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Capital social des entreprises et emploi : théorie et hypothèses

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4.1.1 Capital social des entreprises et emploi : théorie et hypothèses

4.1.1.1 Vers un cadre théorique

Westlund et Adam (2010, p.904) soulignent que, étant donné l’importance des mesures proposées dans la littérature, il convient de se demander comment le capital social influence les performances économiques des entreprises. Selon Bosma et al. (2002, p.228), dans la littérature, "l’impact du capital social sur la performance des entreprises n’a pas été défini dans une perspective théorique appropriée". Quelques études empiriques se sont cependant intéressées aux liens entre le capital social et les performances économiques des entreprises et per-mettent de comprendre ces liens.

Les études d’impact du capital social au niveau des organisations ne sont pas nombreuses dans la littérature, selon Westlund et Adam (2010), sur 65 études menées sur ce thème, 21 seulement le sont à l’échelle des entreprises1. De plus, ces études se sont davantage intéressées aux effets sur l’innovation et la croissance du revenu, qu’aux effets sur l’emploi.

(Akçomak et ter Weel, 2009) montrent par ailleurs que le capital social permettrait de dynamiser l’innovation par différents moyens, en particulier la confiance. Ils prolongent le raisonnement en démontrant que le capital social a un effet sur le revenu par tête, à travers le développement de l’innovation, à

l’échelle d’un pays. Le capital social est alors considéré comme une ressource, pour les organisations ou les pays, qui permet, à travers l’innovation, des dy-namiques économiques. Felzensztein et al. (2014) précisent, quant à eux, que la proximité géographique aide à la création et au développement du capital social par son effet sur la confiance. En effet, les relations répétées permises par la proximité géographique initient les relations et favorisent la confiance entre les acteurs.

Selon Westlund et Adam (2010, p.895), qui offrent une riche et large revue de la littérature sur les liens entre le capital social des entreprises et leurs perfor-mances économiques, il semble se dégager un consensus fort dans la littérature autour d’une relation positive entre les différentes mesures du capital social des entreprises et leurs performances économiques. Cette relation est en particulier vérifiée lorsque les liens de confiance peuvent être observés entre les organisa-tions. En matière d’emploi plus spécifiquement, le capital social pourrait avoir un impact sur les performances de l’entreprise, comme la part des emplois ma-nufacturiers ou le nombre de salariés, en jouant sur des liens directs et indirects. Peu d’études se sont penchées sur ces liens (cinq études selon Westlund et Adam (2010, p.909-919)), et seulement deux s’intéressent aux liens entre le capital so-cial et l’emploi au niveau des entreprises, une aux liens entre le capital soso-cial et les performances financières de l’entreprise.

L’analyse la plus directement liée au sujet de cette thèse est celle de Bosma et al. (2002). Ces auteurs montrent qu’il existe une relation de causalité positive entre le capital social et l’emploi. Ce travail questionne le lien entre l’investis-sement en capital humain et social des entreprises et l’amélioration des perfor-mances de l’entreprise. En outre, ils montrent que le "talent" des entrepreneurs n’est pas le seul facteur de performance d’une entreprise, son capital social joue également un rôle important. A partir d’une étude portant sur plus de 1 000 TPE et start-up allemandes, les auteurs montrent que l’investissement en capi-tal social des entrepreneurs, déterminé par leur participation à des associations de dirigeants notamment, a un impact sur les performances économiques de leur entreprise. Selon Bosma et al. (2002), l’investissement en capital social des en-treprises est un facteur favorisant la performance des salariés, mais selon le type d’acteurs participant à la construction du capital social (liens avec des acteurs industriels, liens avec des entrepreneurs, ...), les performances diffèrent. Le lien entre le capital social de l’entrepreneur et les performances de son entreprise souligne une caractéristique centrale du capital social déjà soulignées par Bour-dieu (1980), la "valeur" du capital social. Selon BourBour-dieu (1980), le capital social dépend de la nature des relations sociales (actives ou non) et des individus qui le composent (individus ayant eux-mêmes un capital social riche ou non). La valeur du capital social renvoie à la qualité des ressources dont disposent les acteurs du réseau. Ainsi, la présence d’acteurs clés dans un réseau social, c’est à dire

possédant un capital social riche, différencie ces réseaux, en particulier en termes d’influence, des réseaux sans acteur clé. Cette remarque permet de souligner que le capital social dépend effectivement de la nature des acteurs qui sont liés les uns aux autres (Perret, 2011). Bosma et al. (2002) soulignent par ailleurs que, d’une manière générale le capital social influence l’ensemble des performances économiques de l’entreprise, mais le capital social de type entrepreneuriat (i.e. liens avec d’autres entrepreneurs), influence plus les performances des entreprises qu’un capital social de type industriel (i.e. liens entre une entreprise et des ac-teurs industriels). En outre, les contacts avec des entrepreneurs au sein d’un réseau, les relations commerciales et la présence de l’épouse augmenteraient les performances de l’entreprise en matière d’emploi et joueraient positivement sur les variations du nombre de salariés dans l’entreprise.

