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Dr. Edda B RANDES ,

Président de l'Association BENKADI e.V. Culture-Espace-Afrique

Préliminaires

Le projet « Décentralisation Culturelle chez les Buwa, Commune Fangasso au Mali » a été exécuté sous la direction de la GTZ. Il porte sur la sauvegarde, la conservation et l’exploitation du patrimoine culturel de cette commune rurale.

Ce projet entre en cohérence avec la stratégie de valorisation des ressources culturelles développée par la municipalité de Fangasso dans le cadre de son plan de développement communal. Il s’inscrit également dans le processus de décentralisation administrative en cours au Mali. Il s’appuie sur une triple conviction :

— la culture est la clé du développement ;

— la culture nécessite toujours et partout un soutien financier national et international ;

— la culture peut soutenir le processus de décentralisation.

En effet, la décentralisation en matière culturelle contribue à renforcer l’identité d’un peuple ou d’un groupe (commune, ville, villages etc.). Elle consolide la confiance et le sentiment de solidarité des villages vis à vis de la commune

et crée ainsi un sentiment de responsabilité collective au niveau communal. En outre la sensibilisation de la population sur ses propres valeurs culturelles la rend plus tolérante et respectueuse à l’égard des cultures étrangères.

La prise de conscience de leurs propres valeurs culturelles les rend plus à même à considérer les valeurs de l’autre. Ces deux vertus de tolérance et de respect sont des vertus qui peuvent s’apprendre et qui s’avèrent indispensables dans une société multiculturelle.

1. Le site

Le Mali

Le Mali est le plus grand pays d’Afrique de l’Ouest. Situé au carrefour des routes du méridien du désert à la forêt et du grand axe fluvial ouest-est, il couvre une superficie de 1.241.300 km2. Sur ce territoire, arrosé par les fleuves Niger et Sénégal, vit une population de 12.000.000 d’habitants. Le Mali est limité au Nord par l'Algérie, au sud par la Côte d'Ivoire et la Guinée, au sud-est par le Burkina Faso, à l'ouest par la Mauritanie et le Sénégal et à l'est par le Niger

L’économie malienne a connu une croissance relative de 1994 à 2001. Les réformes menées et la dévaluation de 1994 ont entraîné un essor des exportations et des investissements. Cette impulsion a provoqué une reprise généralisée de la production dans tous les secteurs, de 1995 à 1997. Cependant en 1999 on constate une baisse des investissements et du cours des principaux produits d’exportation, en plus d’un environnement international défavorable en 1998. La crise dans le secteur du coton en 2000

a fortement ralenti l’activité économique en 2000 et surtout en 2001, réduisant le taux de croissance économique annuel respectivement à 3.7% et 1.5% contre une croissance annuelle moyenne de 5,3 % durant la période 1994-2000. »3 Le PNB par habitant est aujourd’hui de 250$ US.

Malgré ces résultats économiques, la pauvreté reste une donnée structurelle. Le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté du Mali révèle que « Pour la première fois depuis la fin des années 1980, la population malienne connaît une augmentation de son revenu par habitant (+2.6% sur 1994-1996 et +3.2% sur 1996-1999). Mais ces chiffres ne doivent pas occulter la pauvreté qui touche aujourd’hui 68% de la population totale. L’indice de pauvreté est plus fort en milieu rural (75,9 %) qu’en milieu urbain (30.1%). Les populations pauvres travaillent en majorité dans le secteur primaire.

Au niveau politique, la décentralisation a été reconnue comme la priorité de l’organisation administrative par la constitution du 12 janvier 19942. Elle a abouti à la création « de 703 communes sur l'ensemble du territoire, 49 conseils de cercle, 8 assemblées régionales, une assemblée du District, une association des municipalités, et des instruments d'appui de la mise en œuvre de cette politique, notamment l'Agence Nationale d'Investissement des Collectives Territoriales (ANICT) et les autres Conseils Communaux. »5 C’est la loi 98-03 qui prévoit cinq catégories de collectivités territoriales représentées par les assemblées et conseils cités ci-dessus : la région (08), le district de Bamako, le cercle (49), la commune urbaine et la commune rurale.

3 Gouvernement de la République du Mali, Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, p.01.

4 Alain Rochegude, Décentralisation, acteurs locaux et foncier, Mali, mars 2000.

5 Gouvernement de la République du Mali, Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, p.14.

Les Buwa et la commune de Fangasso

Les Buwa de la commune Fangasso du cercle de Tominian comptent environ 20.000 habitants6 . Ils habitent une région de 1000 km² située 500 km à l’est de la capitale du Mali, Bamako, sur la route de Djenné. La commune englobe 41 villages. L’origine des Buwa se perd dans la nuit des temps. Les informations disponibles ne concernent que les mouvements migratoires avant leur arrivée dans la région. Les Buwa sont culturellement proches des Dogon dont ils partagent la langue, le « boomu » ou « boré » de la famille Gur. Les Buwa maliens constituent la communauté majoritaire des cercles de Tominian et représentent 2 % de la population malienne. La région est également habitée par les Dafing et les Peul. Les Buwa du Burkina Faso et ceux du Mali forment un groupe homogène, partageant les mêmes coutumes, les mêmes croyances et le même folklore. Cette proximité culturelle a été mise en valeur dans le cadre du projet, puisque des échanges ont été organisés entre les acteurs culturels de Dedougou au Burkina Faso et la commune de Fangasso. L’agriculture constitue l’activité principale dans la vie des Buwa, activité complétée par la cueillette, la chasse et la pêche. La situation actuelle est marquée par une pauvreté relativement importante, due notamment à la dépendance aux pluies annuelles. L’exode rural est très important, notamment pour les jeunes. La région dispose d’un marché hebdomadaire remarquable à Fangasso qui attire des commerçants venant du Burkina Faso ainsi que de Bamako.

