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Directeur de la Gestion Foncière Urbaine, Mairie de Brazzaville

Introduction

"ubi jus ubi societas" disent les latins, ce qui signifie : Là où est la société là est le droit. La vie sociale obéit à des normes ; la vie urbaine n’échappe pas à cette réalité. Le droit de l’urbanisme répond à cette attente. En république du Congo le constituant, le législateur et l’autorité réglementaire ont mis en place une armature juridique pour organiser le régime du sol. D’où tire t-il ses origines ? Comment s’applique t-il ? Quels sont les écueils à sa bonne application ? Nous tenterons de répondre à ces questions.

1. Les sources de la réglementation foncière

La Constitution

La réglementation foncière trouve sa source, en premier lieu, dans la constitution. La Constitution du 20 janvier 2002 proclame la sacralité de la propriété privée, y compris les droits réels sur le sol. Comme dans tous les Etats, la réglementation foncière doit être

conforme à la norme principale qui est la constitution.

La loi

La principale loi, en matière foncière, est tombée en désuétude. Elle n’est plus applicable pour cause d’inconstitutionnalité. En effet, la loi n° 52/83 du 21 avril 1983 portant code domanial et foncier a été votée et promulguée sous l’emprise de la constitution de 1979 à l’époque du monolithisme partisan ; Celle-ci déclarait la terre propriété du peuple à travers l’Etat. Un nouveau code domanial et foncier est en cours de promulgation pour le rendre conforme à la nouvelle constitution qui sacralise, comme nous l’avons indiqué, la propriété privée.

Parallèlement, la loi n° 021/88 du 17 septembre 1988 sur l’aménagement et l’urbanisme organise les prévisions et les règles d’urbanisme, les mesures de sauvegarde et les prescriptions principales, les effets juridiques des plans d’urbanisme. Cette loi réglemente également l’équipement des quartiers existants, la création des nouveaux quartiers et l'aménagement des zones industrielles et portuaires, ainsi que la délivrance des permis de construire et les sanctions (arrêt des travaux, destruction d’ouvrages construits, traduction devant les tribunaux, amendes allant de 10.000 à 300.000 Frs CFA.)

Le règlement

Nous évoquerons ici les textes les plus importants, en particulier le décret du 2 juin 1921 qui porte modification du décret du 8 août 1917 réglementant la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Celle-ci doit d'abord remplir la condition de l'indemnisation 80

préalable et équitable. Dans la majorité des cas, cette prescription est respectée. On peut également citer le décret n° 72/326 du 25 septembre 1972 portant mesures de sauvegarde relatives à la construction et aux lotissements dans la ville de Brazzaville, complété par le décret n° 91-459 du 20 mai 1991 fixant les modalités des lotissements. Celui-ci décrit les prescriptions et la procédure. Les autorisations de lotissement sont délivrées par la commission Technique d’Urbanisme instituée par décret n°

91-458 du 20 mai 1991. Mais avant toute mise en valeur les bénéficiaires des lots sont soumis au respect des prescriptions du décret n° 91-460 du 20 mai 1991 relatif au permis de construire.

L'autorité réglementaire intervient également par voie d’arrêté. Pour exemple, nous citons les arrêtés ci-dessous:

— N° 2039 MCUHRF/MEFB du 28 mai 2003 fixant la taxe sur l’autorisation de lotir ; Celle-ci est de 3% du coût total de la valeur vénale du terrain à lotir ;

— N° 2043/MCUHRF/MEFD du 28 mai 2003 fixant la taxe sur l’instruction des dossiers relatifs au permis de construire de démolir et de restaurer ;

— N° 2041 MCUHRF/MEFB du 28 mai 2003 fixant la taxe sur la maîtrise d’ouvrage des travaux de construction, d’urbanisme et architecture à 10% du coût total des travaux.

Le service compétent en ce qui concerne l’urbanisme et le foncier sur toute l’étendue de la ville de Brazzaville, soit 16.000 ha, c'est la Direction de la Gestion Foncière Urbaine créée par arrêté municipal du 02 juin 1979. Dans une commune, les règlements se présentent sous la forme de délibérations du Conseil Municipal, parmi lesquelles la délibération sur le taux d’autorisation, de transfert de propriété, d’attributions des terrains en fonction de l’affectation (zone résidentielle, industrielle, commerciale etc…).

2. La mise en œuvre de la réglementation

Les structures consultatives

La commission technique d'urbanisme est un organe consultatif chargé de donner un avis technique à Monsieur le Maire avant la mise en œuvre de la procédure de lotissement. Tous les services techniques de l’Etat et de la commune y sont représentés. Elle est présidée par Monsieur le Maire. Elle se réunit au moins quatre fois par an.

La commission d’expropriation pour cause d’utilité publique se réunit en cas de nécessité publique. Elle n’a pas de composition fixe. En dehors des services techniques classiques de l’Etat et de la commune, elle s’ouvre aux administrations intéressées par l’ouvrage d’utilité publique à construire et à l’autorité administrative du territoire concerné par l’ouvrage. Présentement elle est présidée par la délégation Générale aux grands travaux relevant de la Présidence de la République. Les rapports sont expédiés à la Présidence de la République pour approbation et au Ministre des Finances pour mandatement des sommes d’indemnisation.

