• Aucun résultat trouvé

Analyser les effets des pôles de compétitivité sur l’emploi : la

2.2.4 Effets de cluster et emploi

La littérature des clusters se focalise sur deux éléments principaux : la loca-lisation des activités dans un espace et les interactions entre les acteurs. Cette littérature, essentiellement empirique, vise à déterminer les effets de l’agglomé-ration des entreprises au sein d’un cluster (proximité géographique), compara-tivement à des firmes isolées ne faisant pas partie du cluster. Tous les travaux estimant cet effet testent l’hypothèse selon laquelle, "toutes choses égales par ailleurs, les performances des entreprises sont différentes dans les firmes faisant partie de clusters relativement aux firmes situées hors du cluster" (Signorini, 1994, p.371). Mesurer l’effet de cluster signifie mesurer les effets conjoints de la proximité géographique et du lien résiliaire.

Il existe de nombreuses formes de clusters. La définition théorique des clusters est donnée par Porter (1998b, p.78), il définit les clusters comme "des concen-trations géographiques d’entreprises inter-connectées, de fournisseurs spécialisés, de prestataires de services, d’entreprises dans des industries connexes et d’insti-tutions associées (par exemple les universités, les organismes de formation, les associations professionnelles) dans un domaine particulier qui peuvent être en concurrence mais aussi coopérer". Les clusters peuvent prendre des formes di-verses, tels que des districts industriels, des Systèmes Productifs Locaux, ou des pôles de compétitivité. Ces déclinaisons empiriques permettent de tester l’effet de cluster sur l’emploi car elles donnent un cadre et une définition précis de la forme de cluster, ainsi qu’un accès à des données. Une définition théorique ne permet en effet pas de cibler précisément les données nécessaires à l’analyse. 2.2.4.1 Effet de cluster et création d’emploi

Muscio et Scarpinato (2007) présentent une analyse de l’effet de district appli-quée à une problématique d’emploi. Cette analyse se penche sur les dynamiques d’emploi et de salaire dans des districts italiens et dans le reste de l’Italie. Dans un contexte national donné et dans un secteur industriel particulier, l’objectif de cette évaluation est de montrer les différences en termes d’emploi et de salaire entre les firmes faisant partie de districts et les firmes isolées. En s’inscrivant dans la perspective de l’étude de Signorini (1994), les auteurs analysent à la fois l’effet de district et son évolution dans le temps. L’objectif de cette évaluation est de savoir s’il existe des différences statiques et dynamiques significatives entre les évolutions d’emploi et de salaire à l’intérieur et à l’extérieur d’un district et si le modèle de district conduit à une meilleure compétitivité et des niveaux d’emploi plus élevés au sein d’un district. A partir de données d’emploi issues de l’Institut National Italien des Statistiques (1991 à 2001) pour tous les secteurs manufactu-riers (en excluant les données publiques) et des données portant sur les salaires

pour quatre industries manufacturières, sur la période 1994-1998, l’étude montre que, en moyenne, entre 1991 et 2001, le taux de croissance de l’emploi enregistré dans les districts est de 11%, alors qu’il est de 8% hors districts. De plus, l’em-ploi manufacturier (en crise sur la période observée) a diminué de 0,9% dans les districts et de 10,2% en dehors des districts. Le taux de croissance de l’emploi est supérieur dans les districts, de même les entreprises du secteur manufactu-rier appartenant à un district ont perdu moins de salariés que celles n’en faisant pas partie. Il existerait donc bien un effet de district significatif sur le taux de croissance de l’emploi. Les districts industriels ont eu un impact sur la création d’emploi en Italie.

Utilisant les mêmes données, mais ajoutant une composante géographique à leur analyse, Dei Ottati et Grassini (2008) réalisent une étude afin de mesu-rer l’effet de district sur l’emploi, en examinant les différences de croissance de l’emploi au sein de systèmes locaux (intégrant des districts au sens de Marshall et Becattini), comparativement à d’autres systèmes locaux (n’intégrant pas de district industriel). Les auteurs retiennent la croissance de l’emploi comme indi-cateur de la performance économique et sociale des territoires, cette information étant disponible au niveau des systèmes locaux et sur une longue période. Cet indicateur est dynamique, les changements de l’emploi sont en effet observés sur 10 ans, ce qui permet de tirer des conclusions importantes sur les dynamiques d’emploi dans les districts industriels. L’hypothèse testée est la suivante : les sys-tèmes productifs intégrant des districts industriels ont des performances et des dynamiques d’emploi supérieures aux systèmes locaux sans district. Les résultats montrent que la croissance de l’emploi est plus importante dans les systèmes lo-caux de districts comparativement aux systèmes lolo-caux de grandes entreprises. De plus, l’effet de district conduit à une croissance de l’emploi qui comble les pertes induites par la désindustrialisation dans les industries manufacturières.

