• Aucun résultat trouvé

L’architecture du réseau joue un rôle majeur dans la propagation de l’embolie. Parmi notre petit échantillon de fougère et d’angiospermes, nous avons choisis trois types d’architectures dont l’invasion par

(a) (b) (c)

Figure 3.9 – Adiantum : (a) carte spatio-temporelle de la cavitation (b) Pourcentage d’embolie dans les différents ordres des veines. Les courbes correspondent aux veines de même couleurs, schématisées dans l’encart. (c) Répartition des tailles des conduits de la nervure de plus gros diamètre.

(a) (b) (c)

Figure 3.10 – Pteris : (a) carte spatio-temporelle de la cavitation (b) Pourcentage d’embolie dans les différents ordres des veines. Les courbes correspondent aux veines de même couleur, schématisées dans l’encart. (c) Répartition des tailles des conduits de la nervure de plus gros diamètre.

(a) (b) (c)

Figure 3.11 – Quercus : (a) carte spatio-temporelle de la cavitation (b) Pourcentage d’embolie dans les différents ordres des veines. Les courbes correspondent aux veines de même couleur, schématisées dans l’encart. (c) Répartition des tailles des conduits de la nervure de plus gros diamètre.

(a) (b) (c)

Figure 3.12 – Goniophlebium : (a) carte spatio-temporelle de la cavitation (b) Pourcentage d’embolie dans les différents ordres des veines. Les courbes correspondent aux veines de même couleur, schématisées dans l’encart. (c) Répartition des tailles des conduits de la nervure de plus gros diamètre.

(a) (b) (c)

Figure 3.13 – Eucalyptus : (a) carte spatio-temporelle de la cavitation (b) Pourcentage d’embolie dans les différents ordres des veines. Les courbes correspondent aux veines de même couleur, schématisées dans l’encart. (c) Répartition des tailles des conduits de la nervure de plus gros diamètre.

(a) (b)

Figure 3.14 – Schéma d’une feuille présentant (a) un réseau hiérarchique (b) un réseau réticulé. l’air présente des caractéristiques différentes. Nous décrirons d’abord ces réseaux et leur embolie puis nous discuterons de leur sécurité face à la rupture hydraulique.

3.3.1 Différents types de réseaux

L’architecture du réseau des feuilles peut être décrite en terme d’organisation spatiale.

Nous parlerons ainsi d’un réseau hiérarchisé tel que celui présenté figure 3.14a quand le diamètre des nervures présente une répartition discontinue, que l’on peut séparer en différentes classes, des veines « ma-jeures » aux veines « mineures » (Pteris,Eucalyptus,Quercus). Notons qu’une même classe, différenciant un ensemble de veines par leur taille, peut contenir un ou plusieurs ordres, lesquels séparent les veines en fonction de leur taille et de caractéristiques géométriques (emplacement sur la feuille, connexion à un autre ordre,. . .). À l’inverse, un réseau non hiérarchique (Adiantum) possède des veines dont le diamètre varie continument.

La réticulation d’un réseau, schématisée figure 3.14b, fait simplement référence à la présence de boucles (Eucalyptus,Quercus,Polypodium) contrairement aux réseaux non réticulés (Adiantum,Pteris).

Nous étudierons plus particulièrement l’embolie dans un réseau non-hiérarchique non réticulé ( Adian-tum, figure 3.9), un réseau hiérarchique non réticulé (Pteris, figure 3.10) et un réseau hiérarchique et réticulé (Eucalyptus, figure 3.13 etQuercus, figure 3.11).

