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II. Découverte de nouvelles toxines aquarétiques

5) Caractérisation fonctionnelle in vivo

Après avoir caractérisé in vitro les MQ, nous avons voulu savoir si elles étaient efficaces in vivo et si elles engendraient un effet aquarétique semblable à celui de MQ-1. En nous basant sur l’étude de la relation dose-activité de MQ-1, nous avons choisi d’injecter une dose intermédiaire, 0,03 µmol/kg, qui nous permettait d’apprécier aussi bien un effet supérieur qu’inférieur. Le V2R du rat partage 88 % d’homologie de séquence avec celui humain. La majorité des différences se situe dans les boucles extracellulaires, première zone d’interaction avec les ligands. Il conviendra de tenir compte de cette information pour comparer les résultats obtenus ici avec ceux obtenus in vitro sur un V2R humain.

L’étude pharmacodynamique a été menée suivant le même protocole que pour MQ-1 : des groupes de six rats Sprague-Dawley mâles, âgés de huit semaines et de poids moyen 250 ± 15 g, ont reçu une injection IP unique d’une des MQ. Les quantités de MQ-

7/8 naturelles disponibles n’étaient pas suffisantes pour les tests in vivo. Concernant MQ- 9, que nous n’avons pas pu produire chimiquement, nous avons décidé d’injecter directement une dose plus élevée, 0,1 µmol/kg, étant donné sa faible affinité pour V2R par test de liaison (Ki = 45 nM) et bien que son efficacité in vitro soit comparable à celle de MQ-1 (p = 1,00). Disposant de peu de toxine, seulement deux animaux ont été injectés.

Considérant le débit et l’osmolalité urinaire des vingt-quatre heures suivant l’injection, MQ-2, MQ-3 et MQ-5 ont montré un effet aquarétique similaire à celui de MQ-1 (Figure 39). L’augmentation du débit urinaire provoquée par MQ-4 était statistiquement supérieure à celle provoquée par MQ-1 (respectivement, 14,17 contre 10,45 ml/h/kg, p = 0,04) mais ce groupe de seulement cinq animaux présentait une importante hétérogénéité concernant le volume urinaire, ce qui peut expliquer le résultat de l’analyse statistique. La différence d’osmolalité urinaire n’était pas statiquement significative pour ce groupe. Nous considèrerons donc que MQ-4 a un effet aquarétique comparable à celui de MQ-1. Les relevés intermédiaires aux quatre premières heures post- injection n’ont pas montré de différence de cinétique d’action par rapport à MQ-1. Parmi ces toxines, MQ-3, MQ-4 et MQ-5 n’ont pas montré de corrélation entre leur efficacité in vitro (par rapport à MQ-1, p < 0,001 pour MQ-3 et MQ-5, p = 0,003 pour MQ-4, Tableau 9), et leur effet in vivo (pas de différence significative avec MQ-1, Tableau 10).

Figure 39 – Débit et osmolalité urinaires sur les vingt-quatre heures après une injection IP unique de toxine. a) Débit urinaire. b) Osmolalité urinaire. Chaque boite représente Q1, la médiane et Q3, les barres d’erreur correspondent aux valeurs minimales et maximales, excepté pour MQ-9 pour laquelle chaque extrémité de la boite représente un individu. L’analyse statistique a été réalisée pour la dose 0,03 µmol/kg par un test post-hoc de Dunnett en prenant le groupe placebo comme référence : * pour p = ]0,05-0,01], *** pour p < 0,001.

Tableau 10 – Paramètres urinaires sur 24 h suivant une injection IP unique de toxine. L’analyse statistique a été réalisée par un test post-hoc de Dunnett en prenant le groupe MQ-1 comme référence, uniquement sur les groupes ayant reçu 0,03 µmol/kg de toxine. Grisé : groupes pour lesquels le nombre d’animaux est inférieur à six et qui n’ont pas été soumis à une analyse statistique. Italique : médiane ou moyenne car n = 2.

La toxine MQ-6 n’a pas montré d’effet aquarétique à 0,03 µmol/kg (Figure 39). Le débit urinaire des vingt-quatre heures post-injection était comparable à celui du groupe placebo des études précédentes. La valeur d’osmolalité urinaire était statistiquement supérieure (respectivement, 2290 et 1228 mOsm/kg H2O, p < 0,001) ce qui n’est pas

compatible avec un effet aquarétique. Il est à noter que l’excrétion osmolaire du groupe MQ-6 était également statistiquement supérieure à celle du groupe MQ-1 (p = 0,01, Tableau 10). Cette différence pourrait être le reflet d’un apport en osmoles par la nourriture et la boisson supérieur dans ce groupe, ce qui expliquerait l’augmentation de l’osmolalité urinaire. L’absence d’effet aquarétique in vivo de MQ-6 corrobore son efficacité moindre déjà montrée in vitro par rapport à MQ-1 (p < 0,001, Tableau 9).

