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Analyser les effets des pôles de compétitivité sur l’emploi : la

2.2.2 Coopérations en R&D et effets sur l’emploi

L’une des plus importantes contributions à la littérature théorique sur la coopération en R&D est celle de D’Aspremont et Jacquemin (1988). Dans leur modèle théorique, ils analysent les effets des accords de coopération sur les in-citations privées à investir, les quantités de produits mises sur le marché et le bien-être social. Plus récemment, les coopérations en R&D ont été analysées comme un réseau d’acteurs mis en lien autour de projets communs (Quevit et al., 1993), ou comme un facteur de production (Iritié, 2012), dont il faut mesurer l’impact. Cette littérature se focalise essentiellement sur les bénéfices en termes d’intensité d’innovation, de compétitivité des entreprises et de croissance écono-mique et très peu sur les questions de l’emploi. Seuls quelques travaux, à notre connaissance, apportent des éléments relatifs à l’observation de l’emploi.

2.2.2.1 Coopérations en R&D, transfert et partage de connaissances, développement de compétences

La littérature traitant des relations de coopération et des externalités de connaissances est vaste. Ces travaux se focalisent sur les mesures des externa-lités et sur leur dimension locale. Le plus souvent, ces travaux observent les

effets des coopérations en R&D sur les externalités de connaissances et l’inno-vation notamment. Certaines analyses se sont particulièrement penchées sur les connaissances engendrées par les relations de coopération, en particulier sur leur partage entre les acteurs des coopérations, permettant le développement des connaissances et des compétences.

En appréhendant les relations de coopération en R&D comme des canaux de transmission des connaissances, Gallié (2003) souligne le rôle des coopéra-tions comme source de compétences. En effet, les relacoopéra-tions de coopération pour la R&D se présentent comme un moyen de maîtriser la diffusion des connais-sances produites lors du processus d’innovation. Toute activité d’innovation est productrice de connaissances. Selon Chesbrough (2006), lorsque le processus est ouvert et coopératif, la production de connaissances peut être plus importante et les connaissances produites partagées entre les acteurs des coopérations. La coopération se présente alors comme un producteur de connaissances, partagées entre les acteurs.

Karray (2003) atteste empiriquement l’effet des coopérations sur la création et le partage de connaissances. Dans ce travail empirique sur données françaises, les relations de coopération sont à la fois le résultat et la source du développe-ment d’un noyau de compétences. Les compétences sont observées à partir du développement des compétences organisationnelles, de l’acquisition rapide des actifs technologiques, de la propriété intellectuelle et des formations notamment. Par le développement de relations formelles et informelles au sein des coopé-rations, les flux de connaissances et d’informations sont facilités (Madiès et Pra-ger, 2008). La confiance mutuelle qui se crée entre les différents acteurs permet une baisse des coûts de transaction et encourage les échanges de connaissances. Ces échanges de connaissances facilitent la diffusion des bonnes pratiques, le transfert technologique et l’efficacité du processus d’innovation.

2.2.2.2 Coopérations en R&D et participation à un réseau : des effets sur la mobilité des salariés et le maintien des emplois

Les relations de coopération initiées par les projets de R&D induisent, dans le cas spécifique des pôles, la création de réseaux, l’inverse n’étant pas systéma-tique, la participation à un réseau n’aboutit pas obligatoirement à des relations de coopération. Dans le cas des pôles, les coopérations forment des liens sociaux, base de tout réseau social. Chaque projet de R&D peut être assimilé à un réseau dans lequel tous les acteurs sont en lien les uns avec les autres, le réseau formé

est donc un réseau complet1.

Dans la compréhension des relations de coopération et de leurs effets, il semble nécessaire d’observer les effets de la participation à un réseau sur l’emploi. Les travaux analysant les liens entre réseaux et emploi se sont d’abord inté-ressés aux individus et notamment à l’importance du rôle de la participation à des réseaux sociaux sur le marché du travail. Parmi les travaux fondateurs de ce courant, Granovetter (1973) met en avant les liens entre les réseaux d’individus et la probabilité de trouver un emploi en utilisant les liens sociaux (amis, famille, ou tout autre type de relation). Une attention particulière a jusqu’ici été por-tée aux réseaux d’individus et beaucoup moins à d’autres types de réseaux, en particulier les réseaux d’entreprises. Dans le cas des pôles de compétitivité, les réseaux formés concernent les entreprises et les différents acteurs de l’innovation, dont les laboratoires de recherche. La littérature économique qui lie directement emploi et organisation en réseau s’est principalement développée autour des liens entre la participation à un réseau et la mobilité sur le marché de l’emploi.