En observant les performances financières d’une entreprise, Oliveira (2013) cherche à montrer le lien existant entre le nombre de contacts que possède un entrepreneur (instrument pour mesurer son capital social) et la performance financière de son entreprise. Cette analyse met en avant une autre caractéris-tique importante du capital social, sa "richesse", qui correspond, selon Bourdieu (1980), à la quantité des ressources dont disposent les acteurs du réseau. Cette richesse renvoie, selon Ostrom et Ahn (2009), à la notion d’externalités de réseau. Ainsi, le capital social n’est un atout que s’il est mobilisé et uniquement à la condition que les acteurs de l’innovation coopèrent effectivement et efficacement, i.e. des synergies se mettent en place. Ces synergies sont basées sur l’interdépen-dance entre les agents économiques qui prennent part au réseau afin d’en tirer avantage (Assens et Abittan, 2010; Nishimura et Okamuro, 2011). A partir de l’observation (en 2010) des liens sociaux entre 218 entrepreneurs brésiliens in-vestis dans 34 réseaux sociaux (réseaux horizontaux car tous les participants sont des entrepreneurs), Oliveira (2013) montre que le nombre de contacts d’un entrepreneur est corrélé positivement à la performance financière de son entre-prises. En effet, plus l’entrepreneur possède de liens sociaux, plus il a accès à un grand nombre d’informations et de marchés, ce qui lui permet de multiplier les opportunités de marché. Le capital social est considéré dans cette étude comme une ressource, plus cette ressource est riche, plus elle apporte des opportunités à l’entrepreneur, informé des opportunités de marchés, et plus les performances financières de son entreprise augmentent. De plus, la diversité des liens sociaux de l’entrepreneur, c’est à dire la valeur de son capital social, est corrélée positive-ment et significativepositive-ment aux les performances financières de l’entreprise. Ainsi, la diversité des informations accessibles du fait d’un capital social de valeur éle-vée, développé par un ensemble hétérogène d’individus, permet d’augmenter la performance financière d’une entreprise (Oliveira, 2013, p.214).

A partir de l’analyse du capital social d’une population indonésienne, Miguel et al. (2005) montrent un lien entre capital social et développement de l’emploi.

Plus précisément, la participation des travailleurs d’un district à des associa-tions artistiques, des communautés traditionnelles ou des festivals traditionnels et culturels, induit une croissance positive des emplois manufacturiers au sein de ce district. Cette approche du capital social par les liens sociaux des tra-vailleurs permet de souligner que ce n’est pas seulement le capital social du chef d’entreprise qui peut influencer le développement de l’emploi ou des capacités financières d’une entreprise. Miguel et al. (2005) expliquent que la participation à des associations ou des festivals génère de la confiance et de la réciprocité entre les individus, ce qui leur permet de développer une culture entrepreneuriale. En outre, l’existence de communautés et la participation à ces communautés peut aussi être une source de financement pour les investissements. Enfin, le capital social est porteur de normes, ce qui favoriserait la confiance et l’entrepreneuriat, facteurs d’emploi.

4.1.1.2 Les hypothèses

La performance des entreprises en termes d’emploi dépendrait donc, selon les résultats de la littérature empirique, de la valeur et de la richesse du capital social. Mais la lecture de cette littérature montre que ce lien a été nouvellement mis en lumière et qu’il est parfois difficile à mettre en évidence. De plus, ce lien reste à démontrer dans le cas des pôles de compétitivité où, à notre connaissance, il n’a pas encore été établi. Les pôles de compétitivité offrent pourtant un cadre d’analyse idéal pour l’observation du capital social. En effet, à travers les projets de R&D collaboratifs, les liens sociaux entre les acteurs sont observables, ainsi que la diversité des acteurs. Un pôle est un réseau d’acteurs, formé à partir des relations de coopération initiées par les projets de R&D. Ces réseaux sont constitués de différents acteurs de l’innovation et de soutien à l’innovation, dont les interactions vont créer des synergies. Les effets du capital social passent par les relations de coopération liées à l’innovation, et se répercutent ensuite sur l’emploi. Westlund et Adam (2010, p.899) soulignent la grande divergence des résultats empiriques dans la littérature et notent, entre autres, que cette divergence est liée aux différents champs d’enquête (district indonésien, réseau social d’entrepreneurs par exemple). Le cadre d’analyse que nous proposons est celui des pôles de compétitivité, il est institutionnel et contractualise les relations de coopération, ce qui implique de recenser et d’observer ces liens.

Dans le cas des projets de R&D coopératifs des pôles de compétitivité, il s’agit de déterminer comment la structure des coopérations joue sur les per-formances d’emploi des entreprises. Dans un premier temps, comme le testent Bosma et al. (2002); Oliveira (2013) il s’agit d’identifier les connexions entre les entreprises, connexions développées via leur participation aux projets des pôles. Nous pourrons alors mettre en évidence la richesse du capital social des

entreprises et les liens avec leurs performances en matière d’emploi.

Hypothèse 1 : la richesse du capital social d’une entreprise influence ses per-formances d’emploi

La littérature tend à montrer, de manière consensuelle, que la diversité des acteurs a un rôle sur les performances des entreprises. De plus, la richesse et la valeur du capital social jouent sur les performances des entreprises. Les tra-vaux antérieurs tendent à montrer que tous les liens sociaux n’apportent pas aux entreprises des ressources équivalentes, certains acteurs apporteraient plus de valeur que d’autres. Dans le cas des pôles de compétitivité, les entreprises coopèrent de fait avec des acteurs hétérogènes, accèdent donc à des ressources variées et à des informations et des opportunités diverses.

Hypothèse 2 : la valeur du capital social des entreprises joue sur leurs per-formances d’emploi : il existe un lien entre la nature des acteurs avec lesquels elles coopèrent et leurs performances en termes d’emploi.