rb est le premier gène suppresseur de tumeur à avoir été identifié chez l’Homme. Ce gène code pour la protéine de susceptibilité au rétinoblastome appelée pRb. Ce gène tient son nom du fait qu’il est retrouvé muté dans un cancer pédiatrique de la rétine appelé rétinoblastome. La protéine pRb est, directement ou indirectement, inactivée dans la quasi-totalité des cancers humains (Gordon and Du, 2011; Hanahan and Weinberg, 2000; Sherr, 1996; Sherr and McCormick, 2002). Cette inactivation peut être due à une mutation du locus du gène rb, à une extinction de l’expression de ce gène du fait d’un mécanisme épigénétique (Feinberg and Tycko, 2004; Stirzaker et al., 1997) ou au fait que la protéine pRb peut être fonctionnellement inactivée suite à l’altération de l’un de ces régulateurs. Par exemple, le gène rb est retrouvé muté dans plus de 90% des cancers du poumon à petites cellules, dans environ 50% des cancers de la vessie et dans 20% des cancers du sein et de la prostate (Burkhart and Sage, 2008; Kaye and Harbour, 2004). Au total, plus de 900 mutations de ce gène ont été recensées. pRb a donc un rôle crucial de suppresseur de tumeur chez l’Homme.
pRb interagit avec de nombreuses protéines nucléaires (Goodrich, 2003; Goodrich, 2006; Morris and Dyson, 2001). Par le biais de ces interactions, il régule de très nombreux processus biologiques. On peut citer, par exemple, la différenciation (Korenjak and Brehm, 2005; McClellan and Slack, 2007; Nguyen and McCance, 2005), la prolifération (Henley and Dick, 2012), l’apoptose (Hickman et al., 2002) ou encore la stabilité génomique (Knudsen et al., 2006). Au vu de son rôle de suppresseur de tumeur, il apparait important de comprendre les mécanismes sous-jacents à ses différentes fonctions. Toutefois, la forte redondance génétique et fonctionnelle qui existe au sein de la famille Rb et au sein des familles de ses partenaires complique l’étude de ses fonctions biologiques. La drosophile s’est imposée comme un modèle de choix pour étudier les fonctions de pRb. En effet, il existe chez la drosophile des homologues des protéines à poches, et de leurs principaux partenaires, mais ils sont en nombre plus restreint que chez les mammifères (Figure 39). De même, les principales voies de signalisation sont conservées chez cet organisme modèle mais avec une plus faible redondance génique. En outre, de très nombreux outils génétiques sont disponibles et on a facilement accès à différents stades de développement et à divers types cellulaires. Il est donc possible d’étudier les effets de Rbf1, l’homologue de pRb, sur le devenir cellulaire chez la drosophile.
Au cours de cette seconde partie d’introduction, je présenterai brièvement la structure des protéines de la famille Rb, chez les mammifères et la drosophile, et leur fonction de régulateur de la chromatine. Puis je présenterai les fonctions biologiques de pRb et Rbf1. J’ai choisi de détailler ici uniquement leur rôle et leur mécanisme d’action vis-à-vis de l’apoptose et de la prolifération car je me suis intéressée à ces deux rôles de Rbf1 au cours de mes travaux de thèse.
Figure n°40 : Famille des protéines à poche chez les mammifères
La famille des protéines à poche con7ent trois membres chez les mammifères (pRb, p107 et p130). Ces protéines se caractérisent pas la présence de deux domaines conservés : les domaines A et B qui forment une structure en poche permeJant les interac7ons protéine/protéine. En outre, ces trois protéines possèdent des domaines amino-‐ et carboxy-‐terminaux. Les protéines p107 et p130 possèdent un domaine spacer entre les domaines A et B. Ce domaine permet le recrutement de complexes cycline/ cdk. Les protéines p130 et p107 se dis7nguent également de pRb par la présence d’une inser7on au sein du domaine B.
Adapté de Dick and Rubin, 2013, Henley and Dick, 2012
Domaine amino-‐terminal Domaine carboxy-‐terminal Domaine A/B : pe7te poche
A B
RBN
RBN
A B
A B
130N
107N
pRb p107 p130107C
130C
RBC
Domaine spacer Poche A/B RBN RBCPoche A/B Poche A/B
Pe4te poche
Grande poche
a.
b. c.
