• Aucun résultat trouvé

Lorsque l’on s’int´eresse `a des ´ecoulements pleinement turbulents, la difficult´e est encore plus grande car la notion mˆeme d’´ecoulement de base est plus d´elicate `a d´efinir. Cependant de nombreuses ´etudes de stabilit´e ont ´et´e men´ees avec succ`es sur des ´ecoulements pleinement turbulents ; en particulier le rayonnement des ondes d’instabilit´e dans un jet turbulent superso- nique [155–158].

Dans un ´ecoulement pleinement turbulent, des m´ecanismes d’instabilit´e peuvent ˆetre `a l’œuvre comme dans un ´ecoulement laminaire. Le profil de base qui est g´en´eralement un profil moyen4 d’une couche de m´elange turbulent pr´esente, comme son homologue laminaire, un point d’in- flexion. Le th´eor`eme de Rayleigh reste encore valide dans ce cas pr´ecis, les petites ´echelles de la turbulence pouvant jouer un rˆole de for¸cage des ondes instables. Dans ce cas, la d´efinition de l’´ecoulement de base ne peut pas ˆetre celui de la d´efinition pr´ec´edente car pour d´ecrire les

4Nous entendons par profil moyen le champ instantan´e moyenn´e temporellement sur suffisamment de p´eriodes.

ondes d’instabilit´e se d´eveloppant dans un ´ecoulement turbulent il faudrait au pr´ealable d´ecrire tout le processus de transition vers la turbulence ce qui est parfaitement illusoire. Dans le cas d’un ´ecoulement pleinement turbulent, on suppose que cet ´ecoulement a « oubli´e » l’histoire du processus de transition vers la turbulence et que l’´ecoulement turbulent est en fait un ´ecoulement dans un nouvel ´etat d’´equilibre dont on veut ´etudier la stabilit´e.

Le point le plus probl´ematique est : peut-on ´etudier la stabilit´e lin´eaire d’un ´ecoulement de base pleinement turbulent ? La r´eponse `a cette interrogation n’est pas tr`es claire car, par d´efinition, un ´ecoulement pleinement turbulent poss`ede d’importantes fluctuations li´ees `a son activit´e turbulente, mais il est vraisemblable que oui `a condition de prendre certaines pr´ecautions. En simplifiant un peu, un ´ecoulement turbulent peut ˆetre mod´elis´e comme la superposition de trois termes : un champ moyen (g´en´eralement une moyenne temporelle), un champ dit coh´erent et un champ dit al´eatoire. Etudier la stabilit´e lin´eaire d’un ´ecoulement pleinement turbulent revient `a supposer que le champ coh´erent n’a pas pour origine la turbulence elle-mˆeme mais qu’il existe des m´ecanismes ind´ependants (au moins dans sa description qualitative) engendrant le mouvement coh´erent. C’est cette contribution au mouvement turbulent qui rel`everait d’une analyse de stabilit´e. Cependant, la difficult´e la plus importante est que le champ al´eatoire est g´en´eralement du mˆeme ordre de grandeur que le champ moyen, alors comment en tenir compte et est-ce important de le faire ? Il est `a peu pr`es clair que ces trois composantes du champ turbulent interagissent fortement. Dans la litt´erature, il existe plusieurs pistes (parfois contradictoires) pour tenter d’apporter un ´el´ement de r´eponse `a cette difficile question.

1. Nous avons vu en d´ebut de section qu’il existait un certain nombre de r´esultats [155–158] o`u le champ de base est un champ moyen soit issu d’une simulation num´erique soit quasi- analytique (´ecoulement de similitude par exemple). Les ´equations de stabilit´e sont iden- tiques `a celles utilis´ees lorsque l’´ecoulement est laminaire, ce qui revient donc `a n´egliger l’interaction entre le champ coh´erent et le champ al´eatoire. Malgr´e cela, les r´esultats ob- tenus sont en bon accord avec des r´esultats exp´erimentaux disponibles.

2. Une autre approche consiste `a mod´eliser les trois composantes du champ turbulent et `a ´etudier en particulier l’interaction entre, d’une part, le champ moyen et le champ coh´erent, et d’autre part, le champ coh´erent et le champ al´eatoire. Cette approche a ´et´e initi´ee par Reynolds & Hussain [130] et largement d´evelopp´ee par l’´equipe d’Anatoli Tumin [100–104,

128,129,171,176] lorsque l’´ecoulement turbulent est forc´e par une perturbation harmonique. Le champ moyen est calcul´e par la r´esolution des ´equations RANS, le plus souvent ferm´e par un mod`ele de turbulence bas´e sur l’hypoth`ese de Boussinesq. Le champ coh´erent, ici une perturbation harmonique, est mod´elis´e par une m´ethode PSE non-lin´eaire. Les diff´erents protagonistes de cette m´ethode montrent que la prise en compte de ces interactions a des effets non n´egligeables sur l’´evolution des instabilit´es dans des ´ecoulements comme une couche de m´elange, une couche limite ou un sillage turbulent.

3. La derni`ere approche consiste `a mod´eliser le champ turbulent comme la superposition d’un champ moyen turbulent et d’une fluctuation. Le champ moyen est calcul´e par exemple en r´esolvant les ´equations RANS stationnaires et la fluctuation est solution de ces mˆeme ´equations RANS ´ecrites sous une forme perturbative puis lin´earis´ees. Cette approche a ´et´e utilis´ee avec succ`es par Crouch et al. [47] afin de calculer la stabilit´e globale d’un profil d’aile en r´egime transsonique `a l’approche du tremblement. Cette approche est bien entendu fortement d´ependante du mod`ele de turbulence que l’on utilise `a la fois dans l’obtention du champ moyen que dans le calcul des perturbations. C’est clairement le d´efaut majeur de cette approche.

Les deux derni`eres approches montrent qu’il est clairement possible de mener une analyse de sta- bilit´e (mˆeme lin´earis´ee) d’un ´ecoulement pleinement turbulent et que l’utilisation des ´equations « turbulentes » pour en d´eduire des ´equations de stabilit´e est souvent pr´ef´erable mais que dans certains cas il suffit d’avoir un champ moyen turbulent comme champ de base5 [155,156].

5Mon avis personnel est que cette formulation fonctionne si l’on s’int´eresse `a des instabilit´es dans un r´egime

lin´eaire relevant du th´eor`eme de Rayleigh (point d’inflexion dans le profil de vitesse) et qu’elles « dominent suffisamment » la dynamique de l’´ecoulement turbulent. En particulier lorsque l’on s’int´eresse au rayonnement d’un ´ecoulement supersonique, le ph´enom`ene est plutˆot d’origine lin´eaire, ce qui semble favorable `a une mod´elisation a minimane prenant en compte l’effet de la turbulence qu’au travers du champ moyen.

Chapitre V

Equations de stabilit´e locale

compressibles

Sommaire

V.1Syst`eme d’´equations. . . 33