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Directeur Général de l’Ecole Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (EAMAU)

Résumé

Grand Bassam, première capitale de Côte d’Ivoire est un des hauts lieux du passé colonial ivoirien. La ville historique de Grand Bassam appartient au grand ensemble des comptoirs coloniaux de la côte ouest africaine qui ont favorisé les premiers établissements humains au contact des européens. La ville garde aujourd’hui de nombreux témoignages de son passé glorieux qui constituent autant de vestiges architecturaux, urbanistiques et culturels.

La ville historique de Grand Bassam est l’un des cadres d’application de la démarche patrimoniale de l’EAMAU (Ecole Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme).

Cette démarche, en cours d’expérimentation sur des tissus urbains historiques, se fonde sur le respect de la lisibilité des traces de l’histoire comme valeur essentielle, sur la capacité à étudier les évolutions de la ville, à détecter les éléments qui sous-tendent ces évolutions et à faire des choix sur ce qui devrait être préservé ou conservé.

Cette approche vise à valoriser le patrimoine historique et ce faisant, l’image de la ville afin d’amener les acteurs urbains à intégrer le patrimoine aux stratégies de développement.

C’est dans ce contexte que le projet de réhabilitation du patrimoine historique de Grand Bassam a vu le jour. Ce projet est une initiative qui bénéficie de l’aval de l’UNESCO et d’un appui institutionnel de partenaires locaux tels que :

— le Ministère de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire,

— le Bureau National des Etudes Techniques et de Développement (BNETD),

— le Centre de Recherches Architecturales et Urbaines (CRAU),

— la Mairie de Grand Bassam.

Le coût global du projet est estimé à Cent trente un millions quatre milles huit cent Francs CFA.

1. Contexte

La ville de Grand Bassam est située sur le Golfe de Guinée à une quarantaine de kilomètres d’Abidjan. Haut lieu d’histoire, Grand Bassam est l’une des premières villes et la première capitale de la Côte d’Ivoire. Entre mer et lagune, cette ville constitue une attraction touristique majeure, de par son importance historique, ses anciennes maisons coloniales (souvent abandonnées), ses belles plages et ses marchés artisanaux. Elle est également l’un des premiers établissements du contact des européens avec la côte et son développement a été favorisé par les échanges commerciaux entre les autochtones et les explorateurs européens, puis par l’installation des Français et des factoreries. C’est ainsi que fut créée en 1893 la colonie française de Côte d’Ivoire dont Bassam devint la capitale.

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Cette situation a permis à Grand Bassam de connaître un essor économique dû à l’hospitalité de sa population, au marché qu’elle constituait, mais surtout à la richesse de sa région et de son arrière pays. Cela s’est traduit par la construction successive de deux wharfs et du débarcadère sur la lagune, l’implantation de plusieurs banques et sociétés françaises et étrangères. La ville connut également une ascension politique avec la nomination d’un gouverneur résident qui avait en charge toutes les affaires administratives de la colonie. Dès 1914, plusieurs institutions administratives et politiques comme la sous-préfecture, la mairie, le palais de justice, la prison, etc. furent mises en place. A partir de 1920, les forestiers règnent en maîtres sur la ville. L'acajou surnommé "l'or d'ébène" contribue à la richesse de la ville qui exporte en moyenne 100.000 tonnes de bois par an.

En 1899, une terrible épidémie de fièvre jaune obligea les autorités administratives à déplacer la capitale à Bingerville, plus au nord, puis à Abidjan. C’est alors qu’a commencé le déclin de la ville. La construction du wharf de Port-Bouet, le chemin de fer et l’ouverture du canal de Vridi ont porté le coup de grâce, accentuant la chute de la ville.

Aujourd’hui, Grand Bassam s’est vidée des diverses activités qui faisaient jadis sa gloire.

Les nombreux vestiges immobiliers, composantes visibles du patrimoine et seuls témoins de cette époque rayonnante, sont exposés aux intempéries, à l’usure du temps et aux transformations rapides de l’environnement.