Patrimoine et identité culturelle

L’habitat des Buwa est composé de cases construites en briques de terre séchée, dont quelques beaux exemples sont toujours visibles dans des villages qui méritent d’être restaurés ou reconstruits. Les tenues portées quotidiennement sont principalement le grand

6 Bureau de Vision Mondiale, Fangasso (Mali), décembre 2002.

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boubou, la tunique de cotonnade, les pagnes et des chemises. La fête annuelle est la seule occasion qui donne lieu à l’habillement traditionnel. Les danses traditionnelles se pratiquent avec des vêtements et des accessoires très spécifiques, notamment une sorte de chemise en coton, une jupe à fils tombants, une coiffure faite à partir de la fibre de dah et un ensemble de grelots attachés aux pieds des danseurs. Ces pratiques occupent une place centrale dans la culture traditionnelle.

Une première étude du patrimoine musical des Buwa a été réalisée en 1992 dans le cadre d’un projet en coopération avec le Musée National de Bamako. Treize genres musicaux différents ont été identifiés et inventoriés sous forme iconographique ou sonore. Une cassette a été produite et diffusée au Mali. Les résultats de cette collecte musicale ont été centralisés au Musée National, à Bamako, contrairement à ceux du présent projet, visant à favoriser la décentralisation culturelle.

Un « Atlas Culturel » plus complet a été élaboré en 2001 sur le patrimoine régional, aussi bien matériel qu’immatériel. L’atlas explore tout d’abord les éléments du patrimoine immatériel. Il retrace l’historique des villages (fondation du village, patronymes, généalogie des chefs de village et des chefs coutumiers, nombre d’habitants), recense les traditions orales (contes, proverbes, devinettes, légendes, chants, poèmes) et le savoir-faire local (plantes médicinales). Il décrit également le calendrier rituel et le calendrier des manifestations. Il inventorie par ailleurs le patrimoine matériel. Il identifie les sites majeurs, notamment les lieux sacrés (bois sacré, puits sacrés, maison des ancêtres et des fétiches, lieux des sacrifices, première pierre du village), les lieux de culte (églises, mosquées), les mares sacrées. Il s’intéresse également aux lieux généraux, tels que les écoles, les salles d’alphabétisation, les dispensaires, les mairies, les maternités etc.

L’atlas recense également les éléments spécifiques de la culture Buwa, qu’ils soient

matériels ou immatériel : culture musicale, chasse, pêche, culture des guerriers, travaux champêtres, habillement traditionnel, objets d’art et de culte, confection des chapeaux, nattes, cordes, meubles en bois, marmites en argile…

2. Présentation du projet

Objectifs et résultats

Le projet «Décentralisation Culturelle chez les Buwa de la Commune de Fangasso » a été initié en 2001 pour une durée de 21 mois.

L’objectif était de permettre aux acteurs de la culture d’une commune rurale de prendre la responsabilité de la conservation et de la gestion de leur patrimoine culturel. Les actions menées visaient à sensibiliser les responsables de l’action culturelle et les acteurs de la culture à la valeur de leur patrimoine et à les former à l’utilisation des méthodes et des techniques d’identification, de documentation, de conservation et de gestion des ressources culturelles, matérielles et immatérielles. Il s‘agissait in fine de contribuer au renforcement de l’identité culturelle, à une époque de changement et de réorganisation.

Le projet a contribué de façon significative à la sauvegarde des valeurs traditionnelles, qui étaient auparavant en voie de disparition. Une dizaine de jeunes danseurs ont été mobilisés pour créer des costumes de danse traditionnels, préparer des chorégraphies et organiser des représentations. De nombreux éléments de la tradition orale ont été collectés, notamment des contes ayant une portée morale et éducative.

Des enquêtes monographiques ont été réalisées sur l’histoire du peuplement et la fondation des villages en vue de résoudre certains litiges fonciers ou des problèmes relatifs à la gestion des ressources naturelles (accès aux points d’eau…). Elles ont aidé les habitants des villages à prendre conscience de l’histoire de leurs ancêtres et favorisé l‘émergence d’un sentiment d’appartenance et de cohésion sociale. L’enregistrement des contes et les

reportages réalisés sur les cérémonies rituelles favorisent la promotion et l’intégration sociale de certains acteurs. Enfin l’animation des soirées dansantes est l’occasion pour les habitants de se regrouper et favorise la création de liens d’amitié entre les jeunes et les habitants des différents villages.

Le projet a également contribué à la lutte contre l’exode rural. Il a permis de créer

plusieurs emplois pour des jeunes. (3 jeunes sur les 5 agents recrutés à Bamako). Des événements ont été organisés par les agents du projet, afin de promouvoir les activités artistiques et artisanales. Leur salaire constitue une source de revenus pour leurs familles (achat de vivres, d’animaux, de matériels agricoles et autres). Enfin, les frais d’information (sommes forfaitaires) dont bénéficient certaines personnes permettent aux intéressés de subvenir à leurs besoins élémentaires (achat de tabac, de cola et autres).

La commune dispose aujourd’hui d’un équipement technique pour la collecte, la

documentation, la projection et l’animation.

Elle dispose également d’une collection