet indirect résulte de l’interaction des produits de la radiolyse de l’eau avec les molécules présentes dans la solution aqueuse. Les radicaux diffusent dans la solution et réagissent avec les molécules organiques entraînant leur modification chimique.

Pour une molécule organique notée R-H, il est possible d’observer :

- une déshydrogénation suivie d’une hydroxylation par les radicaux OH.

- une déshydrogénation par les radicaux H. et la formation de composés d’addition

- une ouverture des doubles liaisons par l’électron aqueux suivie de la formation de composés d’addition

Au total quel que soit le type d’effet direct ou indirect (ou quel que soit le mécanisme impliqué) toutes les molécules de la solution finiront par revenir à l’état stable mais certaines auront été modifiées chimiquement.

RH + OH . R . + H2O

R . + OH . ROH

RH + H . R . + H2

II.1.3. L’effet oxygène

Il est connu depuis longtemps que le dioxygène rend les cellules plus vulnérables au rayonnement. Bien que les mécanismes soient multiples et complexes, une des causes de cette radiosensibilisation est la réaction des radicaux libres organiques avec le dioxygène pour former un radical peroxyle. Si un composé organique est symbolisé par la formule R-H, R représentant le radical organique, les réactions s’écrivent :

L’électron aqueux peux également réagir avec le dioxygène dissous pour former l’anion superoxyde O2 .- lequel peut réagir à son tour avec une molécule d’eau formant le

radical HOO. et l’ion OH- [8].

Le dioxygène est un radiosensibilisateur puissant : présent au moment de l’irradiation, il augmente les effets initiaux du radical hydroxyle et contribue à fixer les radiolésions qui autrement seraient réparables.

8 Les clés du CEA.43, 2000. OH . + RH R. + H2O Rupture de la liaison R-H R . + O2 ROO .

Formation d’un radical peroxyle ROO . + RH ROOH + R . Formation d’un hydroperoxyde

R . + O2 ROO

.

Formation d’un autre radical peroxyle

H. + O2 HOO.

eaq + O2 O2 . –

II.1.4. Conclusion

L’interaction physique des rayonnements ionisants avec la matière constitue l’événement initiateur d’une longue séquence de processus chimiques puis biologiques pouvant entraîner une modification du patrimoine génétique ou la mort cellulaire. Entre cette interaction primaire et l’apparition d’effets biologiques, il se succède cinq étapes de durées inégales :

- Une étape « physique » très courte (< 10-15 s) correspondant aux tous premiers instants après l’irradiation. Elle entraîne la création d’espèces excitées dans le plasma cellulaire et l’ADN. Elle engendre ainsi une première altération des biomolécules par « effet direct ».

- Une étape « physico-chimique » (10-15 s < t < 10-12 s) au cours de laquelle les différents produits de l’interaction des rayonnements avec le plasma cellulaire atteignent la température du milieu : c’est le processus de thermalisation qui conduit à la formation de produits radicalaires tels que OH. , H., ainsi que des électrons hydratés e-aq qui sont de puissants réducteurs.

- Une étape « chimique » (10-12 s < t < 10-6 s), au cours de laquelle les différentes espèces créées diffusent et réagissent entre elles.

- Une étape « biochimique » qui débute lorsque les espèces radicalaires produites altèrent chimiquement les biomolécules présentes dans le milieu environnant (effet indirect) et entraînent leur dégradation.

- Une étape « biologique » suivant les altérations des biomolécules qui correspond à la prise en charge des dommages par les systèmes de réparation cellulaire. Cette réparation (plus ou moins fidèle) peut durer plusieurs heures et se traduit par l’apparition ou non de lésions moléculaires graves [8,9].

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