Ils sont menacés de disparition si aucune action n’est entreprise pour leur protection, leur sauvegarde et leur mise en valeur.

La réhabilitation du patrimoine de la ville, facteur non négligeable de son développement, apparaît comme une exigence fondamentale et urgente, une condition nécessaire à sa survie et à sa transmission aux générations futures.

Déjà depuis les dix dernières années, une prise de conscience sur la nécessité de sauvegarder ce patrimoine est née et s’est renforcée. C’est ainsi que des actions de sauvegarde de certains bâtiments remarquables sur le plan historique ont démarré :

— La réhabilitation de la maison du patrimoine (ex-hôtel des postes),

— la réhabilitation du palais du gouverneur (actuel musée des costumes).

Dans le contexte actuel de la décentralisation, avec l’émergence de nouveaux acteurs tels que les conseils généraux, l’intérêt touristique et économique peuvent favoriser une prise de conscience collective ainsi qu’une action locale concertée en faveur du développement de Grand Bassam à travers la réhabilitation de son patrimoine historique.

La présente étude s’inscrit dans cette dynamique de réhabilitation et procède par le biais d’opérations pilotes démonstratives, de recommandations de stratégies et de mécanismes d’incitations afin d’imprimer une approche participative et collective dans la politique de réhabilitation et d’entretien du patrimoine historique de la ville.

2. Objectifs du projet

Le projet a pour objectif d’insuffler une dynamique de réhabilitation du patrimoine historique de Grand Bassam par le biais d’opération pilotes démonstratives, de recommandations, et par la mise sur pied d’une stratégie de développement basée sur la valeur patrimoniale de la ville.

Le projet vise entre autres à renforcer et à valoriser l’authenticité de la ville caractérisée par un mélange de cultures anciennes et modernes, à constituer une base de données consistantes en matière de sauvegarde, de réhabilitation et de mise en valeur des sites et monuments exploitables par des chercheurs, des professionnels des métiers de la ville, des associations de développement et des décideurs

politiques. Le projet vise également un développement au niveau local à travers la réhabilitation du patrimoine de la ville.

Une étude sera menée sur trois quartiers de la ville : le quartier France, le quartier Impérial et le quartier Moossou. Situés le long d’un axe routier orienté du sud vers le nord, ces quartiers constituent des noyaux historiques et regorgent d’éléments patrimoniaux. L’étude portera notamment sur les points suivants :

— recherches documentaires,

— inventaire du patrimoine historique de la ville,

— examen de l’état du patrimoine historique (localisation, nature et fonction, statut, occupation, niveau d’entretien, identification des propriétaires et leur disposition vis à vis d’un éventuel accord de partenariat pour la réhabilitation des bâtiments, classification…),

— analyse du cadre légal et institutionnel,

— analyse des besoins, de l’implication et des intérêts des parties prenantes (communautés et autres),

— définition de stratégies d’action pour la ville,

— examen des capacités techniques et de savoir-faire (matériaux adaptés, main d’œuvre qualifiée, suivi…),

— définition d’un programme pilote de réhabilitation,

— mise en place de mécanismes d’incitation et d’appui financier pour la réhabilitation des composantes de la ville (bâtiments, sites, éléments structurants…).

L’étude sera menée par l’Ecole Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (EAMAU) en collaboration avec le Ministère de la Culture et de la Francophonie, la Mairie de Grand Bassam, le Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD) et le Centre de Recherche Architecturales et Urbaines (CRAU).

Le projet sera mis en œuvre par une équipe pluridisciplinaire composée d’architectes,

d’urbanistes, de sociologues, d’anthropologue et d’historiens, sous la responsabilité de l’EAMAU.

Le processus d’inventaire étant long (minimum deux mois), l’équipe opérationnelle sera assistée des étudiants de l’université d’Abidjan.

En matière de conservation et de valorisation du patrimoine et compte tenu de la spécificité de Grand Bassam, l’étude pourrait être menée sur seize mois afin de permettre l’observation des pathologies et des pratiques socio-culturelles et économiques.

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