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III. Les polykystoses rénales

1) Axes thérapeutiques envisagés

Les différentes étapes du mécanisme physiopathologique des PKR constituent autant de cibles thérapeutiques potentielles (Figure 20).

a) La régulation de l’homéostasie calcique intracellulaire

La concentration intracellulaire de Ca2+ est cruciale pour le maintien du niveau

prolifératif et est directement impactée par les mutations à l’origine des PKR. Pour réguler l’homéostasie calcique, plusieurs molécules ont été testées. Entre autres, le triptolide, un diterpène naturel utilisé dans la médecine traditionnelle chinoise contre l’inflammation et les troubles immunitaires, est un agoniste indirect de PC2 qui induit la libération de Ca2+ à

partir des réserves du RE (Figure 20-5) (Leuenroth et al. 2008). Ses effets bénéfiques sur la prolifération des cellules épithéliales et le volume rénal total (VRT) ont été démontrés chez l’animal (Leuenroth et al. 2008).

b) Les voies de signalisation de l’AMPc

Dans des conditions physiologiques, les taux d’AMPc et de Ca2+ intracellulaires

contribuent à réguler la voie des MEK/ERK et à maintenir une prolifération cellulaire faible (Yamada et al. 1995). La diminution de la concentration calcique intracellulaire, suite aux mutations sur le complexe polycystine, déséquilibre la balance AMPc/Ca2+ et

induit l’hyperactivation de la voie proliférative des MEK/ERK. Diminuer la concentration intracellulaire d’AMPc permettrait de rééquilibrer la balance AMPc/Ca2+. Cette hypothèse

a été confirmée in vivo par l’inhibition de la production d’AMPc dépendante de la vasopressine. Il a été observé qu’un modèle murin de PKR dépourvu d’AVP circulante ne développait jamais de kystes jusqu’à injection de 1-déamino-8-D-arginine vasopressine, un analogue synthétique de l’hormone (Wang et al. 2008). La concentration d’AMPc dans les cellules principales du TC est augmentée sous l’activation des RCPG couplés Gs, comme les récepteurs aux catécholamines, aux prostaglandines ou V2R, et diminuée par activation des RCPG couplés Gi, comme les récepteurs à la somatostatine ou à l’apeline.

La somatostatine est une hormone sécrétée par plusieurs organes (hypothalamus, pancréas, intestin) qui régule en retour la sécrétion de nombreuses autres hormones

(hormone de croissance, insuline, glucagon…) (Figure 20-2). Ayant une très courte demi- vie, des analogues de synthèse plus stables sont utilisés en clinique, principalement comme antitumoraux : l’octréotide et le lanréotide le plus souvent (Irazabal & Torres 2013). L’octréotide a montré son efficacité en étude préclinique pour stopper l’expansion des kystes hépatiques et rénaux (Harris & Torres 2009). Un essai clinique de phase 3 sur trois ans a montré que l’augmentation du VRT était deux fois moins importante chez les sujets traités que chez ceux du groupe placebo, mais cette différence n’était pas significative (Caroli et al. 2013). Cependant, la distribution ubiquitaire des récepteurs à la somatostatine entraine un risque d’effets secondaires important difficilement conciliable avec un développement thérapeutique pour une maladie chronique. Cette réflexion est également valable pour le récepteur à l’apeline, alors que ce peptide présente un double intérêt en réduisant à la fois la sécrétion d’AVP au niveau central et en inhibant la production d’AMPc induite par activation de V2R au niveau du tube collecteur (De Mota et al. 2004; Hus-Citharel et al. 2014).

Le blocage des récepteurs aux catécholamines ou aux prostaglandines, des RCPG couplés Gs, a été testé in vitro mais leur faible sélectivité pour les cellules épithéliales rénales et leur importante toxicité potentielle ne sont pas favorables à la mise en place d’études in vivo (Irazabal & Torres 2013). Seul le blocage de V2R reste la voie thérapeutique la plus prometteuse à ce jour, notamment grâce à son expression quasi- exclusivement rénale qui en fait une cible hautement spécifique (Figure 20-1).

c) Autres voies de signalisation intracellulaire

De nombreux facteurs de croissance, dont des molécules EGF-like, sont hautement concentrés dans les liquides contenus dans la lumière des kystes et les récepteurs correspondants, comme EGFR, sont surexprimés au pôle apical des cellules épithéliales (Irazabal & Torres 2013; Richards et al. 1998). L’arrêt du développement des kystes a été observé dans des modèles animaux par inhibition de l’activité tyrosine kinase liée à EGFR et un essai clinique de phase 2 a été réalisé avec le bosutinib, un inhibiteur de ces kinases (résultats non publiés, essai thérapeutique référencé NCT01233869) (Figure 20-6) (Irazabal & Torres 2013; Torres & Harris 2007). Des résultats similaires ont été obtenus en bloquant les récepteurs du facteur de croissance vasculaire endothélial, du facteur de croissance des hépatocytes et du facteur de croissance insulin-like 1 (Irazabal & Torres 2013).