Non hiérarchique non réticulée Cette architecture est celle des toutes premières plantes vasculaires. On peut l’observer de nos jours seulement dans les gymnospermes, les fougères et certains lycophytes. Dans nos observations, la progression de l’embolie s’effectue toujours du pétiole vers les extrémités de la feuille. Dans le cas d’Adiantum, la plus grosse veine située au niveau du pétiole contient peu de vaisseaux, de diamètre similaires (figure 3.9c). Cette caractéristique provoque une très rapide perte de fonctionnalité du réseau lors de l’embolie car les veines situées au centre et aux extrémités de la feuille sont déconnectées du réseau hydraulique dès que la veine liée au pétiole est embolisée (figures 3.9a-b). Ce réseau est favorable à la formation de très larges embolies qui désactivent une ou plusieurs feuilles en un seul événement (figure 3.6).

Hiérarchique, non réticulé C’est un type de réseau que l’on retrouve communément parmi les fougères mais pas dans les plantes à fleurs. Dans la fougère Pteris, l’embolie dans la très large nervure centrale se produit bien avant celle dans des veines plus petites (figures 3.10a-b). Les veines mineures sont donc coupées de leur approvisionnement en eau bien avant que l’air ne s’y propage. Leur embolie se produit de manière aléatoire le long de la feuille.

Hiérarchique, réticulé Ce type de réseau est présent dans tous les angiospermes modernes. Les veines sont connectées de manière inégale, menant à la présence des boucles et de reconnexions entre des veines voisines et entre différents ordres. L’embolie des différents ordres ne se produit plus successivement : nous observons une forte superposition des intervalles de temps correspondants (figures 3.11a-b et 3.13a-b). Cela est probablement dû aux nombreux vaisseaux de diamètres variés constituant la nervure centrale. Notons que nous y observons plusieurs événements, situés au même endroit. La perte de fonctionnalité de la nervure centrale est donc très progressive. Le réseau étant de plus fortement réticulé, les veines mineures restent connectés au réseau hydraulique durant une grande partie de l’embolie.

Les réseaux non réticulés perdent leur fonctionnalité très rapidement lors de l’embolie : l’invasion d’air dans la nervure centrale ou la veine liée au pétiole déconnecte immédiatement le reste du réseau de l’approvisionnement en eau. Les réseaux hiérarchiques et réticulés ont une meilleure performance : la déconnection de la nervure centrale ne coupe pas les veines mineures du reste de la plante.

3.3.2 Différentes types de veines

La structure des veines diffère d’une espèce à l’autre. Ce ne sont pas de simples tubes (figure 3.15a) mais un faisceau parallèle de conduits. Les dimensions de ces éléments conducteurs peuvent être très similaires (figure 3.15b). Nous appellerons alors la veine « homogène ». Quand les conduits sont au contraire très disparates (figure 3.15c), nous utiliserons le terme « composite » .

3.3.2.1 Performances

Nous remarquons que les feuilles des angiospermes présentent une meilleure performance que celle des fougères, même réticulées. En effet, les veines majeures des angiospermes s’embolisent plusieurs fois tandis

(a) (b) (c)

Figure 3.15 – Section du xylème d’une nervure. (a) tube, (b) veine homogène, (c) veine composite.

(a) (b)

Figure3.16 – Deux structures de veines différentes. À gauche, vu de profil de la veine, à droite, sa section. (a) Veine V1 dont la section est composée d’un unique conduit de diamètreD1, de longueurL1 (b) Veine

Vndont la section est composée de n conduits parallèles, de diamètreDn et de longueurLn.

que les fougères ne présentent quasiment jamais cette superpositions spatiale des événements. Cela peut s’expliquer par la structure de la nervure centrale. Celle des angiospermes est composite (figure 3.11c et 3.13c) tandis que la nervure des fougères même hiérarchiques et réticulées (figure 3.12) est homogène. Cette structure particulière des veines majeures des angiospermes autorise leur déconnection graduelle et provoque une diminution progressive de l’efficacité du transport de l’eau, les veines mineures restant connectées au réseau hydraulique. Lorsque ces dernières s’embolisent, elles interrompent probablement la connexion hydraulique entre le réseau et le tissu de la feuille.

