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Donner-recevoir-rendre dans les projets intergénérationnels

2.6 R ELATIONS INTERGENERATIONNELLES : QUELLES PARTICULARITES ?

2.6.2 L A DYNAMIQUE DES RELATIONS INTERGENERATIONNELLES : RECIPROCITE , ECHANGE ET

2.6.2.1 Donner-recevoir-rendre dans les projets intergénérationnels

L’intérêt sera porté sur les projets qui mettent en scène des retraités et des enfants, où soit les premiers offrent une aide aux seconds, où soit une activité est partagée, car il me semble que c’est entre ces deux types de projets que se situe LFL.

LES EXPERIENCES DE BREST

Celles-ci sont le terreau sur lequel le programme LFL a grandi, et elles sont menées à Brest depuis 1985. A l’origine de ces actions, on découvre une demande d’instituteurs de l’école publique de Pontanézen auprès de l’Office des retraités et des personnes âgées de Brest (ORPAB), pour intervenir à la bibliothèque, dans le cadre d’une aide à la lecture. Au fil des ans leur intervention s’est élargie au niveau

Les auteures ont analysé 220 projets en France, lors de l’année européenne des personnes âgées et de la solidarité entre les générations en 1993.

Ces initiatives ont fait l’objet d’une étude menée par l’Université de Bretagne Occidentale, intitulée

« les accompagnements entre générations dans l’univers scolaire » et réalisée par Le Borgne-Uguen et Pennec, en 1996.

des activités et des écoles de Brest. Par exemple, l’école de La Pointe organise des ateliers-lecture pendant le temps scolaire, où des retraités viennent raconter des histoires aux élèves. Derrière ces pratiques transparaissent des suppositions à propos du lien inter-générations tissé par la lecture à voix haute. Si ce lien intergénérationnel est présent, l’hypothèse peut être évoquée que ce lien est un élément important dans le développement affectif et culturel des enfants. Si les parents lisent moins d’histoires à leurs enfants, on se trouve confronté au risque que le patrimoine culturel ne se transmette plus.

a) Donner-recevoir chez les intervenants-retraités

Pour la moitié des intervenants, l’engagement dans l’activité est lié à un projet social et éducatif, qui a pour but d’aider les enfants à progresser dans leur scolarité et par conséquent de “combattre“ l’illetrisme, de leur apporter quelque chose, d’endosser le rôle de transmetteur, d’être en contact avec des enfants, avec des générations différentes. D’ailleurs, lorsque les intervenants parlent de leur engagement, ils se réfèrent souvent à un sentiment de responsabilité collective vis-à-vis de l’enfant en devenir et de la jeunesse, de sa scolarité, ainsi qu’à leur disponibilité pour soutenir une cohésion collective intergénérationnelle. Pour la majorité des intervenants, cette activité est essentielle pour leur développement identitaire et personnel, car elle permet la construction d’une image positive de soi, car elle aide à la gestion de l’éloignement de ses propres petits-enfants ou à la gestion d’évènements de vie déstabilisateurs (mort d’un proche par exemple), car elle préserve de l’ennui, de l’angoisse du devenir, d’un isolement et car elle offre l’occasion d’être davantage participant de la dynamique sociale, d’avoir son utilité dans la société tout en étant à la retraite et de donner un sens accru à son existence. Tout ceci se lit dans les réponses données par rapport à la satisfaction et à la reconnaissance retirées d’un tel engagement. La satisfaction qui est surtout liée à la reconnaissance éprouvée et lue dans la performance de l’enfant, dans la réussite à lui communiquer quelque chose, à créer une proximité affective avec lui. Ceci se traduit par l’usage du prénom, du terme papy, mamy, et par le fait d’être pris comme confident. Ces indices de réussite signalent à l’intervenant sa capacité à être dans une démarche éducative, dans laquelle l’enfant acquiert des atouts supplémentaires et dans laquelle celui-ci est à l’aise. Un sentiment positif est constaté chez l’intervenant, sentiment dû à la légitimation et à la valorisation de son action, ainsi qu’à sa capacité avérée à

progresser, à préparer l’avenir. Ce sentiment est d’autant plus fort, lorsque des difficultés de gestion des activités avec les enfants sont apparues et que les stratégies trouvées, pour faire face aux problèmes, ont fonctionné.

