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personnages historiques

CHAPITRE 1 SURVOL DES NOTIONS DE L'ADAPTATION, DU PERSONNAGE HISTORIQUE ET DU THÉÂTRE JEUNE PUBLIC

1.3 La dramaturgie jeune public

1.3.1 Développement du théâtre jeune public au Québec

La réflexion sur le développement de la dramaturgie jeunesse au Québec est presque exclusivement l'affaire de la professeure et auteure Hélène Beauchamp. Elle observe et critique le théâtre jeune public depuis la fin des années 1970. En 1985, dans un ouvrage phare (Le théâtre pour enfants au Québec : 1950-1980), elle a identifié trois périodes dans l'évolution du théâtre qui s'adresse aux enfants. Elle définira plus tard la plus récente période (1990-2000). Elle situe au début des années 1950 l'apparition de ce type de théâtre au Québec. La discipline est donc encore très jeune et son âge déterminera le développement de sa dramaturgie. « L'écriture du théâtre jeune public a été fortement influencée par l'absence d'un répertoire déjà constitué. Par rapport à quels textes les jeunes auteurs allaient-ils se situer? À quoi nourriraient-ils leurs inventions? À quels choix précédents pourraient-ils s'opposer ou se rallier? » (Beauchamp, 2000 : 13)

1950 à 1965

Au début des années 1950, le théâtre québécois est en pleine effervescence. Il se cherche, tente de se définir par rapport au théâtre français et explore de nouvelles avenues. Le théâtre pour enfant participe à cette recherche. Ainsi, quelques compagnies de théâtre pour adultes décident d'offrir aussi une ou deux pièces par année destinées aux enfants. La raison de cette ouverture est toute simple. On cherche à élargir le public et à assurer une certaine viabilité aux compagnies (Beauchamp, 1985). À cette époque, les textes

scéniques de contes traditionnels (ceux de Perrault et d'Andersson, entre autres). On dénombre tout de même treize créations originales, mais dans leur forme ou leurs thèmes, ces pièces rappellent toujours le conte traditionnel (Legault, 1996).

7965 à 1973

Cette période est marquée par la naissance de deux compagnies théâtrales qui produisent exclusivement pour les enfants : le Théâtre pour Enfants de Québec et le Théâtre des Pissenlits. Ces compagnies, financièrement et administrativement autonomes, participeront au développement d'une dramaturgie et de circuits de tournée, en plus d'assurer des saisons régulières (Beauchamp, 1985). Les créateurs de spectacles ont vite épuisé le bassin des contes traditionnels. Ils se tournent donc vers la création pure pour parer à cette pénurie. C'est une période d'expansion. On y produit près de 70 nouvelles créations québécoises durant ces huit années. La dramaturgie de cette époque est encore marquée par le fantastique. On cherche à divertir et à ne pas ennuyer les enfants. On ne propose pas encore de textes réalistes (Legault, 1996).

1973 à 1980

Les années 1973 à 1975 représentent une période charnière pour la dramaturgie jeune public. En 1973, à la suite d'un atelier d'écriture organisé par le Centre d'essai des auteurs dramatiques (CEAD), Monique Rioux fonde le Théâtre de la Marmaille (maintenant appelé la compagnie de théâtre Les Deux Mondes). On cherche à créer des spectacles dans lesquels les enfants se reconnaîtraient (Des Landes, 1997). C'est un changement radical de point de vue. Leurs démarches aboutissent en 1975 avec la création de la pièce Ce tellement cute des enfants. Le texte de Marie-France Hébert étonne et détonne. Il est considéré comme le premier texte réaliste pour enfants. Le langage est cru, le style, direct. Comme l'indique Sophie Legault, « [c]e texte ramène à la réalité ceux qui voient trop souvent les enfants comme des petits bonbons roses et rompt à la fois les liens avec le théâtre du merveilleux. » (1996 : 6) On considère maintenant les enfants comme des personnes à part entière et on tente de se rapprocher de leur réalité. Notons au passage que cette transition

vers une langue plus populaire, moins littéraire, s'inscrit dans le mouvement d'affirmation du « théâtre québécois » (Beauchamp, 2000). Paradoxalement, si l'on observe un rapprochement vers la langue parlée, on assiste aussi à l'apparition d'une écriture plus poétique (Beauchamp, 2000).