Nous avons cherché à savoir si un effet aquarétique apparaissait en multipliant la dose de MQ-6 par 3 (0,1 µmol/kg). Le débit et l’osmolalité urinaires étaient comparables à ceux obtenus précédemment avec la dose 0,03 µmol/kg (Figure 39). Nous avons à nouveau augmenté la dose pour atteindre 0,3 µmol/kg. Le débit urinaire était alors augmenté d’un facteur 2,8 (4,02 ml/h/kg) et l’osmolalité urinaire était diminuée d’un facteur 3,1 (687 mOsm/kg H2O, Tableau 10). L’excrétion osmolaire restait similaire à celle des autres

groupes ayant reçu une des MQ, ce qui démontre donc un effet aquarétique. Si nous comparons avec les doses de MQ-1, la dose 0,3 µmol/kg de MQ-6 provoque un effet se rapprochant de la dose 0,003 µmol/kg de MQ-1 (débit urinaire = 5,13 ml/h/kg et osmolalité urinaire = 503 mOsm/kg H2O, Tableaux 3 et 10), soit une efficacité in vivo de

MQ-6 100 fois inférieure à celle de MQ-1. Il est intéressant de constater que la séquence de MQ-6 diffère de celle de MQ-5 seulement en deux résidus (aux positions 36 et 41) mais qui suffisent à modifier radicalement son activité. Si l’alignement des séquences montre que la position 36 peut-être occupée soit par une Gly soit par une Ser (Ser pour MQ-5, Gly

pour MQ-6), la Pro en 41 est spécifique de MQ-6 (Tableau 6). Ce résidu sera discuté dans l’exploration du pharmacophore de MQ-1 (partie III.A.3 des Résultats et discussion).

L’injection de 0,1 µmol/kg de MQ-9 à deux animaux n’a pas montré d’effet aquarétique comparable à celui de MQ-1 à la même dose (Tableaux 3 et 10), ni même à une dose trois fois inférieure (Figure 39). Le très petit nombre d’individus ne permettait pas de réaliser une analyse statistique. Si nous comparons les chiffres bruts, le débit urinaire induit par MQ-9 est très proche de celui induit par MQ-6 à la même dose (Tableau 10) et l’osmolalité urinaire est du même ordre de grandeur mais la très importante variabilité de ce paramètre dans le groupe MQ-6 à 0,1 µmol/kg limite fortement la comparaison. Nous n’avons pas pu poursuivre notre étude de MQ-9 in vivo pour les raisons évoquées dans la partie II.D.1 des Résultats et discussion. De toute évidence, sauf erreur de manipulation, l’efficacité in vivo de MQ-9 n’est pas corrélée à sa capacité à inhiber la production d’AMPc in vitro puisque son IC50 était identique à celle de MQ-1 (p = 1,00, Tableau 9). Les nombreuses différences de séquence (70,2 % d’identité de séquence avec MQ-1, un résidu en moins dans la boucle 1) pourraient être à l’origine d’une prise en charge différente dans l’organisme, réduisant son efficacité sur V2R.

Concernant les toxines de cobra, Q5ZPJ7 n’a pas pu être caractérisée in vivo suite à des difficultés rencontrées lors de sa production mais P19859 a bien été testée dans les mêmes conditions que les autres MQ : une injection unique IP de toxine à 0,03 µmol/kg sur un groupe de 6 rats Sprague-Dawley mâles. Dans les vingt-quatre heures suivant l’injection, le débit et l’osmolalité urinaires de P19859 étaient statistiquement très différents de ceux de MQ-1 (1,34 contre 10,45 ml/h/kg pour le débit urinaire et 1830 contre 314 mOsm/kg H2O pour l’osmolalité urinaire, p < 0,001 pour les deux paramètres,

Figure 39). En revanche, le débit urinaire était similaire à celui obtenu pour le groupe placebo (1,34 et 1,56 ml/h/kg, p = 0,99) et l’osmolalité urinaire était statistiquement supérieure (1798 et 1228 mOsm/kg H2O, p = 0,02). Ainsi, P19859 n’induit aucun effet

aquarétique à la dose 0,03 µmol/kg. Étonnamment, ce résultat ne corrobore pas l’efficacité démontrée in vitro pour cette toxine (p = 0,37 par rapport à MQ-1). L’injection de 0,01 µmol/kg de toxine à trois rats a montré un débit urinaire augmenté d’un facteur 2 (2,77 ml/h/kg) et une osmolalité urinaire diminuée d’un facteur 2 (922 mOsm/kg H2O, Tableau

10). L’excrétion d’osmoles n’était pas modifiée (2781 µOsm/h/kg). Ces valeurs se rapprochent de celles obtenues avec MQ-1 à la dose 0,001 µmol/kg (Tableau 3), soit une différence non significative statistiquement par rapport au groupe placebo. Nous n’avions pas suffisamment de toxine pour tester une dose supérieure. Néanmoins, nous pouvons conclure que P19859 est moins efficace que MQ-1 in vivo contrairement à ce que montrent les résultats in vitro. P19859 ne partage que 66,7 % d’identité de séquence avec MQ-1 et se situe à deux embranchements de la famille des MQ dans l’arbre phylogénétique (Figure 33). Il est envisageable qu’elle subisse un métabolisme différent de celui des MQ qui expliquerait son activité in vivo diminuée.

III. Exploration

du

pharmacophore

de

la