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3. ANALYSE ECONOMETRIQUE DE L’EFFET D’EVICTION DE LA CONSOMMATION DU

3.2.2. Données et variables

a. La source des données

La base de données utilisée dans le cadre de la présente étude est celle issue de l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM 2018-2019) telle que décrite au niveau de la section 2.

b. Les variables expliquées

Comme indiqué au niveau de la présentation du cadre théorique du modèle, les variables expliquées sont généralement, les quantités demandées de chacun des biens et services contenus dans le panier de dépenses du ménage, hormis le tabac, dont la quantité demandée est supposée prédéterminée. Cependant les données fournies par les enquêtes ménages portent généralement sur les montants dépensés, plutôt que sur les quantités demandées. Devant la difficulté d’obtenir des informations sur les prix afin de convertir les montants dépensés en quantités demandées, plusieurs auteurs dont Jumrani & Birthal (2017), Husain & al. (2018), Masa-ud & al. (2020), etc., ont agrégé les biens et services en différents postes de dépenses, puis utilisé les part du budget restant (après déduction de la dépense de tabac) que le ménage consacre à chacun de ces postes, comme variables expliquées.

Ainsi, les variables expliquées communément retenues par ces auteurs sont, les parts du budget restant pour les treize (13) postes suivants : l’alimentation ; le logement ; l’information et communication ; le transport ; la santé ; l’énergie de cuisson ; l’hygiène ; l’habillement ;

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l’éducation ; l’alcool ; les jeux de hasard ; le divertissement ; et les autres dépenses non spécifiées. La base EHCVM (2018-2019) présentant la caractéristique de fournir des données sur les montants dépensés et non les quantités demandées, il est donc retenu comme variables expliquées, les treize variables susmentionnées.

c. Les variables explicatives

Au total, quinze (15) variables explicatives sont potentiellement introduites dans le modèle 2 (voir la spécification en annexe 1), dont six variables d’intérêt, trois variables instrumentales et six variables de contrôle :

La première variable explicative d’intérêt est la dépense de tabac. Théoriquement, il est attendu un effet négatif sur la part de budget dédiée à l’alimentation. En effet, partant du constat que les fumeurs quotidiens de cigarettes avaient généralement un indice de masse corporelle plus faible que les non-fumeurs et que ce dernier s’accroissait dès qu’ils arrêtaient de fumer, des travaux de recherche ont montré que la nicotine contenue dans le tabac diminuait l’appétit, augmentait le métabolisme et altérait ainsi la masse corporelle (Comroe, 1960 ; Birch, 1975).

Par conséquent, une hausse de la consommation de tabac est supposée provoquer une baisse de la consommation alimentaire.

Il est par contre attendu un effet positif de la dépense de tabac sur les parts de budget de l’alcool et des jeux de hasard. En effet, des travaux ont révélé une corrélation positive entre le tabac et ces deux postes (Siahpush & al. 2004). Pour le cas de l’alcool, il est démontré que son interaction avec le tabac décuplait les sensations de plaisir que procurait la nicotine contenue dans ce dernier, d’où la tendance des consommateurs de tabac à davantage consommer de l’alcool. Pour les jeux de hasard, leur corrélation positive attendue avec le tabac résulte du fait qu’ils nécessitent un gout du risque que procurent justement les sensations de plaisir, de détente et de stimulation intellectuelle induites sur le cerveau par la nicotine. Toutes ces relations permettent d’expliquer le succès des casinos, qui sont en quelques sortes un carrefour entre la pratique des jeux de hasard et la consommation du tabac et de l’alcool.

Toutefois, l’effet attendu des dépenses de tabac sur la part de budget de la santé est mitigé et dépend de l’horizon temporel. Il peut s’agir d’un effet d’éviction si l’on est dans le court terme et que la consommation de tabac est suffisamment modérée pour que ses effets sur la santé n’engendrent pas encore de dépenses en soins. Par contre à long terme ou en cas de tabagisme excessif, il est attendu une hausse des dépenses en soins (Organisation Mondiale de la Santé, 2008).

