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1.3 Embolie dans les arbres : quelles conséquences ?

1.3.3 Des adaptations pour éviter l’embolie fulgurante

Imaginons un arbre dont le système hydraulique ascendant serait un unique tube. La première bulle, qu’elle soit liée à de la cavitation ou créée par une blessure du tronc, sous l’effet de la pression négative s’étendrait et bloquerait l’intégralité de la circulation de la sève. La structure du xylème est en fait bien

(a) (b)

Figure 1.11 – Éléments conducteurs de la sève brute : des trachéides, (a) dans le cas des conifères (un mélèze) ou des vaisseaux (b) dans le cas des angiospermes (un tulipier). Figure de Cruiziat et al., 2003 [24].

plus complexe que cette situation imaginaire. Elle permet de confiner les bulles et de réduire leur impact sur le transport de la sève ascendante.

Le xylème est constitué d’un réseau d’éléments conducteurs, des cellules allongées mortes et vidées de leur contenu. Elles sont connectées entre elles par des valves, les ponctuations. La structure du xylème des conifères, ou gymnospermes, est bien différente de celles des feuillus, ou angiospermes.

1.3.3.1 Éléments d’anatomie du xylème

Les gymnospermes Les seuls éléments conducteurs sont les trachéides, d’un diamètre de quelques micromètres (figure 1.11a). Leurs ponctuations présentent un centre rigide, maintenu par des fibres (figure 1.12b). La sève s’écoule entre ces fibres.

Les angiospermes Outre les trachéides, ils présentent des vaisseaux (figure 1.11b). Ces derniers sont constitués de plusieurs cellules, les éléments de vaisseaux, reliées entre elles par des plaques perforées. Ces zones présentent de véritables trous dans la paroi cellulaire. Le diamètre des vaisseaux est compris entre 0,1 et 0,6 millimètres : le transport de la sève y est donc bien plus efficace que dans les trachéides. Les ponctuations permettant la circulation de la sève entre les vaisseaux sont constituées d’un réseau uniforme de fibres (figure 1.12c).

1.3.3.2 Architecture hydraulique

L’organisation des éléments conducteurs protège la plante de l’embolie grâce à trois mécanismes : le confinement de la bulle, la redondance des chemins permettant la circulation de la sève et l’intégration des racines (figure 1.13).

(a)

(b) (c)

Figure 1.12 – (a) Représentation schématique du réseau de vaisseau. extraite de Tyree et al., 2002 [85] L’eau circule d’un élément de vaisseau à l’autre en passant par une plaque perforée, d’un vaisseau à l’autre par les ponctuations : (b) un conifère, (c) un angiosperme. Elles résultent des modifications de la paroi des cellules végétales, normalement constituée d’une paroi primaire (en noir) et d’une paroi secondaire (en brun). Figure extraite de Cruiziat et al., 2002 [23].

Figure 1.13 – Les trois caractéristiques de l’architecture de l’arbre : à gauche la redondance, au centre le confinement et à droite l’intégration. Figure extraite de Cruiziat et al., 2002, [23].

Le confinement La croissance d’une bulle dans un élément conducteur est limité par les ponctuations. Si ces dernières permettent la circulation de l’eau en temps normal, elles empêchent le passage du ménisque gaz/eau entre deux conduits tant que la différence de pression n’excède pas un certain seuil, propre à l’espèce (figure 1.13, au centre). Le mécanisme permettant le passage de la bulle est encore mal connu. L’hypothèse privilégiée jusqu’à présent considère la rupture capillaire du ménisque à travers les pores des ponctuations (Cochard et al., 1992 [18]). Cependant des travaux récents (Lee et al., 2012 [43], Pesacreta et al., 2005, [57]) mettent en avant les interactions entre la paroi primaire des pores, constituée d’un réseau non tissé de microbilles et de cellulose cristallisé ainsi que de substances amorphes de composition chimique inconnue. Lors de la mise sous tension de la paroi primaire, les substances amorphes peuvent stabiliser la déformation de la membrane et empêcher le passage du gaz.

La vulnérabilité segmentée Cette idée de Zimmerman [84] a été étendue par Tyree et Ewers [81] : la résistance à l’embolie des parties remplaçables de l’arbre, feuilles, pétioles et branches mineures, serait plus faible que celle des branches et du tronc. Tyree et al., 1993 [79] ont montré que c’est vrai dans le cas du noisetier : les pétioles sont plus vulnérables que les pousses de l’année, elles-même plus vulnérables que les rameaux plus vieux (figure 1.14).

La redondance Le xylème est constitué de plusieurs éléments conducteurs en parallèle reliés entre eux perpendiculairement à l’axe du transport. Il faut donc une très grande proportion de conduits embolisés

Figure 1.14 – Courbes de vulnérabilité des pétioles (cercles) et branches (carrés) d’un noisetier. Le PLC est le pourcentage de perte de conductivité hydraulique. Figure extraite de Tyree et al., 1993 [79].

Figure 1.15 – Régulation de l’embolie (flèches noires) par l’action des stomates (flèches vertes). D’après Cruiziat et al., 2002 [23]

pour arrêter complètement le flux de sève (figure 1.13, à gauche).

L’intégration Dans la plupart des cas, le système vasculaire de l’arbre semble former un unique réseau dans lequel toutes les racines sont plus ou moins connectées à toutes les branches et non pas à une branche en particulier (figure 1.13, à droite).

1.3.3.3 Mécanismes actifs et stratégies

La protection contre l’embolie fait aussi appel à des mécanismes actifs permettant de limiter l’impact du stress hydrique lié aux conditions climatiques.

Sans régulation, un fort stress hydrique peut créer une embolie fulgurante, dont le mécanisme est présenté figure 1.15. Un important déficit de vapeur d’eau (1) dans l’air augmente la transpiration (2), ce qui accroit la tension dans le xylème (3). Cela peut occasionner ou amplifier de l’embolie (4) par la nucléation de nouvelles bulles ou par l’expansion gazeuse dans de nouveaux éléments conducteurs. La diminution de la conductance (5) entraine un transport de l’eau moins efficace et augmente la tension dans le xylème, causant encore plus d’embolie. Pour la plupart des espèces, on suppose que l’action des

Figure 1.16 – Remplissage de vaisseaux embolisés (a) Images en tomographie à rayons X entre 0 et 3,8 h. Les zones sombres correspondent aux sections remplies de gaz du vaisseau. (b) Reconstruction du remplissage du vaisseaux à un instant. Les voxels identifiés comme de l’eau sont recrées en trois dimensions et colorés en bleu. Figure de Brodersen et al., 2010 [6].

stomates (6), des cellules capables de réguler l’évaporation au niveau des feuilles, arrête ce cercle (Cruiziat et al., 2002 [23]).