La commission d’attribution est purement locale. Elle ne concerne que les autorités de la commune. Les attributions sont réalisées après l’élaboration d’un plan parcellaire établi par la Direction Départemental du Cadastre et de la Topographie. Sur la base de ce plan, Monsieur le Maire procède aux attributions de parcelles.

Celles-ci sont faites en fonction des demandes les plus anciennes, des doubles emplois précédents et de certains critères qui relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’autorité.

Toutefois, Monsieur le Maire est tenu de respecter les zones prévues pour les équipements (affectation d’intérêt général : hôpitaux, écoles, etc.).

Les structures de décision

La Direction de la Construction de l’Urbanisme et de l’Habitat (relevant du Gouvernement) est chargée d’élaborer le plan d’aménagement du sol, en conformité avec les documents d’urbanisme : Schémas Directeurs, Plan Directeur, Plan d’Urbanisme de détail.

La Direction du Cadastre et de la Topographie (relevant du Gouvernement) est chargée de la mise en forme graphique du plan de lotissement. Ce plan doit être transmis à la Mairie pour attribution parcellaire.

La Direction de la Conservation des hypothèques et de la propriété Foncière (relevant du Gouvernement) est placée sous l’autorité directe du Directeur Général des Impôts lui-même relevant du Ministre des finances. Cette direction est chargée de délivrer des titres Fonciers pour des Parcelles de terrain déjà mises en valeur ayant fait l’objet de permis d’occuper. Les propriétaires de ces parcelles de terrain sont assujettis à l’impôt sur le foncier bâti.

La Direction de la Gestion Foncière Urbaine (animé par l’orateur, relevant de la Mairie de Brazzaville) est chargée de la gestion des lotissements, de la délivrance des permis d’occuper, des autorisations d’occupation du domaine public, de l’expropriation pour cause d’utilité publique (en collaboration avec les autres services de l’Etat cités plus haut.) Tous ces services sont publics, donc destiné à satisfaire l’intérêt général. La population est-elle satisfaite de ses prestations ?

3. Les insuffisances de la réglementation foncière

Absence de plusieurs textes d’application

Plusieurs lois dans le domaine foncier attendent des textes d’applications (décrets, arrêtés). Ceci pose le problème de leur mise en œuvre. En effet, les lois posent les principes généraux

alors que les textes d’application fixent les modalités de mise en œuvre. Souvent, ce vide profite à des usagers qui excédent leurs prérogatives. L’Etat devient dans ce cas de figure important.

Faible autorité de l’Etat

En effet dans un pays en situation post conflit comme le nôtre, une situation d’anarchie règne dans le domaine foncier. Certains citoyens dopés par la victoire militaire relative aux guerres civiles endurées par notre beau pays se placent au-dessus de la loi : certains squattent des maisons et parcelles appartenant à autrui en toute impunité, tandis que d’autres ayant pourtant acquis leurs parcelles de terrain régulièrement, érigent des constructions sans plans, sans autorisations ni respect des normes d’urbanisme. De plus, il existe des pans entiers de terrains dont l’accès est interdit aux services municipaux et cela dans l’impunité totale.

Résistance des coutumes

L’application du droit moderne se heurte également au droit coutumier. Cette résistance du droit coutumier apparaît souvent de manière flagrante lorsque des ouvrages d’utilité publique doivent être érigés (dispensaires, routes, écoles…). Certains propriétaires tirant leurs prérogatives du droit coutumier s’opposent à l’expropriation au motif que c’est la terre de leurs ancêtres, qu’ils supporteraient le trouble de jouissance. Où est le droit moderne ?

Absence d’un véritable pouvoir judiciaire

Un Etat de droit est un Etat dans lequel l’administration et les administrés se soumettent à la loi et au contrôle du pouvoir juridictionnel.

Or, le Congo ne dispose pas d'un véritable pouvoir juridictionnel. Notre expérience des affaires domaniales (11 ans) nous révèle que les jugements sont la plus part du temps rendus sans objectivité, au mépris des procédures juridiques et du baromètre : la loi. Toutefois, même lorsque la loi est dite, nous constatons 82

une véritable résistance à son application compte tenu des trafics d’influence.

Incivisme

Au-delà des obstacles institutionnels, l’application de la réglementation foncière se heurte à des résistances issues de la société civile, liées aux comportements individuels ou collectifs inciviques. Cet incivisme résulte en grande partie de la crise des valeurs. L’Etat a perdu le contrôle de certains citoyens qui, pour des raisons subjectives se sont mis sur le banc des intouchables.

Conclusion

Nous avons, d’emblée, déclaré que là où est la société, là est le droit. Le droit doit être respecté par tous pour une bonne harmonie sociale. Les pouvoirs publics doivent répondre à cette attente sociale. Le respect du droit en général, et du droit foncier en particulier, est essentiel pour que la loi soit au-dessus de tous sans exception.

Etude pour la Réhabilitation du Patrimoine Historique