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L’effet attendu des dépenses de tabac est également mitigé pour le reste des variables expliquées, notamment les parts de budget consacrées à l’éducation, le logement, l’information et communication, le transport, l’énergie de cuisson, l’hygiène, l’habillement, le divertissement et les autres dépenses non spécifiées. Il peut s’agir d’un effet d’éviction ou d’un effet nul suivant le niveau de consommation de tabac et le niveau de revenu du ménage. L’effet attendu est nul si, comparativement au niveau de revenu du ménage, son niveau de dépense en tabac n’est pas suffisamment élevé et contraignant pour engendrer une éviction.

Une autre variable explicative est le logarithme naturel du budget restant après déduction de la dépense de tabac, introduite dans le modèle comme proxy du revenu du ménage. Pour rappel, notre modèle empirique est une spécification des courbes d’Engel conditionnelles quadratiques, où les demandes sont exprimées en fonction du revenu. Le signe attendu pour cette variable est mitigé et dépend de la nature de la variable expliquée. En effet, pour l’alimentation qui est théoriquement supposée être un besoin de première nécessité, il est attendu un signe positif, tandis qu’un signe négatif est attendu pour l’alcool qui théoriquement est supposé être un bien inférieur.

Une variable dichotomique prenant la valeur 1 si le ménage a déclaré avoir consommé du tabac et 0 sinon, est introduite, dans l’estimation du modèle 2. Elle permet de tester l’hypothèse d’hétérogénéité des préférences entre les ménages ayant déclaré avoir consommé du tabac et les autres. En cas de préférences hétérogènes, elle permet également d’estimer l’effet des dépenses de tabac dans le seul groupe des ménages consommateurs de cette substance.

Par ailleurs, du fait de la nature quadratique du modèle à estimer, trois (03) autres variables explicatives sont retenues :

La première est le carré du logarithme naturel du budget restant après déduction de la dépense de tabac. Pas de signe attendu pour cette variable. Cependant, sa significativité indique si le modèle estimé suit effectivement l’équation d’une courbe d’Engel conditionnelle quadratique.

La deuxième variable est le produit du logarithme naturel du budget restant après déduction de la dépense de tabac, par la variable dichotomique prenant la valeur 1 si le ménage a déclaré avoir consommé du tabac et 0 sinon. Cette variable permet d’estimer l’effet des dépenses de tabac au sein du groupe des ménages consommateurs de ce produit au cas où les préférences s’avéraient hétérogènes entre ces deux groupes et donc, que le modèle 2 était retenu. Il est attendu le même signe que la variable des dépenses de tabac. La troisième variable est, le produits du carré du logarithme naturel du budget restant après déduction de la dépense de tabac, par la variable dichotomique prenant la valeur 1 si le ménage a déclaré avoir consommé

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du tabac et 0 sinon. Pas de signe attendu pour cette variable. Cependant, sa significativité indique si le modèle estimé particulièrement dans le cas des ménages consommateur de tabac suit effectivement l’équation d’une courbe d’Engel conditionnelle quadratique.

Théoriquement, la dépense de tabac et la dépense totale hors tabac sont supposées endogènes, c’est-à-dire corrélés avec le terme d’erreur, du fait notamment de la simultanéité des décisions de consommation. D’où l’introduction de deux variables instrumentales dans le modèle.

Ainsi, la moyenne des dépenses de tabac des autres ménages de la zone de dénombrement dans laquelle habite le ménage considéré est introduite comme instrument pour la variable des dépenses de tabac. Le choix de cette variable instrumentale résulte de la littérature. En effet comme souligné par Jumrani & Birthal (2017), les réseaux d’influence qui naissent des interactions sociales peuvent être des déterminants importants de divers comportement dont la consommation de substances addictives (notamment chez les personnes jeunes). Akerlof (1997) explique que le simple fait de fréquenter ou d’observer régulièrement des amis ou des personnes du voisinage consommer fréquemment des substances addictives, peut stimuler l’attractivité présente ou future de ces substances chez un individu notamment jeune.

