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Les défis de la lutte antitabac au Togo

1. PROGRES ET DEFIS DE L’ELIMINATION DU TABAGISME AU TOGO

1.2. Les défis de la lutte antitabac au Togo

Au Togo, le taux de prévalence global du tabagisme avait été estimé à 8,5% en 2010, dont 3,1%

chez les femmes et 14,5% chez les hommes, âgés de 15 à 64 ans (Ministère de la Santé Togo, 2012). Au cours de la période 2013-2014, ce taux était passé à 3,6%, dont 0,7% chez les femmes et 10,5% chez les hommes, âgés de 15-49 ans (République Togolaise, 2015). Plus récemment en 2017, l’enquête par grappe à indicateurs multiples (MICS 2017) a estimé le taux de prévalence du tabagisme à 0,9% chez les femmes et 10,6% chez les hommes âgés de 15-49 ans.

1 Il s’agit des Organisations de la société civile telles que l’ACTA, l’ANCE-Togo, le REJAT-Togo, ATLAT, etc. et des partenaires techniques et financiers tels que l’OMS, entre autres.

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Notons que les données les plus récentes sur la prévalence du tabagisme sont toujours déclinées par sexe. Ainsi selon l’enquête MICS 2017, la prévalence du tabagisme chez les femmes se décline comme suit : selon le milieu de résidence, elle est de 0,6% en milieu urbain contre 1,1%

en milieu rural ; elle augmente avec les tranches d’âge, passant de 0,3% chez les 15-19 ans à 3,8% chez les 45-49 ans ; elle diminue avec le niveau de bien-être, allant de 1,1% chez les individus les plus pauvres à 0,3% chez les individus les plus riches, en passant néanmoins par un pic de 1,3% chez les ménages à revenu intermédiaire. S’agissant des hommes, elle se décline comme suit : 9,2% en milieu urbain contre 11,8% en milieu rural ; une augmentation avec les tranches d’âge qui va de 1,2% chez les 15-19 ans à 19,1% chez les 45-49 ans ; et une réduction avec le niveau de bien-être qui va de 14,8% chez les individus les plus pauvres à 6,2% chez les individus les plus riches.

Bien qu’il n’existe pas d’informations statistiques assez précises sur les cas de maladies directement induites par ces taux de prévalence du tabagisme au Togo, certaines analyses permettent d’affirmer que cette consommation de tabac conduit certainement à des conséquences sanitaires dont les plus connues sont :

 à court-terme, une légère obstruction des voies respiratoires, une réduction de la fonction pulmonaire, ainsi que des signes précoces de cardiopathie et d’accident vasculaire cérébral (Centers for Disease Control and Prevention, 1994) ;

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 à long-terme, des cancers variés, notamment le cancer du poumon et de l’estomac, des accidents vasculaires cérébraux, des maladies chroniques et des maladies coronariennes (OMS, 2008) ;

 sur la mère et l’enfant, des avortements spontanés, de la mortalité périnatale et néonatale, des grossesses extra-utérines, des mortinaissances, des enfants de faible poids à la naissance et bien d’autres complications lors de la grossesse et de l’accouchement.

Par ailleurs, l'achat de tabac priverait les familles togolaises de ressources dont elles pourraient avoir besoin pour sortir de la pauvreté (American Cancer Society Inc. & Vital Strategies, 2021)2. En effet, un fumeur togolais dépenserait 29,42 % de son revenu moyen (mesuré par le PIB par habitant) chaque année, pour s’acheter les dix marques de cigarettes les plus populaires3 afin de les fumer quotidiennement. Le coût économique du tabagisme au Togo s'élèverait ainsi à 2 410 millions de FCFA. Ce chiffre comprend les coûts directs liés aux dépenses de santé et les coûts indirects liés à la perte de productivité due à la morbidité et à la mortalité précoce.

En outre, l’élimination du commerce illicite des produits de tabac continue de représenter un défi majeur au Togo. En effet, des réseaux de contrebande continuent d’exister, malgré la ratification du Protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits de tabac. En 2019, les produits à base de tabac illégalement importés au Togo, rien que par voie terrestre, s’élevaient à 2 430 000 FCFA (presqu’entièrement en provenance du Bénin), tandis que ceux illégalement exportés, s’élevaient à 121 298 400 FCFA (dont 69,2% vers le Burkina Faso, 27,9% vers le Ghana et 2,9% vers le Bénin) (INSEED, 2019). Ainsi, par voie terrestre, le Togo serait un exportateur net de produits de tabac illicites. Ce constat parait quelque peu étrange, étant donné que le pays ne dispose pratiquement pas d’industrie de production de tabac (CADERDT, 2018). La seule explication plausible est que ces exportations illicites pourraient être pour la plupart, des réexportations de produits importés de manière licite à travers toutes les voies de communication, ou de manière illicite par voies maritime et aérienne.

2 Toutes les statistiques fournies dans ce paragraphe sont tirées de cette source.

3 Il s’agit des marques comme : Fine, Concorde, Royal, Bond, Marlboro, Gauloises, Aspen, Camel, Rothmans et Yes.

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Un autre défi est lié à l’instabilité de la politique de taxation du tabac au Togo. En effet, après être passés successivement de 45% avant le 1er janvier 2019 à 50 % en 2019, puis à 150 % en 2020, les droits d’accise sur le tabac sont retombés à 50% dans la loi des finances 2022.

Enfin, l’absence de données issues d’enquêtes statistiques suffisamment récentes et détaillées sur la question du tabagisme représente un défi pour l’élimination de ce fléau. En effet, les enquêtes les plus récentes et relativement détaillées sur la thématique restent l’Enquête de l’OMS sur les facteurs de risque des maladies non transmissibles (STEPS 2010) et l’Enquête Démographique et de Santé au Togo (EDST 2013-2014). Les enquêtes nationales qui ont suivi n’ont pu donner que des chiffres globaux de consommation de tabac par ménage, sans aucune désagrégation par individu, ni détails sur les différents produits et dérivés de tabac (c’est le cas de l’Enquête par grappes à indicateurs multiples – MICS 20174 – et de l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages – EHCVM 2018-2019).

En somme, la lutte antitabac au Togo mérite d’être renforcée malgré les progrès réalisés, car des défis persistent au regard, non seulement du taux de prévalence du tabagisme qui demeure relativement plus élevé chez les ménages pauvres du milieu rural, mais aussi du détournement de ressources que les dépenses de tabac engendreraient sur le budget des ménages, entre autres.

4 Le niveau de désagrégation de l’enquête MICS 2017 se limite à la distinction entre les cigarettes et les autres produits de tabac.

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2. DEPENSES LIEES AU TABAC ET ALLOCATIONS