3.3.2.2 Coût de la résistance à l’embolie

Nous avons vu à la section 3.2.3.1 que l’on peut relier le diamètreDd’une veine à celuiDndes éléments conducteurs la constituants et au diamètre dn des pores les reliant :

D∝Dn∝dn (3.4)

avec nle nombre d’éléments conducteurs.

Dans ces condition, la résistance à l’embolie, c’est-à-dire la différence de pression maximale avant le passage de la bulle dans un nouveau canal est, d’après la loi de Laplace :

∆Pmax= 2σ

dn (3.5)

Cela suggère qu’à même section utile, une veine, divisée en de nombreux éléments conducteurs de petite taille résiste davantage à l’invasion d’air. Cependant, cette augmentation de la résistance à un coût :

la diminution du débit transporté. Considérons une veine Vn constituée de n éléments de diamètre Dn

et de longueur Ln, et soumise à une différence de pression ∆P à ses extrémités (figure 3.16b). Étudions d’abord un segment de la même longueur que les canaux,Ln.Dans ces conditions, le débitQntraversant la veine est donné par :

Qn= n

RnP (3.6)

avecRnla résistance hydraulique d’un conduit. Cette résistance est d’une part due à l’écoulement dans le canal et d’autre part au passage des ponctuations, les deux contributions étant à peu près égales (Hacke et al., 2006 [32]). La résistance hydraulique d’une unique ponctuation peut s’écrire :

Rn,ponctuation= 8ηln

Π(dn/2)4 (3.7)

avec η la viscosité de l’eau etln la longueur de la ponctuation. Nous considérerons dans la suite ln≈dn. Pour toutes les ponctuations dispersées en série, nous avons donc :

Rn∝Rn, ponctuations1 d3

n (3.8)

La section utile de la veine étant maintenue constante, nous avonsD21 =nD2n. Nous obtenons donc :

Qn∝D21dn∆P (3.9)

Notons de plus qu’un canal plus étroit est aussi plus court. Considérons à présent une veineVnde longueur

L1. Elle est donc composée de N = L1/Ln éléments conducteurs mis bout à bout. En supposant que la longueur du canal est proportionnel à son diamètre, nous obtenons :

Qn,N ∝D1d2n∆P (3.10)

Maximiser la résistance à l’embolie nécessite de diminuer autant que possible la taille des poresdentre deux conduits (équation 3.5). Cependant, cela s’effectue en dépit du transport de la sève (équation 3.10). Le fonctionnement optimal d’une veine homogène (figure 3.15b) nécessite donc un compromis entre ces deux paramètres opposés.

La structure des veines composites (figure 3.15c) permet de combiner les deux types d’éléments conduc-teurs. D’une part, les éléments conducteurs les plus larges assurent un transport efficace. D’autre part, les plus étroits donnent à la veine une résistance à l’embolie supérieure et permettent probablement de maintenir une hydratation minimale dans la feuille lors des forts stress hydriques.

3.3.3 Conclusion

Les trois architectures décrites ici couvrent l’ensemble des possibilités parmi les réseaux d’approvision-nement des feuilles dans les plantes vasculaires. Dans toutes, la vulnérabilité des ordres croit en fonction du diamètre de l’ordre : les nervures les plus grosses sont les plus vulnérables bien qu’elles assurent la

majeure partie du transport de la sève et sont placées en amont des petites veines. Cette loi est modulée par le nombre de conduits des nervures majeures ainsi que par la variabilité du diamètre de ces conduits. L’association de ces deux règles permet d’estimer le comportement du réseau face à un stress hydrique en connaissant l’architecture et la structure des veines. Ces caractéristiques ont une forte variabilité inter-spécifique et de faibles variations intra-inter-spécifiques. Elles peuvent donc permettre de mieux comprendre l’adaptation des feuilles au stress hydrique, que ce soit dans les espèces fossiles ou contemporaines.