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Effet des EnRi sur le réseau

Dans le document EDP Open (Page 159-165)

L’impact de l’insertion des EnRi dans le réseau

5.2 Effet des EnRi sur le réseau

5.2.1 Limites physiques

Les consommations sont prévisibles à partir des lois statistiques (il y aura environ 35 millions de foyers équipés de compteurs Linky communicants en France, qui permettront de mieux gérer encore les consommations, en les rendant plus prévi-sibles). Les phénomènes météorologiques sont, eux aussi, de mieux en mieux pré-vus (au moins 48 h à l’avance), mais ils resteront subis, et ils peuvent entraîner des évolutions très rapides ; il faudra donc suppléer au manque de production des EnRi, mais aussi faire face à des évolutions considérables, l’été en particulier avec des pro-ductions solaires fortes.

Peut-on remédier à la variabilité des EnRi en introduisant de l’inertie ? Pour le PV, la réponse est non : il n’y a pas d’inertie propre. Par contre les turbines des aérogéné-rateurs présentent une certaine inertie, mais elle n’est pas synchrone, contrairement à celle des générateurs classiques. Il faut y ajouter des automatismes pour constituer une inertie artificielle (dite « inertie synthétique »), afin de contribuer à l’inertie globale du réseau.

En tout état de cause, du fait de leur caractère aléatoire, on ne peut compter sur les seules EnRi pour constituer la réserve primaire, qui doit être garantie pendant 15 minutes. C’est pourquoi les pays qui ont développé très rapidement l’éolien

commencent à s’équiper de stockages rapides (batteries au lithium) pour contribuer au réglage primaire.

Figure 8 Variation de la puissance cumulée des électricités éoliennes et photovoltaïques, par pas d’une demi­heure, en juin 2016. La variation est de 1 300 MW par heure pour une puissance installée de 17,2 GW (10,7 GW éoliens + 6,5 GW solaires). Sur la journée, la variation de la puissance solaire maximale est de 4 700 MW (72,6 % de la puissance installée).

Plusieurs études ont été réalisées, en utilisant des statistiques de production-consom-mation au pas horaire.

– Pour la France, l’étude a été réalisée par l’ADEME, sur une base météorologique de 6-7 ans, en visant le 100 % renouvelable en 2050.

– L’institut allemand Fraunhofer a fait une étude incluant 7 pays de l’Ouest euro-péen, à l’horizon 2030, mais sur la base météorologique de la seule année 2011.

– L’étude de loin la plus complète est celle d’EDF R&D, qui couvre l’ensemble des 34 pays de l’ENTSO-E, sur une base météorologique de 30 ans. Elle prend en compte les lois de la physique pour l’équilibre instantané du réseau. Cette étude évalue les conditions de fonctionnement d’un réseau alimenté en 2030 à 40 % par des EnRi, à 20 % par du renouvelable pilotable (hydraulique, biomasse), et à 40 % par les autres sources pilotables (nucléaire, charbon, gaz, telles qu’elles existent dans l’Europe d’aujourd’hui).

Les résultats montrent que l’insertion de 40 % d’EnRi est possible, même si elle entraîne une plus grande instabilité du réseau, aux conditions suivantes :

– Gérer les surplus d’EnRi, par déconnexion du réseau électrique. Cette décon-nexion peut être obtenue par écrêtage (mise à l’arrêt), ou stockage (STEP*, ou production d’hydrogène, par exemple).

5. L’impact de l’insertion des EnRi dans le réseau électrique

– Gérer activement la demande, par effacement et reports de consommation (pra-tique commerciale qui existe déjà pour les industriels, et qui sera étendue aux particuliers avec les compteurs Linky) ; gérer l’introduction des sources EnRi au niveau des réseaux de distribution (rendre les réseaux « intelligents » : smart grids).

– Augmenter les stockages d’énergie (on utilise actuellement principalement les STEP).

– Utiliser l’inertie synthétique des éoliennes pour accroître l’inertie globale du sys-tème.

– Renforcer les interconnexions entre pays, pour faciliter l’import-export.

Pour pallier les risques de black-out, le taux d’EnRi admissible (au-dessus duquel il faudra déconnecter les EnRi du réseau) dépend du niveau de consommation. Il est possible d’accepter 35 à 38 % d’EnRi pour une consommation d’électricité de niveau moyen, voire 70 % quand le niveau de consommation est élevé. Mais leur caractère aléatoire limite le taux d’insertion des EnRi à 25 % en période de faible consommation électrique, car l’inertie du réseau est alors minimale, ce qui accroît son niveau d’instabilité sous l’effet de l’injection des EnRi.

L’ensemble de tous les investissements nécessaires (moyens pilotables de substitution, extension et complexification des réseaux avec l’introduction « d’intelligence », etc.) entraînera des coûts systémiques très élevés ; mais c’est le coût du stockage-déstoc-kage de l’énergie qui constituerait la principale limitation économique si on voulait remplacer les moyens pilotables par du déstockage d’EnRi préalablement stockées.

5.2.2 Limites du back-up* pour le nucléaire

C. Cany [2] montre qu’on peut atteindre 50 % de production électrique nucléaire avec deux tiers de la puissance nucléaire actuelle (40 GW) et # 20 % d’EnRi. La contrepartie est qu’il faudra compenser en partie la perte de production nucléaire par du gaz, à raison de # 15 % dans le mix. H. Nifenecker [3] arrive à des conclu-sions assez proches.