Dei Ottati (2006) mène une étude empirique sur le lien entre réseau d’en-treprises et emploi. L’auteur étudie l’impact de la concentration sociale (capital social et le réseau social) sur l’organisation des territoires et notamment des districts industriels. Elle émet une hypothèse basée sur une approche réseau et soutient que le développement des districts industriels repose sur la coordination des entreprises du district et des marchés, plus que sur la proximité géographique et les externalités de connaissance. Elle montre que les collaborations entre firmes et les concentrations locales d’acteurs permettent de développer l’emploi local.

Calavrezo et al. (2011) vont plus loin dans l’étude du lien entre réseau et mobilité et étudient la mobilité des salariés non pas à partir des caractéristiques des salariés, mais en fonction des caractéristiques des entreprises, s’intéressant notamment à la mobilité inter et intra-sectorielle des salariés. Cette analyse montre que, au sein d’un réseau d’entreprises, les salariés ont tendance à chan-ger d’emploi et à se dirichan-ger vers des entreprises ayant certaines caractéristiques observables similaires (taille, localisation géographique, liens financiers et taux de croissance), dès lors que ces salariés restent dans le même secteur d’activité. A partir de modèles urbains de l’emploi, Zenou (2010) montre que la partici-pation d’entreprises à un réseau ouvre des opportunités et permet de maximiser

1. Un réseau est dit complet quand l’ensemble des liens possibles entre sommets sont présents, c’est à dire quand tous les acteurs d’un réseau sont en lien avec tous les autres, sans exception (Frachisse, 2011). Dans un réseau composé de 5 individus (sommets), chacun comptabilise un lien avec les 4 autres individus, soit 4 liens.

les probabilités de matching entre offre et demande d’emploi à l’intérieur d’un réseau, comparativement à une offre et une demande en dehors du réseau. Ce matching permet aux entreprises de pallier leurs difficultés de recrutement. Sur ce point, Vilette (2008) souligne que le recours au temps partagé ou à la multi-activité est une opportunité qui permet aux entreprises d’avoir accès à des com-pétences dont elles ont besoin, mais pas forcément à plein-temps. En outre, ce mécanisme est soumis aux effets de réseau, c’est à dire qu’il fonctionne d’autant mieux qu’un nombre important d’entreprises y participent.

Dans le cas des pôles de compétitivité, l’étude d’Echelard et Meunier (2007) souligne que les entreprises prenant part aux projets des pôles expriment des be-soins en compétences pour certains métiers liés à la R&D. En outre, ces bebe-soins sont exprimés pour de courtes durées, les projets de R&D se développant sur des périodes définies. La question de la gestion des compétences et du maintien des emplois est donc devenue centrale pour les entreprises prenant part aux actions des pôles. La loi relative à la gestion des ressources humaines dans les pôles par le prêt de main d’oeuvre et le temps partagé, mise en place spécifiquement pour la gestion des compétences dans les entreprises participant aux pôles de compé-titivité, permet aux entreprises d’accéder à des compétences pour innover. Cette organisation de "mise en réseau des compétences" fonctionne par les relations de coopération et de proximité mises en place entre les entreprises, pour "facili-ter des solutions répondant aux besoins des projets collaboratifs d’innovation en matière de relations d’emploi" (Guthmann et al., 2010, p.5). L’organisation de l’innovation en réseau a permis une mobilité des compétences, mais a également mis en lumière le recours des compétences en temps partagé. Faire partie d’un réseau permet de partager des compétences pour mener à bien des projets qui ne nécessitent pas de recourir à des emplois à temps-plein. Au sein des réseaux, la main d’oeuvre bénéficie donc d’une certaine garantie de l’emploi et peut être plus mobile.