La kinase mTOR, essentielle à la synthèse protéique et à la prolifération cellulaire, est sous contrôle négatif indirect de PC1 (Dere et al. 2010). N’étant plus régulée correctement dans la PKRAD, un traitement par des inhibiteurs de mTOR (everolimus et sirolimus, déjà utilisés comme immunosuppresseurs) avait été envisagé (Figure 20-8). Malheureusement, aucune amélioration n’a pu être démontrée dans les premiers essais cliniques réalisés et il avait déjà été observé dans le cadre de greffe d’organe que les reins sont particulièrement résistants à cette famille de médicaments (Canaud et al. 2010; Walz et al. 2010; Serra et al. 2010). Néanmoins, de nouveaux essais cliniques sont en cours.

d) Autres axes thérapeutiques à l’étude

L’augmentation du volume des kystes est due à la sécrétion des ions Cl- à travers le

CFTR suite à leur accumulation intracellulaire par cotransport avec le Na+. CFTR, tout

comme la voie de signalisation de mTOR, est sous contrôle négatif des protéines kinases dépendantes de l’AMPc. Celles-ci étant elles-mêmes stimulées par la metformine, un antidiabétique, le ralentissement de la croissance des kystes a pu être observé sur des modèles animaux traités par cette molécule (Takiar et al. 2011). Une étude clinique est actuellement en cours (NCT02656017). Par ailleurs, un effet synergique bénéfique de la metformine et de la rapamycine a été mis en évidence in vitro (Figure 20-9) (Mekahli et al. 2014).

Les polycystines 1 et 2 participent indirectement à l’inhibition de Cdk2, une kinase dépendante des cyclines qui favorise la prolifération cellulaire, par contrôle négatif d’Id2 (Li et al. 2005; Bhunia et al. 2002). La roscovitine, un inhibiteur de CDK, a permis l’inhibition de la kystogenèse, l’amélioration de la fonction rénale, le blocage du cycle en phase G1/S et l’inhibition de l'apoptose sur un modèle murin (Figure 20-3) (Bukanov et al. 2012).

La pravastatine, une statine inhibitrice de la prolifération cellulaire utilisée cliniquement dans l’hyperlipidémie, s’est avérée efficace pour ralentir la progression du VRT. Il s’agissait d’un essai clinique mené pendant trois ans sur des patients jeunes (8-22 ans) afin d’évaluer l’intérêt d’un traitement précoce (Cadnapaphornchai et al. 2014).

Enfin, une nouvelle voie thérapeutique, testée sur plusieurs modèles murins, s’est montrée encourageante : l’inhibition de la sirtuine I par la vitamine B3. Cette déacétylase est surexprimée dans les PKRAD suite à la mutation de PC1 et stimule la prolifération cellulaire tout en réprimant l’apoptose (Figure 20-4) (Zhou et al. 2013). Une étude clinique de phase 2 a été réalisée (résultats non publiés, essai thérapeutique référencé NCT02140814).

Figure 20 – Principaux mécanismes pathologiques impliqués dans la PKRAD et cibles thérapeutiques envisagées. Les PC1 et 2 sont exprimées dans le cil primaire du côté apical de la cellule. Elles régulent plus ou moins directement : 1. la prolifération cellulaire, 2. la sécrétion de fluides, 3. la fonction ciliaire, 4. l’adhésion cellule-cellule et 5. l’interaction cellule-matrice. Les dysfonctionnements du complexe polycystine engendrent des voies de signalisation aberrantes dont : A) l’activation de l’AMPc, B) la diminution de Ca2+ intracellulaire et C) l’activation de

mTOR. Les principales cibles thérapeutiques sont indiquées par un chiffre dans un cercle gris : 1) Antagonistes de V2R ; 2) analogues de la somatostatine ; 3) roscovitine ; 4) inhibiteurs de la sirtuine I ; 5) triptolide ; 6) inhibiteurs de tyrosine kinases ; 7) inhibiteurs de CFTR ; 8) inhibiteurs de mTOR et 9) metformine. (Modifié d’après Salvadori & Tsalouchos 2017)