Figure 9 Part de l’électricité nucléaire, en

fonction de la part des EnRi. Figure 10 Part d’électricité d’origine fossile, en fonction des parts des EnRi et du nucléaire.

En revanche, vouloir atteindre 50 % d’EnRi obligera à des choix fondamentaux si, en même temps, la capacité nucléaire est fortement réduite (de 63 à 40 GW par exemple). Les réacteurs ne pourront plus assurer le suivi de puissance si la priorité d’accès au réseau est maintenue pour les intermittentes, en raison d’une surcapacité considérable (surinvestissement d’un facteur 4 en éolien et 6 en photovoltaïque), leur production pouvant largement dépasser l’appel de puissance. La conséquence serait une obligation d’arrêts fréquents de réacteurs. Les options sont :

– accepter d’écrêter la production excédentaire, ce qui constitue un énorme gaspil-lage, contraire aux principes du développement durable ;

– remplacer par des turbines à gaz une partie des réacteurs nucléaires, ce qui est à l’opposé de la politique de décarbonation visant à limiter le changement clima-tique ;

– utiliser les excédents pour produire de l’hydrogène (pour des usages thermiques essentiellement : injection directe dans les réseaux de gaz ou méthanation), tech-nique qui reste à démontrer tant au niveau du régime d’exploitation qu’au plan économique.

C’est ce qui incite les sénateurs à écrire dans leur rapport [4] en 2e proposition :

« limiter aux besoins de la recherche appliquée la part de l’électricité obtenue à partir de sources intermittentes, jusqu’à l’émergence de filières de stockage-déstockage permettant de satisfaire les consommateurs finaux dans des conditions économiquement acceptables en l’absence de subventions ».

5.2.3 L’impasse actuelle du stockage de masse intersaisonnier

Quand on parle de stockage, il faut en définir la durée : par exemple, les batteries, qui ont un rendement énergétique élevé (85 %), conviennent pour une réponse dans une plage horaire jusqu’à la journée. Mais quand il s’agit de couvrir des périodes de la semaine ou du mois, il faut faire appel à des stockages de masse. En France, les STEP représentent une puissance de 4,3 GW, mais il faudrait les multiplier par 20 pour stocker une seule journée de consommation de pointe !

La seule solution à l’échelle des besoins intersaisonniers serait de passer par une transformation chimique (production d’hydrogène). La chaîne de procédés : pro-duction d’hydrogène par électrolyse ; stockage ; combustion pour fournir de l’élec-tricité, a un rendement opérationnel qui ne dépasse pas 35 % : il faut donc stocker 3 kWh pour en restituer un seul ! On voit immédiatement le poids économique d’un tel système, qui s’ajoute aux moyens de production primaires.

On peut évaluer le besoin de stockage saisonnier sur le cas réel de janvier 2017. Il y avait une puissance cumulée éolien + solaire de 18,5 GW et une période anticy-clonique froide, d’occurrence normale, avec peu de vent et une production solaire normale pour la saison.

5. L’impact de l’insertion des EnRi dans le réseau électrique

Figure 11 Comparaison de l’appel de puissance et de la puissance délivrée par l’éolien et le solaire en France en février 2017 (éolien 11,7 GW ; solaire 6,8 GW).

En moyenne, l’éolien et le solaire auraient dû produire 1,8 TWh sur 20 jours, la réalité ayant été de 1,1 TWh. Pour compenser le déficit de 0,7 TWh, il aurait fallu 5 500 stockages comme celui installé par la firme Tesla en Australie en 2017, sur la base de batteries. L’investissement se monte à environ 44 milliards € 93, les batteries ne servant que quelquefois par an, pour assurer la fonction de garantir la capacité.

Au niveau mondial, la capacité de stockage installée actuellement est représentée sur la figure 12.

Figure 12 Puissance installée de moyens de stockage dans le monde fin 2015.

À gauche : puissance de stockage mondiale totale (147 GW) ; à droite, les stockages autres qu’hydraulique (2,36 GW).

93. 788 x 16 batteries Powerwall à 5 000 $, soit environ 63 M$ de batteries + l’infrastructure et le refroidissement, soit environ 100 M$ pour stocker 126 MWh.

Les STEP représentaient 98,4 % de la capacité de stockage totale en 2016, le stoc-kage thermique 1 % et le stocstoc-kage chimique seulement 0,2 % 94.

5.2.4 Impact des surplus des EnRi sur les réseaux de distribution

Une proportion très importante (90 %) des installations éoliennes et solaires est raccordée aux réseaux ENEDIS moyenne (MT) et basse (BT) tension, réseau étoilé, à l’origine conçu pour amener l’électricité du producteur au consommateur, et non l’inverse.

Figure 13 Échanges entre ENEDIS et RTE en novembre 2016.

Il est nécessaire de refouler une partie significative de ces déversements, qui ont des caractéristiques très régionales, vers le réseau HT de RTE pour le distribuer nationa-lement (solaire au sud et éolien au nord). Il faut aussi redimensionner les réseaux BT et MT d’ENEDIS, non dimensionnés pour véhiculer de telles puissances.

Les déversements inopinés d’EnRi sur les réseaux de distribution provoquent des perturbations telles que : augmentation de la tension locale, inversion du sens du courant qui perturbe les protections, avant que le surplus ne soit refoulé vers le réseau de transport – situation qui n’était pas prévue dans le fonctionnement nor-mal de ces réseaux.

94. Source : DOE Global energy storage database.

5. L’impact de l’insertion des EnRi dans le réseau électrique

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