Peu après la mise en place des pôles de compétitivité, Martin et al. (2011a) ont mené une étude sur les Systèmes Productifs Locaux, considérés comme pré-curseurs des pôles. Cette analyse s’attache à mesurer l’effet de cluster sur la productivité et l’emploi, à partir de données françaises. Plus précisément, les auteurs testent l’hypothèse selon laquelle la valeur ajoutée d’une entreprise dé-pend de son stock de capital, de sa force de travail et du nombre de travailleurs dans son secteur d’activité et son territoire (effet de cluster). La question cen-trale de cette étude est de savoir si les politiques publiques favorisant les clusters affectent positivement le développement de l’emploi dans les firmes appartenant aux clusters. Pour répondre à cette question, les auteurs utilisent des données françaises relatives aux SPL mis en place en 1999. Les données sont très riches et forment un panel sur la période 1996-2004. Les données utilisées proviennent de deux sources : l’enquête EAE et la liste de la DIACT des entreprises membres de SPL. Au total, 641 firmes sont observées et 45 SPL identifiés sur 341 zones

d’emploi. Seules les entreprises du secteur manufacturier sont prises en compte. L’étude montre qu’il existe des gains économiques à recourir aux clusters, mais qu’ils sont modestes. Entre 1996 et 2004, les entreprises faisant partie des SPL dans le secteur manufacturier, ont perdu moins d’emplois que les autres. Les au-teurs montrent que les firmes faisant partie des SPL emploient significativement plus de salariés que celles qui n’en font pas partie. L’effet sur l’emploi, même s’il est plus important que l’effet sur la productivité, demeure malgré tout lui aussi modeste. Les effets des clusters sur l’emploi seraient donc à nuancer, notamment en raison du caractère transitoire des gains associés à l’agglomération.

2.2.4.2 Effet de cluster et dynamiques salariales

Muscio et Scarpinato (2007) s’intéressent aux effets de districts sur la créa-tion d’emploi mais aussi aux dynamiques salariales dans les districts et dans le reste de l’Italie. Dans un contexte national et un secteur industriel particulier, l’objectif de cette évaluation est de montrer les différences en termes d’emploi et de salaire entre les firmes faisant partie de districts et les firmes isolées.

Les résultats tendent à montrer que le modèle de districts industriels offre de meilleures conditions de travail, susceptibles de maintenir les niveaux d’emploi et de salaire. Les auteurs cherchent à savoir s’il existe des différences significatives entre les dynamiques d’emploi et de salaire à l’intérieur et à l’extérieur d’un dis-trict. A partir de données recueillies au plan national, les auteurs comparent les écarts d’emploi et de salaire dans les industries situées dans des zones compre-nant des districts et les zones sans district. Deux types de données sont utilisés, (i) des données d’emploi issues de l’Institut National Italien des Statistiques, qui recensent les emplois de 1991 à 2001 pour tous les secteurs manufacturiers (en excluant les données du secteur public) ; (ii) des données portant sur les salaires pour quatre industries manufacturières, sur la période 1994-1998. Au total, en 2001, 199 zones d’emploi (Local Labour System) sont identifiées et 5 110 930 emplois sont recensés dans les districts industriels, contre 11 090 501 hors des zones avec des districts industriels. En moyenne, entre 1991 et 2001, les niveaux de salaire sont équivalents entre "les cols bleus et les cols blancs" à l’intérieur des districts, alors que des différences sont observées en dehors de ces zones. L’étude précise qu’il existe des différences de rémunérations mais ne mesure pas ces différences.

2.2.4.3 Effet de cluster et mobilité des salariés

Outre l’observation d’effets quantitatifs sur la création d’emploi, une partie de la littérature s’est intéressée à une dimension plus qualitative en tentant de déterminer les effets de l’appartenance à un cluster sur la mobilité des salariés.

Lundmark et Power (2008) déterminent l’impact de la localisation d’entre-prises dans un cluster sur la mobilité de leurs salariés. Selon cette analyse, la mo-bilité des salariés serait essentielle pour les clusters, elle favoriserait le transfert des connaissances (l’atmosphère industrielle de Marshall), mais aussi des compé-tences (externalités sur le marché du travail). Ces transferts permettraient aux entreprises de s’adapter aux évolutions du marché et aux innovations de produit et de procédé. La principale question posée par ce travail est de savoir si la mo-bilité à l’intérieur d’un cluster est plus forte que celle observée entre des firmes n’étant pas localisées dans le cluster. Se basant sur l’analyse des clusters de la région de Stockholm en 1990 et de 1995 à 2000 à partir de données similaires aux DADS individus de l’Insee (informations relatives aux lieux de travail), les résultats montrent qu’un cluster a des taux de mobilité des salariés plus élevés que celle des entreprises isolées. Autrement dit, les individus travaillant dans une entreprise appartenant à un cluster ont changé d’emploi plus souvent que ceux travaillant dans des entreprises n’appartenant pas à un cluster. De plus, les comportements de mobilité au sein du cluster concernent davantage les sala-riés ayant un niveau d’éducation plus élevé et mieux rémunérés. Ces individus ont tendance à aller vers des entreprises de secteurs en croissance. Ces travaux concluent sur le fait que la mobilité salariale au sein des clusters est déterminante pour le développement des connaissances et des compétences dans les secteurs en croissance, même si la mobilité ne touche que certains salariés.

2.3 De nouvelles perspectives pour observer et