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Chapitre 1 : Revue bibliographique

II. Propriétés mécaniques des aciers inoxydables austénitiques

II.3. Paramètres du comportement mécanique

II.3.3. Effet de l’hydrogène

II.3.3.1. Pénétration de l’hydrogène à partir d’un environnement gazeux [104]

L’adsorption dissociative constitue la première étape de l’entrée de l’hydrogène gaz. La cinétique de dissociation est généralement rapide à la surface des métaux de transition tels que Fe et Ni. En revanche, une forte énergie d’activation est nécessaire lorsque le métal est recouvert d’une couche d’oxyde telle que la chromine ; Ainsi, l’application de contraintes peut favoriser la pénétration d’hydrogène dans les structures cubiques à faces centrées par rupture de la couche d’oxyde protectrice. Par ailleurs, les défauts cristallins induits par l’application de la contrainte interviennent également dans le piégeage de l’hydrogène [105].

II.3.3.2. Interactions hydrogène-dislocations

En raison de sa faible dimension ( e ), l’hydrogène est susceptible d’entrer dans les matériaux métalliques en solution d’insertion. A température ambiante et dans les structures cubiques à faces centrées, les énergies des modes de vibration des atomes indiquent que les

sites octaédriques sont les sites interstitiels les plus favorisés [106]. Dans les aciers austénitiques, la taille des sites occupés est de f . L’hydrogène en solution solide provoque donc une dilatation isotrope du réseau. De plus, les propriétés électroniques de l’hydrogène lui confèrent un volume molaire partiel élevé [107] : ]? 4 A2 g . Ce volume molaire représente la distorsion du réseau induite par l’insertion d’une mole d’hydrogène en interstitiel. Ainsi, la valeur élevée de ce volume molaire se traduit par une grande sensibilité de l’hydrogène à la présence de champs de contraintes hydrostatiques. Compte tenu de sa taille (volume d’activation négligeable), de sa masse (fréquence de saut élevée) et de l’existence d’une forte densité de sites interstitiels disponibles, la mobilité de l’atome d’hydrogène est très grande dans les aciers. Bien que fortement dépendante de la structure cristalline, elle est à la température ambiante supérieure d’environ 10 ordres de grandeur à celle des autres interstitiels [108]. L’hydrogène est en fait le seul élément pour lequel la vitesse de diffusion est directement mesurable à température ambiante. La valeur de son coefficient de diffusion correspond à un parcours quadratique moyen de l’ordre de 1 mm en 1 minute à 20 C dans le fer α et explique sa très grande aptitude à pénétrer dans les aciers ferritiques.

La phénoménologie des endommagements liés aux effets de l’hydrogène dans les alliages austénitiques est très variée. Elle va d’une simple perte de ductilité à des ruptures transgranulaires purement fragiles, en passant par une variété de ruptures intergranulaires. Ces effets sont en partie la conséquence d’une modification des interactions entre dislocations sous l’action de l’hydrogène. En particulier, l’hydrogène facilite les mécanismes de déformation plastique.

L’effet de l’hydrogène sur la plasticité est une problématique récurrente, notamment dans le milieu du nucléaire où de plus les matériaux peuvent être soumis aux irradiations. Plusieurs modèles ont été développés concernant l’effet de l’hydrogène sur la plasticité : Birnbaum et Sofronis [109] , Magnin [110]. Un des effets de l’hydrogène est d’abaisser la contrainte nécessaire à la mobilité des dislocations [111].

De plus, les dislocations constituent des sites privilégiés de piégeage de l’hydrogène et présentent la particularité de faciliter son transport. La contrainte d’écoulement des matériaux cubiques à faces centrées est régie par les interactions et les réactions entre les dislocations. Or Beachem [112] suggère qu’en présence d’hydrogène l’émission et la propagation des dislocations aient lieu pour des contraintes relativement faibles.