Les années 1990 et 2000

Durant les années 1990 et 2000, une nouvelle approche qui consiste à adopter le point de vue des enfants s'impose chez les dramaturges. Sans que le divertissement soit négligé, on voit apparaître un théâtre plus près des besoins et de la réalité des enfants. Émouvoir le jeune public devient la principale préoccupation des auteurs. On cherche à s'éloigner du didactisme et de l'école. On ne cherche plus à instruire (Legault, 1996). Beauchamp (2001) note qu'à la fin des années 1990, on voit apparaître un type d'écriture subjective qui tire son inspiration de la mémoire et de l'intime. « Il en résulte une dramaturgie de l'intimité qui cherche à s'arrimer aux parcours mythiques et aux grands récits épiques » (Beauchamp, 2001 : p. 146). On remarque aussi, dans les années 1990, un désir d'exploration chez les auteurs de nouveaux modes narratifs. On utilise les lettres, on joue avec le temps et l'espace, on fait voyager les personnages. On ouvre les histoires sur le monde entier (Beauchamp, 2000).

1.3.2 Les spécificités de l'écriture dramatique pour les jeunes publics

Depuis ses débuts dans les années 1950, le théâtre jeune public a mûri et s'est diversifié tant dans ses formes que dans ses thèmes. Distinguer ce qui fait la spécificité de ce théâtre est donc une tâche forcément réductrice. Il est toutefois possible d'identifier les grandes lignes qui définissent cette dramaturgie tout en gardant à l'esprit que l'on ne vise pas à être exhaustif.

À l'évidence, le théâtre jeune public a ceci de particulier qu'il s'adresse à un public précis et identifié : les jeunes, de la petite enfance à l'adolescence. Ce public impose aux créateurs certaines contraintes. Il faut adapter le discours. Selon Gaudreault et Lebeau, « [q]uelques

(2006 : 84) Devant cette contrainte de l'écriture pour un public ciblé, les auteurs font face à un dilemme qui oppose leur propre pulsion créatrice et le désir d'être entendu et de toucher un public particulier, celui des enfants. Gervais Gaudreault et Suzanne Lebeau résument bien cette opposition :

Créer « pour » le jeune public suppose la recherche d'un équilibre toujours instable et précaire entre des forces contradictoires, vigoureuses, inquiétantes et pourtant terriblement dynamiques. D'un côté, il y a les pulsions réelles de l'artiste qui a une vision du monde, des envies, une esthétique, une langue, et de l'autre côté, un public captif qui souvent ne sait même pas ce qu'il va voir. D'un côté, il y a l'adulte dans cette position privilégiée devant des enfants qui ont 3 ans, 6 ans, 10 ans et qui, pourtant, parce qu'il se situe sur le terrain de l'art, refuse d'avoir raison. (Gaudreault et Lebeau, 2006)

Ce dilemme s'exprime d'abord à travers les thèmes abordés. Peut-on traiter de tous les sujets? Jusqu'où peut-on aller?3 Nous ne disposons pas ici d'assez d'espace pour aborder

ces questions. Nous dirons simplement que les praticiens semblent s'entendre sur l'importance de tout dire aux enfants, pourvu qu'on le dise bien, avec le bon niveau de communication (Vais, 2006; Gaudreault et Lebeau, 2006; Da Silva, 2006; CTEJ, 1995). Quelques auteurs (dont Suzanne Lebeau) précisent qu'il n'y a qu'une seule limite qu'ils n'osent franchir, celle du désespoir. Une pièce sans espoir serait impensable (CTEJ, 1995; Bertin, 2006).