L’importance des activités transparaît aussi dans le langage employé pour en parler, langage très chargé émotionellement ; en effet des mots tels que “soutien moral“,

“enrichissement personnel“, “plaisir“, “bouffée d’air frais“, “bain de fraîcheur, de spontanéité, de sincérité“, traduisent assez explicitement la nécessité de participer à de telles activités. De manière plus générale, les auteurs mettent en avant le fait que cette activité remanie ou transforme la perception des différences ou des représentations préalables portées sur les générations concernées. Les représentations des ruptures ou distances entre les générations, semblent remaniées par l’engagement concret dans l’activité.

b) Donner-recevoir chez les enfants

Dans cette étude, les chercheurs n’ont pas demandé directement aux enfants ce qu’ils pensaient des rencontres avec les retraités. Mais c’est par les dires et les constats des parents qu’il apparaît que les enfants en tirent des bénéfices.

Selon les parents, les bénéfices retirés par les enfants sont les progrès en lecture, l’amélioration des capacités de travail, une meilleure organisation, la transmission d’un épanouissement, d’un bien-être, d’une assurance et de l’encouragement.

Selon les parents, il apparaît que les propos des élèves à l’égard des intervenants sont très favorables ; l’affection et le respect apparaissent fortement, le goût pris à l’activité est souvent cité.

D’ailleurs il est souvent mis en avant que les personnes âgées ont des qualités supposées propres à leur cycle de vie, comme la sagesse, la patience, l’écoute, la tendresse, l’affection. Pour les parents partageant cette vision, ce qui importe c’est la qualité représentée et supposée de la relation établie entre intervenants et enfants.

Les intervenants sont parfois considérés comme des substituts familiaux.

L’ALLIANCE DES AGES

Avant de tenter de mettre en évidence ce que chacun a donné et reçu, il me semble important de souligner que « les participants mettent spontanément l’accent sur ce

Titre de l’étude de Puijalon et Trincaz (1994).

qu’ils ont reçu mais font preuve de beaucoup de pudeur par rapport à ce qu’ils ont donné. » (Puijalon et Trincaz, 1994, p.132).

a) Donner-recevoir chez les intervenants-retraités

« Aucun des retraités ne comptabilise son temps, sa peine. Ils mettent en avant ce qu’ils reçoivent et disent leur démarche intentionnelle : ils veulent donner le goût du beau, le sens du travail bien fait, le respect de l’environnement… » (Puijalon et Trincaz, 1994, p.132). La transmission de certaines valeurs paraît être primordiale pour les retraités ou peut être plus concrète, plus tangible et en accord peut-être avec ce que la société leur demande de faire, d’être. Et pourtant, les enfants disent recevoir autre chose que des valeurs, ils pointent l’affection, l’écoute, un regard positif, etc.

b) Donner-recevoir chez les enfants

Les auteures soulignent que lors des actions suivies, de type soutien scolaire par exemple, les enfants ont perçu et reçu de la part des retraités de l’intérêt, de l’attention, de la compréhension, “beaucoup d’amour“. Peut-être est-ce parce que ces enfants cherchaient à remplacer leurs grands-parents disparus, ou à connaître ce que peut être un grand-parent, ou encore à continuer un type de relation qu’ils connaissaient déjà. Et “en contrepartie“ ils ont donné le sens de la continuité, leur joie de vivre, leur énergie… Et en plus, la situation a offert à certains retraités la possibilité de s’affirmer comme étant encore actifs et utiles.

Pour conclure, il est à noter qu’aux dires des participants, ces rencontres portent leurs fruits et transforment profondément ceux qui ont donné et reçu. Cela se traduit par une plus grande maturité, une opinion différente sur la vie, une plus grande aisance dans le contact. Mais selon les auteures, la réussite tient beaucoup à la création d’un climat relationnel plein de chaleur, où la parole ou le silence de l’autre sont acceptés, entendus.

Dans les deux travaux rapportés, il apparaît que certains projets intergénérationnels donnent l’occasion d’une « transmission mutuelle de connaissances et d’expériences de vie », d’ « une transformation mutuelle, d’un travail de opération, de co-construction, de co-errance qui peut devenir cohérence selon l’expression conjuguée

de Houde (2000, p.24) » (Taramarcaz, 2001, p.72). Ce travail transparaît dans les dires de certains participants-retraités : “ces enfants nous apportent plus que ce que nous leur donnons“, “c’est un enrichissement personnel et le sentiment d’être utile aux enfants“. Ici la satisfaction est liée à la réciprocité des bénéfices symboliques et réels issus des relations avec les enfants. En effet, c’est l’occasion de vivre un nouveau rapport à l’âge, un nouveau sens de son existence, de modifier sa relation aux différentes générations, d’expérimenter un lien social qui n’est pas ou plus éprouvé dans d’autres situations sociales.

2.6.3 La dynamique relationnelle dans les relations entre grands-parents