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La décarbonation de l’énergie est-elle compatible avec une économie de marché ?

Dans le document EDP Open (Page 119-122)

Les impacts sur l’économie

3.6 La décarbonation de l’énergie est-elle compatible avec une économie de marché ?

En économie de marché, les prix sont fixés par le marché, ce qui suppose que le produit soit disponible. Mais alors, comment faire avec des sources fatales comme le vent et le soleil ? D’autant que notre mode de vie s’est déconnecté, avec les sources d’énergie bon marché, des contraintes de la nature.

Jusqu’à présent, le prix de l’électricité était déterminé par la ressource combus-tible qu’on mettait en œuvre en dernier pour passer les pics de consommation ; en France, le fioul ou le charbon. Cela permettait d’assurer un équilibre écono-mique, même avec des sources comme l’hydraulique et le nucléaire pour lesquelles

le coût de l’agent énergétique (l’eau, l’uranium) est négligeable par rapport au coût d’investissement, De fait, l’essentiel du coût provient à présent de l’amortissement de l’investissement.

Pour l’instant, les prix découlent de mécanismes de subventions appliqués au niveau européen :

FIT* (Feed-in tariffs) : prix d’achat garantis. L’inconvénient est qu’on perd la réfé-rence au prix du marché.

FIP* (Feed-in premium) : l’électricité est vendue au prix du marché, mais une prime permet de compenser les coûts d’investissement. C’est ce vers quoi on se dirige, en Allemagne et en France [12].

Les Britanniques mettent en place le « contract for difference ». Il consiste à verser aux opérateurs un montant différentiel couvrant l’écart (prix de vente – niveau de référence) lorsque le prix du marché est trop faible ; à l’opposé, si la conjoncture pousse le prix au-delà du montant de référence, l’opérateur reverse à l’État le profit excédentaire ainsi obtenu. C’est le mécanisme adopté pour les deux EPR de Hinkley Point.

3.6.1 Marché de capacité

La loi NOME* de 2010 dispose que chaque fournisseur d’électricité contribue à la sécurité d’approvisionnement en électricité par des capacités d’effacement de consommation, ainsi que par des capacités de production d’électricité. Elle inclut un dispositif transitoire d’accès à l’électricité nucléaire (ARENH), avec un prix fixé par décret (42 €/MWh depuis 2012).

3.6.2 Est-il encore rentable d’investir dans la production d’électricité ?

Quand le marché est tendu (avec risque de black-out*), les producteurs peuvent amortir leurs installations avec des prix pouvant dépasser les 500 €/MWh, à com-parer aux # 50 €/MWh observés en moyenne. Avec des systèmes ne consommant pas de combustibles, on perd la référence au merit order (ordre de préséance écono-mique), et il va falloir au contraire financer les capacités de délestage et de back-up, indépendamment de leur utilisation : quel investisseur privé va se risquer sur un sec-teur aussi peu sécurisé ? C’est ainsi que la capitalisation boursière d’EDF est passée de 160 Md€ en 2008 à 22 Md€ en 2016, ce qui constitue une destruction de valeur pour la nation. Après une flambée de création d’entreprises exploitant les énergies intermittentes, on note néanmoins que le mouvement s’inverse – avec la mise en place concrète des marchés de capacité – vers une concentration par absorption de ces PME [13].

3. Les impacts sur l’économie

3.6.3 Lisser les aléas météorologiques par la production d’hydrogène

Une idée en vogue est d’utiliser l’électricité excédentaire produite par les EnRi pour produire de l’hydrogène, qui servira ensuite soit pour le transport (en alimentant des piles à combustible), soit pour produire de l’électricité lors des carences en vent et en soleil. L’inconvénient de ce scénario est qu’on n’a pas encore de données éco-nomiques pour le valider, et qu’il reste donc spéculatif : 1) Les piles à combustible pour le transport ne sont pas encore suffisamment au point pour être commerciali-sées industriellement, et la distribution d’hydrogène dans le grand public présente des risques vis-à-vis de la sécurité (explosion) ; 2) les électrolyseurs pour produire de l’hydrogène coûtent cher, ont un rendement médiocre, et vieillissent rapidement quand ils fonctionnent de façon intermittente.

Plutôt que de combler les carences d’électricité en brûlant de l’hydrogène, le CEA [14] propose de garder les réacteurs nucléaires en capacités pour suppléer aux carences des EnRi, et de les utiliser pour produire de l’hydrogène aux moments où l’électricité intermittente est abondante.

L’hydrogène serait produit alors de façon plus continue par électrolyse, voire direc-tement par réaction thermique à haute température. Ce scénario, techniquement plus robuste, rencontre deux écueils :

1) que le fonctionnement des réacteurs nucléaires soit poursuivi, alors que la tran-sition énergétique a été associée médiatiquement à une dénucléarisation plutôt qu’une décarbonation ;

2) que le coût du système reste compétitif, ce qui n’est pas démontré dans la période actuelle d’exploitation du pétrole et du gaz par des techniques non convention-nelles, qui ont pour résultat de faire baisser les prix de ces carburants.

3.6.4 L’électricité vendue comme un service ?

À partir du moment où l’électricité fatale ne vaut plus rien (l’Allemagne pratique des prix négatifs lors de fortes surproductions éoliennes), il est nécessaire de chan-ger de modèle économique pour assurer la fourniture d’un bien considéré comme indispensable et accessible à tous, du moins dans les pays riches. Par ailleurs, les États poussent aujourd’hui à l’autoconsommation du solaire chez les particuliers, avec des batteries pour stocker l’électricité produite dans la journée.

Après la Californie, l’Allemagne voit ses producteurs d’électricité se séparer des activités de production, et même de transport et de distribution, pour se concentrer sur les ser-vices. Il a fallu la faillite d’Enron, et plus récemment les black-out à répétition en Australie méridionale, pour relancer les investissements en production pilotable d’électricité, mais la construction de nouvelles capacités pilotables prend de l’ordre d’une décennie [8].

Lorsque la marge procurée par l’écart entre le prix de revient marginal et le prix de revient moyen ne permet pas de couvrir les coûts fixes, dont l’amortissement des

investissements, la solution habituelle consiste à faire souscrire aux consommateurs un abonnement couvrant les coûts fixes, comme c’est le cas pour les fournisseurs d’accès à internet. L’abonnement en fonction de la puissance souscrite, qui existe déjà, prendra une proportion plus importante dans la facturation. Ceci évitera que les autoconsommateurs ne se comportent en « passagers clandestins » vis-à-vis du réseau, en laissant les frais de maintenance du réseau à ceux qui n’ont pas la possibi-lité de produire de l’électricité.

Cette approche conditionne l’essor à venir du stockage de l’électricité, puisque le stockage – indispensable à la poursuite de la transition énergétique au niveau de l’Union européenne – sera lui-même marqué par l’intermittence et le besoin de financer des capacités mobilisables à la demande.

3.7 Les énergies renouvelables permettent-elles

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