En septembre 1995, Patricia Belzile publiait dans la revue Jeu (no 76) le résultat d'un exercice consistant à dégager les thèmes et les personnages récurrents de la dramaturgie jeune public au Québec. Son échantillon regroupe 21 pièces écrites dans la première moitié des années 1990. Sans être exhaustive, cette liste a le mérite de brosser un portrait général du contenu de cette dramaturgie. Les thèmes récurrents qu'elle a identifiés sont les suivants : la famille, l'amitié, Tailleurs, la mort, la liberté (ce dernier, particulièrement dans le théâtre pour adolescents). Quelques personnages types se démarquent aussi. Belzile

Pour approfondir ce sujet, on se référera au dossier « Théâtre jeunes publics » de la revue Jeu, no 118, publié en 2006.

identifie : l'enfant seul ou l'enfant qui s'ennuie, le monstre, la sorcière, les vieux adultes et l'animal-ami (Belzile, 1995).

On remarque aussi chez les auteurs de pièces pour enfants une conscience de la longueur du spectacle. Les représentations dépassent rarement une heure sauf, à l'occasion, en théâtre pour adolescent. On respecte à la fois la capacité de concentration des enfants ainsi que les contraintes des horaires scolaires.

Il semble pertinent de glisser un mot ici sur les modes de création des spectacles jeunes publics. Contrairement à ce qui est généralement la norme au théâtre « pour adulte », les spectacles pour enfants sont généralement conçus collectivement. À la formule du directeur artistique qui choisit un texte déjà complété puis engage un metteur en scène, des comédiens et des concepteurs, on favorise la conception collective. Les auteurs, qui sont souvent des auteurs-maison pour les compagnies, travaillent en étroite collaboration avec les metteurs en scène, concepteurs sonores et visuels, scénographes et autres professionnels du spectacle. Tel est le cas, par exemple, pour Jasmine Dubé avec le Théâtre Bouches décousues, Louis-Dominique Lavigne et le Théâtre de Quartier ou encore Suzanne Lebeau et ses collaborateurs au Carrousel et Jean-Rock Gaudreault avec la compagnie Mathieu, François et les autres. L'interrelation et la discussion entre les divers concepteurs lors de la création d'un spectacle, ce que Hélène Beauchamp (2001) appelle la « coconception », créent une forme nouvelle de dramaturgie.

Ces processus de coconception sont à l'origine de textes spectaculaires où les mots, les personnages, Faction et les situations dramatiques ne sont pas nécessairement les premières sources et ressources d'une écriture qui s'élabore aussi à partir d'éléments visuels - images, objets, mouvements, lumières - et sonores bruits, musique, ambiances, rythmes - qui peuvent, à leur tour, influencer les personnages et Faction dramatique. (Beauchamp, 2001 :

141)

La taille modeste des budgets dont disposent les compagnies de théâtre jeune public est une autre contrainte qui distingue cette forme de théâtre. Les spectacles doivent partir en tournée et se doivent d'être le plus « légers » possible en terme de décors et d'artisans. Il est donc très fréquent de voir des spectacles pour enfants qui ne présentent que deux comédiens sur scène.

sinon de façon inconsciente, une influence sur les dramaturges. Puisque les jeunes spectateurs ne choisissent pas eux-mêmes d'aller assister à une pièce ou ne choisissent pas le spectacle, les vrais décideurs sont les parents ou les enseignants, donc des adultes. Les réticences des adultes envers un texte peuvent donc théoriquement en restreindre la diffusion. Certains auteurs vont même jusqu'à affirmer qu'en réalité, c'est pour les adultes qu'on écrit le théâtre jeunesse, parce que ce sont eux qui décideront de la survie d'un spectacle et de son auteur (Vais, 2006; CTEJ, 1995). Louis-Dominique Lavigne admet, par exemple, que deux de ses pièces ont été censurées. L'une parlait de grève et l'autre présentait un langage jugé trop grossier (CTEJ, 1995).

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