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III. Les polykystoses rénales

3) Dysfonctionnements cellulaires

a) Dérégulation du cycle cellulaire

À l’état basal, la prolifération des cellules épithéliales du rein est régulée par la voie des Ras/Raf/MEK/ERK (McCubrey et al. 2007). L’activation du récepteur à l’EGF (EGFR) active la petite protéine G Ras. S’ensuit une cascade de phosphorylation sur Raf-1, MEK puis ERK qui active les facteurs de transcription c-Jun et c-Myc (McCubrey et al. 2007). V2R, activé par l’AVP, favorise la prolifération cellulaire par deux voies de signalisation : la voie de l’AMPc qui stimule Ras et induit une cascade de phosphorylation sur B-Raf puis MEK et par la voie des ERK1/2, indépendante de la protéine G, qui met en jeu la transactivation du récepteur à l’IGF (Yamaguchi et al. 2004; Oligny-Longpré et al. 2012). Dans le même temps, la prolifération cellulaire est limitée par des rétrocontrôles négatifs qu’exercent l’AMPc sur Raf-1 d’une part et le Ca2+ intracellulaire sur B-Raf par

l’intermédiaire de la PI3K et d’Akt d’autre part (Yamada et al. 1995; Guan et al. 2000). L’ensemble de ce réseau de régulation permet de maintenir les cellules dans un état de prolifération modérée (Figure 18-a).

Les mutations du canal calcique qu’est le complexe polycystine induisent une chute de la concentration intracellulaire de Ca2+, ce qui lève la répression exercée sur B-Raf

(Yamaguchi et al. 2006). L’activité proliférative cellulaire est alors augmentée et favorise la formation des kystes (Figure 18-b) (Yamaguchi et al. 2004).

Par ailleurs, PC1 régule négativement mTOR, protéine essentielle dans les phénomènes de traduction des protéines, de croissance et de prolifération cellulaire (Shillingford et al. 2006). Dans les PKRAD de type 1, une activation inappropriée de mTOR a été observée dans les cellules épithéliales de la bordure des kystes, probablement impliquée dans la kystogenèse (Shillingford et al. 2006). De plus, il a été observé une diminution de la kystogenèse dans deux modèles murins traités par la rapamycine, un inhibiteur spécifique de mTOR, et un effet bénéfique sur la taille des reins chez l’homme suite au traitement avec cette même molécule (Shillingford et al. 2006). Enfin, le complexe polycystine n’étant plus fonctionnel, il n’exerce plus son contrôle négatif sur le facteur de transcription Id2, ce qui contribue également à la kystogenèse (Figure 18-b) (Li et al. 2005).

Figure 18 – Voies de signalisation régulant la prolifération cellulaire dans les cellules épithéliales du tube collecteur. a) Dans un contexte physiologique, la voie des MEK peut être activée par l’AVP ou bien par l’EGF. Un rétrocontrôle négatif est assuré par le taux de Ca2+ intracellulaire. Le complexe

polycystine inhibe l’activation de mTOR et Id2. b) Dans un contexte pathologique de PKRAD, les rétrocontrôles négatifs par le Ca2+ et le complexe polycystine ne sont plus assurés et donnent lieu à

une suractivation des facteurs de transcription nucléaires.

Parallèlement à la prolifération excessive des cellules épithéliales, une forte activité apoptotique a été observée. Deux théories s’opposent : d’une part, l’apoptose est supposée être la première étape dans la perte progressive des fonctions rénales normales, d’autre part, l’apoptose serait plutôt un élément protecteur contre la progression de la maladie (Goilav 2011; Zhou & Li 2015). Dans tous les cas, il est évident qu’il y a une dérégulation du cycle cellulaire entre prolifération et apoptose. Si les mécanismes responsables ne sont pas encore bien compris, PC1, PC2 et FC ont toutes été démontrées comme impliquées d’une manière ou d’une autre dans le contrôle de l’apoptose (Boletta et al. 2000; Goilav 2011).

b) Sécrétion anormale dans les kystes

Dans les PKRAD, les kystes sont issus de toutes les parties du néphron. La prolifération des cellules épithéliales forme des excroissances du tubule qui s’en détachent pour former des sacs indépendants remplis de liquides (Figure 19). La pompe Na+/K+-

ATPase située au pôle basal des cellules kystiques génère une déplétion sodique intracellulaire. Par transport actif secondaire, le cotransporteur Na+/K+/2Cl fait entrer dans

la cellule des ions Na+ et des ions Cl- qui sont ensuite sécrétés dans la lumière du kyste via

le canal régulateur de la conductance transmembranaire de la fibrose kystique (CFTR), dont l’expression est dépendante de l’AMPc (Takiar & Caplan 2011). Par réaction, s’ensuivent des mouvements paracellulaires d’eau allant dans le même sens.

Figure 19 – Sécrétion de liquides dans les kystes. 1) Au pôle basal, la pompe Na+/K+-ATPase fait

sortir le Na+ de la cellule en échange d’une entrée de K+. 2) La déplétion sodique est compensée par

l'entrée de Na+ via un cotransporteur Na+/K+/2Cl-. 3) Les ions Cl- sont sécrétés hors de la cellule au

pôle apical par le canal CFTR. 4) Le changement de concentration ionique dans le kyste provoque des mouvements paracellulaires d’eau.

Dans les PKRAR, les kystes se forment uniquement au niveau des TC et restent attachés à la paroi, si bien qu’il en résulte plutôt une sorte d’élargissement des TC. La sécrétion reste l’élément nécessaire à l’élargissement des kystes mais elle survient par un mécanisme n’impliquant pas CFTR (Sweeney & Avner 2006). Plusieurs hypothèses ont été formulées mais les résultats contradictoires ne permettent pas d’affirmer le mécanisme mis en jeu.

c) Autres dysfonctionnements cellulaires

Il existe bien d’autres troubles du fonctionnement cellulaire causés par les PKR. Il a été rapporté une altération de la polarité des protéines membranaires, dont EGFR ou la pompe Na+/K+-ATPase, qui témoigne d’un défaut de maturation des cellules kystiques

(Orellana et al. 1995; Wilson et al. 2000). D’autre part, des anomalies des interactions cellules-matrice ont été observées dont une réponse hyperproliférative au collagène, l’altération de l’expression et de la localisation des métalloprotéases matricielles et la prolifération des fibroblastes interstitiels (Wilson 2004).