Figure n°41 : pRb est une plateforme d’interac4on protéique
(a) Modèle de pRb sous sa forme ac7ve réalisé à par7r des structures des différents domaines
obtenues par cristallographie. On note la présence de nombreuses hélices α. Des feuillets β sont
également présents au sein du domaine RBC. La ligne poin7llée indique les régions flexibles entre les domaines structurés.
(b) Représenta7on schéma7que des domaines structuraux de pRb. La posi7on de différents sites de
liaison pour des protéines partenaires est indiqué.
(c) Représenta7on schéma7que de pRb dans sa conforma7on inac7ve et phosphorylée. La
phosphoryla7on sur la thréonine 373 induit une interac7on entre le domaine RBN et la poche A/B alors que des phosphoryla7ons sur les thréonines 821 ou 826 entrainent une interac7on entre une boucle de la poche A/B et le domaine RBC.
Adapté de Dick and Rubin, 2013
Mo4f LxCxE
CDH1 enzymes de remodelage de la chroma7ne
enzyme de modifica7on des histones Condensine II
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A.La famille des protéines à poche chez les mammifères et la drosophile
1. Les protéines à poche chez les mammifères
a) Structure des différents membres de la famille Rb chez les mammifères
pRb appartient à la famille des protéines à poche (Figure 40). Cette famille comprend trois membres chez les mammifères : pRb, p107 et p130 (Claudio et al., 2002). Il existe des similarités de structure entre ces trois protéines et un certain nombre de fonctions communes ont été identifiées. Elles ont, par exemple, toutes les trois la capacité de réguler négativement le cycle cellulaire (Cobrinik, 2005; Henley and Dick, 2012). Des fonctions spécifiques ont également été mises en évidence pour ces protéines. Ainsi, contrairement à rb, p107 et p130 ne sont pas retrouvés fréquemment mutés dans les cas de cancer chez l’Homme (Dick and Rubin, 2013). Cela suggère que la capacité de suppresseur de tumeur de pRb est bien plus forte que celle de p107 et p130 en dépit de leur similarité structurale. Ceci explique que pRb soit la protéine la plus étudiée de la famille.
pRb contient deux domaines A et B qui ressemblent structurellement à un domaine hélical présent dans les cyclines (Figure 41) (Kim and Cho, 1997; Lee et al., 1998). Ces domaines A et B interagissent ensemble pour former une seule unité structurale nommée « poche ». On parle de « petite poche » ou de « poche A/B ». Cette poche A/B est fortement conservée entre les différents membres de la famille Rb (Claudio et al., 2002). Elle permet à pRb d’interagir avec de nombreux partenaires dont les facteurs de transcription de la famille E2F. Cette région permet notamment l’interaction avec des protéines possédant un motif LxCxE comme par exemple dans antigènes viraux ou des enzymes de remodelage de la chromatine. Deux domaines cyclines additionnels constituent le domaine N-terminal de pRb noté RBN et les 150 derniers résidus de pRb forment le domaine C-terminal (RBC) qui est désordonné (Dick and Rubin, 2013). Ce domaine RBC contient une séquence NLS qui permet à pRb d’être adressé au noyau (Zacksenhaus et al., 1993). Comme la poche A/B, les domaines RBN et RBC permettent à pRb d’établir diverses interactions protéiques. En outre, le domaine RBC peut interagir avec la petite poche pour former la « grande poche ». Cette dernière est nécessaire et suffisante pour permettre à pRb d’inhiber la progression du cycle cellulaire (Hiebert, 1993; Qin et al., 1992). Il est intéressant de noter que pRb peut adopter une conformation fermée donc inactive du fait de l’existence de différentes interactions intra-moléculaires (Figure 41) (Gordon and Du, 2011). Ces interactions intra-moléculaires sont régulées par diverses modifications post-traductionnelles de pRb et par la liaison de protéines régulatrices.
b) Régulations transcriptionnelles et post-transcriptionnelles de pRb
rb est exprimé de façon constitutive et ubiquitaire. L’analyse génomique du locus rb révèle différentes caractéristiques qui font de lui un gène de ménage. En effet, la transcription de rb est initiée en de multiples positions. De plus, l’analyse génomique révèle qu’aucune boite TATA caractéristique des gènes différentiellement régulés n’est présente dans la région promotrice de rb. Par contre, cette région contient une