La Figure I-42 illustre le déplacement des dislocations induit par l’hydrogène en comparant la position de dislocations observées sous vide (en noir) et sous l’effet d’une pression partielle d’hydrogène [113]. L’image [A] est obtenue pour une pression partielle de 95 torr d’hydrogène. Les résultats de Ferreira et al. indiquent qu’une pression partielle de 70 torr est nécessaire pour activer le déplacement des dislocations [B].

Figure I-42 : Effet de l’hydrogène sur la distance séparant les dislocations dans un empilement sur un joint de grain dans un acier austénitique 310s d’après Ferreira et al. [113]. Comparaison de la position des dislocations en l’absence d’hydrogène (en noir) et sous une pression partielle d’hydrogène de 95 torr (en blanc) [A] et évolution du déplacement des 7 mêmes dislocations par rapport au joint de grain en fonction de la pression partielle en hydrogène [B].

En revanche, la suppression de la pression d’hydrogène dans l’enceinte ne se traduit pas par un retour systématique des dislocations à leur position initiale. En effet, dans le cas d’un aluminium de haute pureté, l’introduction et le retrait d’hydrogène du matériau génèrent un mouvement réversible des dislocations observées dans un empilement [113]. A l’inverse, dans le cas de l’acier austénitique AISI 310s, le déplacement assisté par l’hydrogène des dislocations d’un empilement de dislocations n’a pas montré de comportement réversible lors du retrait de l’hydrogène [113]. En outre, ces expériences mettent en lumière le fait que l’hydrogène favorise le déplacement des dislocations et la formation d’empilements denses de dislocations.

II.3.3.3. Conséquences des interactions hydrogène-dislocation à l’échelle macroscopique

L’hydrogène joue donc un rôle sur le déplacement des dislocations, et les dislocations facilitent le transport de l’hydrogène. Ces interactions hydrogène-dislocations présentent également des conséquences à l’échelle macroscopique.

L’influence de l’hydrogène sur le glissement a été étudié dans les aciers austénitiques [114], dans du nickel [115] et dans des superalliages à base nickel [116]. Dans ces travaux, les lignes de glissement sont observées en surface de matériaux chargés ou non en hydrogène. Les résultats indiquent que l’hydrogène favorise le glissement plan. Des mesures [114] ont montré dans les aciers austénitiques que plus la teneur en hydrogène est importante, et plus la hauteur des marches de glissement s’accroit. L’hydrogène favorise non seulement le glissement plan mais également sa localisation.

Les interactions soluté-plasticité peuvent également se manifester macroscopiquement par une hétérogénéité de la déformation plastique. Les courbes de traction présentent alors des décrochements associés à la propagation de fronts de déformation plastique. Ces instabilités peuvent être attribuées à des bandes de Lüders caractérisées par un crochet de traction suivi

d’un plateau, ou à l’effet Portevin-Le Chatelier (PLC) identifié par la présence de décrochages répétés de la courbe de traction, décrochages qui sont dus à des glissements plans. Dans un domaine donné de température et de vitesse de déformation, les interactions dynamiques hydrogène-dislocations mobiles peuvent se manifester par l’apparition d’instabilités de type Portevin-Le Chatelier [117]. Il ressort de l’observation de bandes de Lüders, présentes dans des monocristaux d’acier inoxydable austénitique hydrogénés ou non, que l’hydrogène favorise la localisation de la déformation [118, 119].

III. Modélisation

Le chapitre III de ce mémoire détaillera les caractérisations effectuées. En utilisant les résultats obtenus, une modélisation de l’évolution du matériau et de ses propriétés mécaniques est réalisée. Les relations mises en évidence entre le vieillissement de l’alliage et sa résistance au fluage nous amène à coupler les modélisations de ces deux phénomènes. Ceci est nécessaire pour permettre le calcul prévisionnel de la tenue mécanique des structures étudiées. Deux aspects sont donc maintenant successivement abordés dans cette partie bibliographique : dans un premier temps, la modélisation de la cinétique de précipitation, paramètre d’ordre 1 du vieillissement de l’alliage 310S, puis, dans un second temps, la modélisation du comportement en fluage.