Ainsi, la probabilité d’effectuer des dépenses pour le tabac serait d’autant plus forte que l’entourage ou le réseau de pairs influenceurs du ménage effectue des dépenses sur ce produit et vice versa. Par conséquent, la moyenne des dépenses de tabac des autres ménages du réseau de pairs influenceurs devrait être un bon instrument pour la dépense de tabac, puisqu’elle devrait normalement être corrélée à cette dernière sans l’être avec le terme d’erreur. Jumrani &

Birthal (2017) ont utilisé le village du ménage comme potentiel réseau de pairs influenceurs.

Nous choisissons d’utiliser la zone de dénombrement, qui délimite généralement un ensemble de ménages habitant dans un voisinage géographique du même ordre qu’un quartier ou un village.

Le logarithme naturel de la dépense totale du ménage est également introduit comme instrument pour la variable du logarithme naturel du budget restant après déduction de la dépense de tabac. Théoriquement, la dépense totale du ménage devrait être un bon instrument pour le budget restant après déduction de sa dépense de tabac, puisqu’elle devrait normalement être corrélée avec cette dernière sans l’être avec le terme d’erreur. De nombreux travaux empiriques, dont John (2006), Pu & al. (2008), Husain & al. (2018), Masa-ud & al. (2020), Nguyen & Nguyen (2020), etc., ont eu recours à la dépense totale du ménage pour instrumenter le budget restant après déduction de sa dépense de tabac.

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Comme variables de contrôle, les six caractéristiques démographiques et socioéconomiques des ménages suivantes sont retenues :

La première est la localisation du ménage en milieu rural ou urbain. Théoriquement, cette variable détermine le contenu du panier de consommation des ménages, étant donné la différence d’abondance de certains biens et services selon que l’on se situe en milieu urbain ou rural. C’est le cas par exemple des services de santé et d’éducation qui sont généralement plus disponibles en milieu urbain, ou de la biomasse-énergie qui est généralement plus disponible en milieu rural. Pas de signe attendu pour cette variable. Par ailleurs, Masa-ud & al. (2020) et Saleem & Iqbal (2021) ont eu recours à cette variable pour contrôler leurs estimations des effets d’éviction liées au tabac.

La deuxième est le sexe du chef de ménage. Théoriquement, le facteur genre est supposé déterminer les préférences des individus. Ainsi, le sexe du chef de ménage, qui est utilisé comme proxy du « sexe moyen du ménage » est supposé influencer les allocations budgétaires d’un ménage. Dans la littérature empirique sur les effets d’éviction du tabac, les travaux comme Husain & al. (2018) et Saleem & Iqbal (2021), ont utilisé cette variable pour le contrôle de leurs estimations.

La troisième est la situation matrimoniale du chef de ménage. Elle détermine la composition ou la diversité des membres du ménage et par conséquent, ses allocations budgétaires. Par exemple, un chef de ménage célibataire est généralement enclin à vivre dans un ménage composé d’un seul individu avec des préférences particulières, alors qu’un chef de ménage marié vie généralement dans un ménage à plusieurs individus avec des préférences diverses.

La quatrième est la religion du chef de ménage. Théoriquement, la religion dicte généralement un style de vie et de consommation. Par exemple, certaines religions proscrivent certains aliments et habitudes de consommation qu’elles jugent contraires à leurs principes. Ainsi, la religion du chef de ménage pourrait déterminer les allocations budgétaires des ménages. Husain

& al. (2018) et Saleem & Iqbal (2021) ont également utilisé cette variable.

La cinquième variable de contrôle est le niveau d’éducation du chef de ménage. Théoriquement, un ménage où le chef dispose d’un niveau d’éducation élevé est plus enclin à consommer des biens particuliers tels que des produits de connaissance par exemple, ce qui détermine le contenu de ses allocations budgétaires. Husain & al. (2018) ont également eu recours à cette variable dans leurs analyses.

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La dernière variable est l’état d’activité du chef de ménage. Un ménage dont le chef est par exemple au chômage, fait souvent davantage d’arbitrages dans sa décision de consommation, puisqu’il dispose généralement d’un budget relativement restreint. L’état d’activité du chef de ménage est donc susceptible de déterminer les allocations budgétaires des ménages.